S'il est une chose que le scandale Volkswagen a révélé aux yeux du grand public, c'est bien l'obsolescence et la complaisance du protocole de tests normalisés d'homologation des nouveaux véhicules. Ce 28 février 2017, les eurodéputés membres de la commission d'enquête sur les émissions polluantes des véhicules automobiles (EMIS) ont approuvé à 37 voix contre 3 la version définitive du texte de leurs résolutions et de leurs recommandations, fruit d'une année d'enquête et d'auditions des acteurs de l'industrie, des commissaires européens et des membres des gouvernements des États-membres.
Le point cardinal de ce long texte est l'appel à la création en Europe d'une agence de surveillance de l'industrie et du marché de l'automobile comme il en existe déjà dans l'aérien, le maritime et le ferroviaire. Objectif, vérifier le bon respect des règles de protection de l'environnement et du consommateur, non seulement au moment de la mise sur le marché d'un nouveau modèle de voiture (tests d'homologation) mais aussi durant sa carrière commerciale. Autrement dit, les eurodéputés auteurs de ce rapport aimeraient voir l'Union européenne se doter du pouvoir discrétionnaire semblable à celui du EPA américain, et de pouvoir ordonner la suspension de la commercialisation d'un modèle d'automobile dès lors qu'il ne respecte pas les seuils légaux d'émissions polluantes. Ou bien les règles de sécurité et de protection des passagers.
Constructeurs, gouvernements et Bruxelles, tous accusés de laxisme
L'analyse de Julia Poliscanova, en charge des questions de pollution automobile pour le compte de l'ONG Transport & Environment rejoint celle de Karima Delli, vice-Présidente de la Commission EMIS. L'une comme l'autre estiment que la longue enquête des eurodéputés met clairement en évidence les manquements des gouvernements des États-membres et de la Commission de Bruxelles.
Les premiers n'ont montré aucun empressement à exiger des constructeurs qu'ils démontrent que leurs véhicules respectent bien les normes, alors que leurs propres tests laissaient à penser le contraire.
La seconde a manqué à ses devoirs en n'exigeant pas de complément d'information de la part des États-membres dès l'instant où elle avait eu connaissance de dépassements anormaux et excessifs des seuils d'émissions d'oxydes d'azote (NOx) en conditions normales de roulage. Les membres de la commission EMIS estiment que la Commission aurait dû demander aux organismes d'homologation nationaux d'enquêter pour vérifier qu'il n'existe pas d'autres formes de tricherie que celle du logiciel frauduleux employé par le Groupe Volkswagen.
Pour Monique Goyens, Directrice générale de BEUC (The European Consumer Organisation), "le rapport d'enquête EMIS a consciencieusement mis en lumière les pratiques frauduleuses de l'industrie auto, ainsi que les manquements des États-membres à organiser des tests sérieux et réalistes des voitures en circulation".
Les dispositifs d'invalidation dans le collimateur des eurodéputés
Autrement dit, les eurodéputés soupçonnent les États-membres d'avoir fermé les yeux, afin de protéger les intérêts de leurs industriels. Ils accusent les constructeurs de s'abriter de manière abusive derrière l'article 5 du règlement communautaire N° 715/2007 qui les autorise à brider l'efficacité des systèmes de dépollution s'ils sont incompatibles avec le fonctionnement normal et sûr du moteur. Les eurodéputés contestent donc la validité juridique de ces fameux dispositifs d'invalidation temporaires auxquels ont recours la quasi totalité des constructeurs.
Ces derniers s'abritent derrière l'article 5 pré-cité et, de manière plus générale, derrière une réglementation qui manque cruellement de précision. Et qui, de ce fait, ouvre la porte à toutes sortes d'interprétations. A en croire les constructeurs, le législateur européen connaissait de longue date les limitations de sa propre réglementation et fermait les yeux sur les petits aménagements techniques que les constructeurs emploient pour faire en sorte que leurs moteurs respectent la lettre de la loi au moment des tests d'homologation. Pas toujours une fois sur route ouverte.
La commercialisation de modèles pollueurs pourrait être suspendue
La création d'une agence de surveillance indépendante de l'industrie automobile sera soumise avec d'autres recommandations formulées par la Commission EMIS à l'approbation de l'ensemble des eurodéputés durant la session plénière du Parlement européen de Strasbourg du 3 avril. Rares sont les administrés et citoyens à s'intéresser à ces enjeux parfois très techniques : mais il est tout de même bon de souligner l'un des enjeux du vote en session plénière. C'est là en effet que les eurodéputés devraient finir par s'entendre sur la version finale du nouveau règlement dit Type Approval. Soit rien moins que la grande réforme tant attendue des conditions de tests d'homologation des véhicules. Si le Parlement européen voulait suivre les recommandations de la Commission EMIS et sanctionner les constructeurs tricheurs, il pourrait décider de durcir le coefficient de conformité (CF pour Conformity Factor) qui autorise un fort décalage entre les mesures d'oxydes d'azote (NOx) en laboratoire et sur route ouverte dans le cadre du futur protocole de tests normalisés RDE.