Tournée d'adieux

Hollande au Salon de l'agriculture : «Vous nous avez promis, vous n'avez rien fait»

Dans une ambiance bien moins tendue que l'an dernier, le président de la République a inauguré samedi le Salon, à Paris, son dernier en tant que chef de l'Etat. Sans échapper aux reproches des professionnels du secteur.
par Philippe Brochen
publié le 25 février 2017 à 16h55

D'une année, l'autre. Si François Hollande s'était fait chahuter l'an passée lors de l'inauguration du Salon de l'agriculture en raison de la crise que connaît le secteur - des jets de bouse de vache avaient même fusé en sa direction -, le président de la République a effectué ce samedi une visite (quasi) en toute décontraction pour sa dernière sortie comme chef de l'Etat porte de Versailles, à Paris. Multipliant poignées de main et photos avec des visiteurs bienveillants. Un confrère résume : «Pas de sifflets, mais des selfies.»

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Il est 6 h 47 quand le Président sortant foule la moquette rouge du hall 1. Flanqué de Stéphane Le Foll, son ministre de l'Agriculture, il commence par se diriger vers la plaque commémorant Xavier Beulin, président de la FNSEA, le principal syndicat agricole, décédé il y a moins d'une semaine. «Xavier Beulin n'a eu de cesse d'alerter les pouvoirs publics sur l'importance des crises climatique, sanitaire et économique que traverse le monde agricole. Son message doit être entendu par l'ensemble de la société, dit le Président sur un ton grave. Ce salon est marqué par une profonde tristesse.» Puis il se fait présenter Fine, 6 ans, bovidé breton de race pie-noire. «On est là!», l'interpellent les photographes, implorant le regard présidentiel pour nourrir leurs objectifs. «C'est bon ? Vous avez la vache ?», leur répond le chef de l'Etat.

De son côté, à la question portant sur sa dernière visite comme ministre de l'Agriculture au salon, Stéphane Le Foll répond : «Tout va bien. Je suis très content qu'une vache bretonne soit mise à l'honneur.»

Pavé de vache limousine au petit-déj

La procession présidentielle peut débuter. Tout d'abord à un stand de fromages de chèvres. Puis dans un étonnant «bar à beurre» (le progrès ne s'arrête jamais). 7 h 15. Alors que François Hollande assiste furtivement à la traite de vaches, Alain, un éleveur laitier et porcin du Morbihan, interpelle poliment mais sans ambages le futur retraité : «Il y a deux ans, vous nous avez promis des choses, mais vous n'avez rien fait». Réponse du locataire de l'Elysée: «Les prix sont mondiaux. Nous ne pouvons donc pas les fabriquer à l'échelle de la France. Pour autant, nous avons réussi à les faire remonter sur le lait et sur le porc.» Et de poursuivre, en toute politesse : «Nous avons mis en place une politique d'indemnisation et de compensation pour les paysans les plus en difficulté.» Question du paysan breton : «Que peut faire le prochain Président que vous n'avez pas fait?» Hollande, sourire en coin : «Eh bien vous lui direz ce qu'il doit faire !» L'éleveur: «Tout le monde est conscient que ça va mal. Et les solutions de sortie de crise ne sont pas simples.»

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La montre indique désormais 8 heures. Le cortège présidentiel, flanqué de davantage de policiers que de journalistes, édition précédente oblige, fait une halte chez Inaporc, les professionnels de la filière porcine française. Puis, quinze minutes plus tard, la troupe s'engouffre chez Interbev, l'interprofession de la viande, où François Hollande et sa troupe s'offrent un petit-déjeuner en compagnie des acteurs du secteur : responsables syndicaux, Mutualité sociale agricole, Crédit agricole, Groupama… Au menu, un pavé de vache limousine. Morceaux choisis : «Il faut une grande agriculture française à la fois pour nourrir la planète, contribuer à l'amélioration climatique, à l'aménagement du territoire et donner à notre pays une image d'excellence.»

Ce petit-déjeuner expédié, l'Elysée fait des annonces : «Le plan de refinancement des exploitations agricoles en difficultés, composé d'une garantie de prêts et de reports des crédits bancaires est prolongé de trois mois jusqu'à fin juin.» Le 4 octobre 2016, Manuel Valls, alors Premier ministre, avait présenté ce «pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles». Ce plan prévoit la prise en charge de garantie des prêts par la Banque publique d'investissement (BPI) et le cofinancement par l'Etat des coûts de report en fin de tableau des échéances bancaires de l'année en cours. Quelque 20 000 à 30 000 exploitants pourraient être intéressés, selon le ministère de l'Agriculture.

«Si le problème est le ministre, dans trois mois il aura changé»

A  9 h 45, Samuel Vandaele, secrétaire des Jeunes agriculteurs, salue l'ambiance «cordiale» dans laquelle s'est déroulée la rencontre avec Hollande. «La situation n'était pas la même que si l'on était en début de mandat, lâche le syndicaliste. Les dés sont jetés. Mais c'était très positif que tous les syndicats se mettent autour d'une table commune.»

Si François Hollande est tout sourire à l'issue de cette entrevue, une visiteuse, entrée depuis 9 heures dans le hall 1 avec l'ouverture du salon au public, se plaint d'être bloquée dans sa déambulation par le service de protection du Président : «Jamais plus je ne voterai Hollande !» Par chance, l'intéressé n'entend pas la saillie de l'électrice marrie. Il est 10h30 et le chef de l'Etat doit rejoindre le colloque «Quel enseignement agricole en 2025 ?» L'occasion, après avoir salué «l'excellence française en la matière, qui a beaucoup innové pour arriver au niveau qui est le sien», de glisser une formule (improvisée ?) qui fait le sel de sa langue: «Si j'avais suivi ces études agricoles, cela aurait changé mon destin… et celui de la France.»

La déambulation continue sur un mode toujours bonhomme. Il est 11 heures et la grappe protocolaire rejoint inévitablement le stand du ministère de l'Agriculture. L'occasion pour le Président fan de football de dribbler son ami de la rue de Varenne: «Stéphane Le Foll a été un très bon ministre. Notamment car il est un grand spécialiste des vers de terre.»

La foule se montrant bienveillante à l'adresse du chef de l'Etat, ce dernier prend un plaisir évident à serrer des mains, accepter des selfies (voire aller les chercher), faire des bises aux dames et aux enfants. De son côté, Stéphane Le Foll bénéficie de moins d'égards. «Vous n'avez rien fait en cinq ans, lui dit un syndicaliste. On n'attend rien de vous jusqu'à la fin de votre mandat.» Réponse ferme, mais sans agressivité, de Stéphane Le Foll : «Si le problème est le ministre, ne vous inquiétez pas, dans trois mois il aura changé.»

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