Start-up : les femmes lèvent moins de fonds que les hommes
Une étude menée par StartHer et KPMG démontre une baisse de la part des levées de fonds effectuées par des femmes. Son analyse tend à prouver qu'elles sont plus rationnelles et cernent mieux leurs besoins.
Les chiffres sont têtus. D'une année sur l'autre, la part des levées de fonds effectuées par des start-up dirigées par des femmes ne veut pas augmenter. Au contraire, elle régresse même… passant de 15 % en 2015 à 13 % en 2016, selon le baromètre annuel StartHer, cette fois accompagné de KPMG pour essayer d'en tirer de nouveaux enseignements plus « quali ». Un choix plutôt judicieux si l'on suit l'analyse d'Audrey Soussan, codirectrice du réseau d'entrepreneuses et capital-risqueur chez Ventech : « Le principal enseignement de ce baromètre sur l'aspect "quali" est que les femmes ne ressentent pas de frustration à moins lever d'argent que les hommes. Elles sont parfaitement en phase avec ces montants, elles sont plus prudentes, plus pragmatiques, plus rationnelles, et cela me rassure. »
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Présentes en amorçage
Jusque-là, la faible représentativité des femmes dans les levées de fonds françaises était interprétée comme un manque de confiance dans le meilleur des cas. Un autre chiffre vient étayer en creux cette thèse. Sur un marché en hausse, la part des femmes a, certes, baissé en proportion, mais, tiré par le boom des opérations, le nombre de levées de fonds réalisées par des start-up dont elles sont à la tête a tout de même explosé de 84 % entre 2015 et 2016. Une hausse que l'on retrouve dans la répartition des tours de table par ancienneté des jeunes pousses. Près d'une levée sur deux effectuées par les femmes l'est en phase d'amorçage, ce qui explique leur nombre exponentiel, comme le souligne Tamia Menez, de La Thé Box : « Lever pour une femme est une opportunité en ce moment. »
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Les nombreuses levées d'amorçage s'élèvent en moyenne à 626.000 euros contre un million pour les hommes, mais forment un socle de plus en plus large pour les années à venir de tours de financement plus importants en volume. C'est toute l'assiette qui s'est élargie à sa base et les jeunes entrepreneuses y voient de nombreuses opportunités, comme le résume la codirectrice de StartHer : « Il y a eu un emballement autour du financement des start-up en 2016 dont les femmes n'ont pas beaucoup profité. Mais cela est parfaitement normal, nous sommes en phase de rattrapage, et ce n'est pas lors de ces périodes fiévreuses que les écarts se réduisent. Pour ma part, je pense qu'en 2017 ce phénomène va se calmer et qu'elles occuperont une place plus importante à la fin de l'année. »
En quête de modèles
Reste désormais à convaincre l'écosystème d'agir avec moins de frilosité et les plus jeunes de croire en leur capacité à créer une start-up et la faire mûrir. Car les modèles peinent à se renouveler. Et l'on constate amèrement que seulement 3 % des levées effectuées par des femmes sont des « 3e tours », et qu'aucune ne s'est réalisée sur un tour plus élevé.
Un constat qu'Eva Sadoun de 1001Pact explique par davantage de rationalité de la part de la gent féminine : « J'ai le sentiment que les femmes déterminent plus justement leur besoin de trésorerie alors que les hommes cherchent à maximiser les sommes levées pour acquérir des parts de marché plus rapidement. » Une analyse que partageront certainement ceux qui militent pour davantage de diversité, mais qui devrait prendre encore un peu de temps à se traduire dans les chiffres, décidément retors.
Les stars de 2016
Parmi les plus importantes levées de fonds réalisées par des femmes en 2016, on retrouve un trio composé de Frichti (12 millions d'euros), Splio (10 millions d'euros) et Afrimarket (10 millions d'euros). Les fonds traditionnels peinent encore à faire confiance aux startuppeuses puisque l'on retrouve le réseau Femmes Business Angels en premier investisseur des femmes, devant Alsace Capital et bpifrance.
Guillaume Bregeras