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Kalon

Foot : à Guingamp, les supporteurs passent à l'action

Depuis ce samedi, les supporteurs de l'En Avant Guingamp peuvent devenir actionnaires du club. Une première en France !
par Antoine Lebreton
publié le 25 février 2017 à 14h04

«Et toi, t'es kalon?» C'est sans doute la question qui sera sur toutes les lèvres, ce samedi après-midi au stade du Roudourou, ou l'En-Avant Guingamp (EAG) reçoit Monaco, pour la 27e journée de Ligue 1. Kalon, ça signifie cœur en breton. C'est aussi, le nom de l'association (Kalon EAG), lancée ce midi, qui permettra aux supporters du club breton d'en devenir actionnaires. Une première en France !

Kalon à vie ! 

Un actionnariat populaire un peu à l'image des socios en Espagne mais sans le même pouvoir. Il n'est pas encore question d'un vote pour désigner le futur président de l'EAG. Alors comment ça marche ? Moyennant une cotisation de 40 euros, n'importe qui pourra devenir «Kalon» quel que soit son âge (les mineurs de moins de seize ans devront toutefois demander l'autorisation à leurs parents) que l'on soit supporter ou pas, que l'on habite «à Guingamp, Tréglamus ou New York» explique Frédéric Le Grand, vice-président du club. Ce titre fera d'eux un membre fondateur de l'association (type loi 1901) à vie ! Pour la petite histoire, chaque supporter-actionnaire recevra un numéro de kalon comme cela se fait au FC Barcelone ou au Real Madrid (Florentino Perez, le président du club est ainsi le socio numéro 2486) qui figurera sur une plaque à son nom personnalisable avec une phrase de son choix.

Le nombre de personne souhaitant obtenir une adhésion kalon n’est pas limité mais chacun ne pourra en obtenir qu’une seule qui courra jusqu’en juin 2018. A partir de cette date, ceux qui voudront rester membres actifs du club Kalon EAG, qui comportera comme chaque association un président, un trésorier, un secrétaire général, etc, devront s’acquitter d’une cotisation mensuelle d’un euro symbolique. Celles qui ne le souhaitent pas garderont malgré tout leur titre de kalon pour le restant de leurs jours. L’argent des cotisations permettra à l’association de devenir actionnaire de la société anonyme En Avant Guingamp au même titre que les 141 autres actionnaires parmi lesquels le groupe Le Graët (propriété de l’ex-président du club, qui dirige aujourd’hui la Fédération française de foot) mais aussi les Délices de la mer (conserverie, également propriété de Le Graët) ou les autocars Jezequel. Elle pourra se prononcer lors de l’approbation des résolutions présentées aux assemblées générales de la SA EAG. Elle aura aussi la possibilité de postuler pour un siège au conseil d’administration. Comme le dit le président de l’En Avant, Bertrand Deplat, l’idée n’est cependant pas de chercher à s’enrichir mais bel et bien de défendre des valeurs, d’être les garants de l’identité du club. Attention ! Pour ceux qui voudraient devenir kalon, la campagne d’adhésion prend fin le 29 avril et toujours selon Bertrand Deplat il n’est pas certain qu’une telle démarche soit réitérée dans le futur.

En France, une pratique encore marginale

Aucun club de l'élite ne compte de supporters à son actionnariat, du moins pas sous cette forme. Si l'idée a été évoquée du côté de Saint-Etienne où le président du club Roland Romeyer affirmait en avril 2016 vouloir créer «une famille élargie avec des supporters actionnaires», du côté de Marseille (Nsom) ou encore de Metz (Socios Grenats), elle ne s'est jamais concrétisée.

C'est encore à l'ouest au FC Nantes (FCN) que l'on trouve le projet d'actionnariat populaire le plus développé dans l'hexagone. L'association "A la Nantaise - L'association des amoureux du FC Nantes " qui se décrit comme le premier projet de la sorte du football français (il va falloir change de slogan) «entend accompagner le futur actionnaire de référence et monter au capital du club, en tant qu'actionnaire minoritaire, afin de pouvoir désigner des représentants dans les organes de décision et contribuer ainsi à la gestion du FCN». Mais contrairement à Guingamp, le projet nantais vient des supporters eux-mêmes et non du club. Jusqu'à présent, l'actuel président de Nantes, Waldemar Kita, en conflit avec les dirigeants de l'association, Florian Le Teuff et Eric Swidurski qu'il accuse de l'avoir insulté et menacé, s'est toujours montré hostile à ce projet. «A la Nantaise» espère malgré tout, au prochain changement de propriétaire, «créer un écosystème autour du club afin de défendre les valeurs et diversifier les recettes du FC Nantes». Aujourd'hui, l'association affirme qu'elle a déjà récolté 42 500 euros soit l'équivalent de 8% du montant actuel du capital du club estimant que le potentiel économique de cet actionnariat populaire pourrait atteindre 1,7 million d'euros.

En France, le Conseil national des supporters de football (CNSF), œuvre pour multiplier ce type de projet et accompagner les supporters qui voudraient se structurer dans le but de détenir une partie du capital de leur club et intervenir dans sa gestion. Soutenu par l’UEFA et les institutions de l’Union européenne, l’actionnariat populaire est déjà une réalité dans de nombreux clubs de l’élite du football européen. C’est même une obligation en Allemagne avec la loi dite du «50+1» qui impose aux clubs de Bundesliga que leur capital soit détenu au minimum à 50% plus une voix par les supporters. La bonne santé financière des clubs allemands, leur image et l’implication de leurs supporters démontrent selon le CNSF la pertinence de ce modèle de gestion à la fois sur le plan de la promotion des valeurs du sport et sur celui de l’efficacité économique.

L’En Avant Guingamp apparaît ainsi comme le précurseur d’un modèle qui a déjà fait ses preuves à l’étranger même si l’association Kalon EAG ne dispose pas encore aujourd’hui de pouvoirs conséquents. Quoi qu’il en soit, le club des Côtes d’Armor espère bien compter sur ses plus de 10 000 abonnés et sur une campagne de promotion réussie pour la réalisation de ce projet unique en France.

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