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Automobile : ces « ventes tactiques » qui permettent de gonfler les chiffres

+ VIDEO - En 2016, les immatriculations de véhicules de démonstration ou de courtoisie ont représenté près d’une vente de voiture neuve sur six en France.

Par Julien Dupont-Calbo

Publié le 27 févr. 2017 à 15:47

Ce fut le miracle du 31 janvier. Au soir du 30 janvier, le marché automobile français était à la peine, en repli d’environ 3 %. Le lendemain soir, retrouvant le sourire avec près de 18.000 ventes supplémentaires de voitures neuves en 24 heures – soit deux fois plus qu’un jour normal. Magique ? Pas vraiment. Les constructeurs ont simplement activé l’un de leurs tours préférés: les ventes dites tactiques. Une pratique vieille comme l’industrie automobile, qui consiste à immatriculer des véhicules neufs auprès des autorités pour ensuite les écouler dans les réseaux de concessionnaires. « C’est une manière de sécuriser les volumes de vente », souffle Hadi Zablit, consultant au cabinet BCG.

A cet égard, les chiffres du marché pour l’ensemble de l’année 2016 sont assez parlants. Si les ventes progressent de 5 %, à plus de 2 millions d’unités, ce n’est pas vraiment grâce aux clients particuliers. C’est d’abord le fait des ventes aux sociétés (+8 %), ou des ventes aux loueurs courte et longue durée (+9 %). L’air de rien, Hertz, Avis et compagnie ont acheté plus d’une voiture sur dix en France l’an dernier. A ceci s’ajoutent les ventes aux collaborateurs, qui ont généré 50.000 unités l’an dernier, et surtout les immatriculations de véhicules de démonstration ou de courtoisie, qui ont représenté près de 290.000 unités (12 % de plus qu’en 2015). Presque une vente sur six !

Le phénomène des ventes « grises »

Des modèles en général revendus quelques semaines plus tard en occasion, à un prix parfois inférieur de 20 à 30 % à celui du catalogue, le tout pour un kilométrage epsilonesque. En bout de ligne, toutes ces ventes « grises » représentent 29 % des ventes globales.

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C’est une fuite en avant qui se répercute sur toute la chaîne.

Bien entendu, elles ne se valent pas toutes. Les ventes en location longue durée sont plutôt la marque d’un nouveau mode de consommation. Pour le reste, il y a une logique qui prend de l’ampleur quand un constructeur souffre. L’an dernier, les champions du domaine dans l’Hexagone étaient Fiat, Alfa-Romeo, Opel et DS. Des marques à la lutte, qui ont des niveaux de ventes tactiques supérieur à 40 % « La planche à cartes grises, c’est un amortisseur qui peut gonfler artificiellement ses parts de marché, habiller le bilan en déplaçant le stock chez les concessionnaires en permettant à ces derniers de remplir leurs objectifs et de toucher leurs primes », explique Flavien Neuvy, de l’Observatoire Cetelem.

VIDEO - Comment le secteur automobile gonfle ses chiffres

« Tout le monde y perd »

Chez les constructeurs, on défend souvent la pratique en mettant en avant la nécessité de présenter les modèles au public, et celle de faire tourner les usines en « poussant la tôle » – quitte à vendre à prix coûtant. « Mais il n’existe pas de chiffres concrets sur l’intérêt industriel. Aujourd’hui, les modèles comptent tellement d’options différentes… », tempère Hadi Zablit, au BCG. Autre limite : plus on fait de ventes grises, plus on diminue la valeur de revente des véhicules.

« C’est une fuite en avant qui se répercute sur toute la chaîne, admet un ancien patron de marque. Inonder le marché de véhicules au rabais, cela pénalise les ventes neuves, la valeur de revente, les occasions. Tout le monde y perd. Après, si le constructeur gagne quand même un petit peu sur les ventes tactiques, il peut y trouver son compte », ajoute celui qui pilotait ses ventes grises pour que ces dernières ne dépassent pas sa part de marché « naturelle ».

Une fois le doigt dans l’engrenage, les conséquences peuvent être rapidement désastreuses sur l’image de marque et les bénéfices. « Et il faut faire énormément d’efforts pour redresser le tir », rajoute Hadi Zablit.

En Belgique, 8.000 Renault évanouies dans la nature

La presse belge les appelle les « petits filoux ». Outre-Quiévrain, la filiale de Renault n’hésite visiblement pas à utiliser les ventes tactiques pour doper ses ventes. L’an dernier, la marque au Losange était a priori le premier constructeur du pays en part de marché, avec 55.871 immatriculations. Mais, en février, la publication de données retraitées la plaçait derrière Volkswagen, avec 47.675 ventes. Près de 8.000 voitures se sont donc envolées dans la nature. Chez Renault, on affirme qu’il s’agit de clients étrangers venus acheter leurs véhicules dans le pays avant de repartir chez eux... En Belgique, il faut savoir qu’un industriel peut faire « désimmatriculer » un véhicule s’il le souhaite.

Julien Dupont-Calbo

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