Le nouveau TGV qui circulera sur la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, appelée l'Océane, à Bordeaux le 11 décembre 2016

Le nouveau TGV qui circulera sur la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, appelée l'Océane, à Bordeaux le 11 décembre 2016

afp.com/MEHDI FEDOUACH

Dès le 1er juillet, Bordeaux sera aux portes de Paris. Grâce à la ligne à grande vitesse (LGV), il sera possible de rallier les deux villes en 2h04 contre 3h15 aujourd'hui. Une performance rendue possible par le nouveau tronçon entre Tours et Bordeaux, que vient justement inaugurer ce mardi le président de la République, François Hollande.

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Pour arriver à ce résultat, il a fallu des années de débats politiques (avec le Grenelle de l'Environnement notamment) concrétisé par un appel d'offres lancé en 2007, remporté par Vinci trois ans plus tard. Des mois de travaux qui ont bouleversé l'organisation d'un certain nombre d'entreprises, à Paris comme à Bordeaux, des changements qui impactent tout autant les prix de la métropole que la vie des nouveaux venus.

Quels impacts sur l'économie locale?

En lui-même, le chantier est déjà une respiration pour les entreprises de travaux publics. Longue de 340 km, la ligne aura coûté plus de 7 milliards d'euros. Sur cette enveloppe, la LGV a apporté "à fin 2016, un chiffre d'affaires d'environ 812 millions d'euros pour les sous-traitants", selon les données compilées par le concessionnaire de la ligne, Lisea (Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique), qui a créé en 2012 un observatoire socio-économique pour mesurer l'impact du chantier. Ces entreprises régionales auraient fait "travailler localement chaque année 6900 personnes", et "9000 au plus fort du chantier à l'été 2013" selon Lisea.

Place de la comédie à Bordeaux

La place de la Comédie à Bordeaux en juin 2016

© / Jean-Marc Meisels/Andia pour L'Express

Par ailleurs, la LGV s'inscrit dans un vaste plan de redynamisation de la métropole, le projet d'aménagement Euratlantique devant bénéficier de 5 milliards d'euros d'investissements d'ici 2030. De grandes entreprises en ont déjà profité pour délocaliser des centres de décision. C'est notamment le cas de Thales ou de Dassault qui accompagnent la montée en puissance de l'aéronautique civil sur la métropole, historiquement plus orientée sur le militaire. "Thales a transféré une centaine de personnes de la région parisienne sur Bordeaux en ouvrant un important centre d'innovation", précise à L'Express Marie-Laure Dufau, porte-parole d'Invest In Bordeaux, une agence locale chargée de promouvoir l'attractivité du territoire.

Autre pan de l'économie à profiter de cette attractivité, le digital. "Dans ce secteur, beaucoup de boites sont très agiles, leurs créateurs bougent partout et ils se sont installés en sachant qu'avec Paris à deux heures, cela facilitera les échanges", explique-t-on chez Invest In Bordeaux. Les incubateurs et accélérateurs de start-up ont poussé dans la métropole ces dernières années, le numérique représentant déjà 25 000 emplois directs, ce qui fait de Bordeaux la sixième ville française dans ce secteur.

Quels enjeux pour le tourisme?

Être plus proche de Paris, c'est aussi attirer davantage de clientèle pour des courts séjours. Toujours d'après Lisea, l'observatoire du concessionnaire de la LGV, la future ligne permettra "une croissance de 20 à 30% du tourisme d'affaires" avec un trafic passagers pouvant atteindre 20 millions de voyageurs par an, soit une augmentation de 20% sur cet axe.

Aerial view of Bordeaux at sunset

Grâce à ses nouvelles infrastructures, Bordeaux est devenue une destination prisée des touristes étrangers.

© / Getty Images

A l'inverse, la fréquence des trains (environ un par heure), devrait "entraîner une réduction de l'ordre de 5 à 10 % des nuitées dans le centre-ville" explique le responsable de l'observatoire Bernard Gérardin. Pour contrer un éventuel contrecoup, ce spécialiste préconise de "faire monter en gamme l'offre hôtelière à Bordeaux et de développer le nombre de chambres, car la saturation arrive vite en période de pointe".

Quelles conséquences sur l'immobilier?

Avec une augmentation de plus de 7% sur an, Bordeaux décroche la palme de la plus forte hausse des prix immobiliers en 2016. D'après les données compilées par le baromètre LPI-SeLoger, la métropole bordelaise culmine en moyenne annuelle à 3829 euros le mètre carré (chiffres de février 2017), soit la quatrième grande ville derrière Paris (8770 euros), Nice (4060 euros) et Lyon (4048 euros). Mais la tendance s'accélère.

immo bordeaux

Indice des prix des appartements à Bordeaux: décollage à l'automne 2015 et l'accélération en 2016

© / Baromètre LPI-Seloger // L'Express

"En fait c'est une croissance très rapide, explique à L'Express l'économiste Michel Mouillart, responsable du baromètre LPI-SeLoger. Il y a eu une petite embellie au printemps 2014, on était à 3200 euros/m² en moyenne. Mais depuis l'été 2015, c'est l'affolement. Comme partout, il y a eu un petit contrecoup début 2016, mais cette année on dépasse déjà les 4400 euros à Bordeaux".

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Niveau moyen des prix des appartements observés chaque mois sur Bordeaux

© / Baromètre LPI-Seloger // L'Express

Seul hic, il s'agit essentiellement d'investissement locatif (60% des transactions selon des responsables du réseau Guy Hoquet cités par Les Echos) et les Bordelais ne profitent que très peu de cette bulle (moins de 20% des transactions). Avec le boom de la location entre particuliers, type Airbnb ou Abritel, Bordeaux est en train de subir les effets de bord que connait justement la capitale.

Un "mirage économique"?

Enfin, dernier souci lié à l'attractivité bordelaise, la structure même de son écosystème. "Le problème de Bordeaux, ce n'est pas sa très forte attractivité résidentielle, c'est bien son attractivité économique qui n'atteint pas le même dynamisme. On sait bien que l'emploi, notamment celui du conjoint pour les familles nouvellement arrivées, n'est pas au même niveau, même si la situation s'améliore. Il existe un vrai décalage entre ces deux sujets, rendant Bordeaux similaire à un mirage économique. La tentation est de croire que l'arrivée de la LGV va tout changer, mais il n'est pas sûr qu'elle ait des effets très nets", expliquait dernièrement Gilles Pinson, enseignant à Sciences Po Bordeaux, spécialiste des politiques urbaines dans La Tribune.

Et si pour la belle endormie le plus dur commençait avec l'arrivée de la LGV?

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