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    28/02/2017

    Et c’est illégal !

    C’est une première : le tribunal de Boulogne-sur-Mer interdit à un soutien des réfugiés de parler à la presse

    Par Tomas Statius , Alice Maruani

    Matthieu est un soutien actif des réfugiés. Dans le cadre de son contrôle judiciaire, un juge lui a interdit d’entrer en contact avec tous les journalistes. « C’est une atteinte à la liberté », s’indigne le président du syndicat des avocats de France.

    Matthieu*, 42 ans, a décroché le gros lot. Mis en examen pour avoir aidé des amis migrants à traverser la Manche en canot pneumatique, ce soutien aux réfugiés, assez actif dans la jungle a écopé d’un contrôle judiciaire plutôt serré. En août dernier, il était arrêté à son domicile avant de passer devant un juge.

    Interdiction de se rendre à Grande-Synthe ou à Coquelles (à quelques kilomètres de Calais) « sauf pour prendre l’autoroute », interdiction de contacter ses complices présumés… Mais il y a plus original : l’homme a l’interdiction formelle de parler avec « tous journalistes » (sic), précise noir sur blanc le document consulté par StreetPress. Une première, à notre connaissance. Pas facile pour médiatiser son cas ! Selon nos informations, l’homme aurait déjà contesté la décision, sans succès. Difficile d’avoir des précisions… sans contacter l’intéressé.

    Une décision illégale

    Pour justifier ce placement sous contrôle judiciaire, le juge d’instruction, un ancien commissaire de police, invoque l’article 138 9° du code de procédure pénale, précise l’ordonnance. Celui-ci encadre le contrôle judiciaire. « Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, on peut décider d’un certain nombre d’obligations, dont celui de ne pas rencontrer un groupe de personnes », décrypte Olivier Coudert, président du syndicat des avocats de France. La décision ne peut concerner que des individus liés à la procédure. Dans ce cas-là, le parquet est obligé de motiver sa décision. Ce n’est pas le cas pour Matthieu. Son contrôle judiciaire serait donc illégal :

    « C’est une atteinte à la liberté. On ne peut pas interdire de voir des journalistes comme ça. Il faut qu’il y ait un lien avec les faits reprochés. »

    Même réaction du côté du Syndicat de la Magistrature, dans un style plus mesurée et un brin ironique :

    « C’est une décision originale. On peut a minima s’interroger sur la raison de cette interdiction au regard de la loi. »

    Et la magistrate de poursuivre :

    « Eviter la publicité, ce n’est pas une raison qui peut justifier un contrôle judiciaire. »

    Drôle d’ambiance au tribunal de Boulogne

    Pour un avocat coutumier de ce type d’affaires, cette décision représente bien l’ambiance au Tribunal de Boulogne :

    « Ils sont un peu spéciaux à Boulogne. Pour toute affaire qui concerne de près ou de loin des passeurs, on prend quadruple peine. »

    Contacté par StreetPress, le parquet de Boulogne n’a pour l’instant pas souhaité répondre à nos questions.

    *Le prénom a été modifié.

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