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Voici comment Ankara intimide les Turcs d'Allemagne

Rassemblement de Turcs en Allemagne, à Oberhausen, près d'Essen, venus écouter le premier ministre turc Binali Yildirim promouvoir le référendum du 16 avril.

Pour surveiller les Turcs de l'étranger, le régime d'Ankara n'hésite plus à dépasser les limites de l'acceptable en matière d'ingérence. Mises à l'écart, menaces, dénonciations, indicateurs, espionnage… Cette politique d'intimidation inquiète et divise la communauté turque d'Allemagne, la plus importante du monde avec trois millions de personnes.

Il suffit d'être trop proche de Fethullah Gülen, l'ennemi juré du président Erdogan, pour en subir les conséquences. «Les parents retirent leurs enfants de notre établissement», déplore Inge Sassin, directrice d'une école primaire privée à Boltenheide, près de Wuppertal. «Nous avons des méthodes d'enseignement inspirées par Gülen (ndlr: accusé par Ankara d'avoir été l'instigateur de la tentative de putsch de juillet 2016). Nous avons perdu 20% de nos effectifs depuis l'été», ajoute-t-elle. «Mes collègues ne peuvent plus se rendre en Turquie. Ils risquent de se faire confisquer leur passeport et ne plus pouvoir revenir!»

Réunions d'indics

En Allemagne, les Turcs opposés à Erdogan dénoncent des méthodes proches de celles de la Stasi, l'ancienne police politique est-allemande. On soupçonne le consulat de Rhénanie-du-Nord-Westphalie d'inciter les élèves et les enseignants à dénoncer, lors de «réunions d'information», les opposants à Erdogan ou ceux qui évoquent le «génocide» arménien.

Le vice-président de l'antenne régionale du syndicat des enseignants (GEW), Sebastian Krebs, confirme le recrutement «d'indics» comme à la Stasi. «J'ai parlé avec des participants à ces réunions du consulat. Personne n'ose donner son nom. Ils ont peur.»

A la mi-février, la police allemande a effectué des perquisitions chez plusieurs imams proches de Ditib, la plus grande organisation islamique en Allemagne sous contrôle de l'Etat turc. Soupçonnés d'espionnage pour le compte d'Ankara, 13 imams auraient fourni au consulat le nom de 33 personnes et de 11 institutions proches de Gülen.

Avec 1,5 million d'électeurs, le poids des Turcs d'Allemagne n'est pas négligeable. Ils doivent se prononcer le 16 avril par référendum sur le renforcement du régime présidentiel en Turquie. «Les opposants à la réforme constitutionnelle sont taxés automatiquement de terroristes», raconte Gökay Sofuoglu, président de la Fédération des Turcs d'Allemagne (TGD), qui réunit 260 organisations.

Merkel prise au piège

La TGD fait campagne pour le «non» et appelle les électeurs turcs à ne pas se laisser influencer par cet «alarmisme anonyme». «La Turquie abandonne les principes de la démocratie», s'inquiète Gökay Sofuoglu, qui dénonce un «climat de peur» pour intimider quiconque ne voterait pas «oui».

A sept mois des élections fédérales allemandes, une possible visite d'Erdogan risquerait d'envenimer les relations germano-turques. Le TGD table sur sa venue entre le 27 mars et le 9 avril. «Le gouvernement doit clairement dire qu'Erdogan n'est pas le bienvenu avant le référendum», a insisté Cem Özdemir, le président du Parti écologiste (Die Grünen).

«Une telle apparition va empoisonner l'atmosphère», a ajouté Aydan Özoguz, la ministre d'Etat déléguée à l'Intégration. Le gouvernement de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, où Erdogan tient habituellement ses meetings, ne veut pas de lui dans la région.

Pour la presse allemande, la mise en détention provisoire, lundi, du correspondant du quotidien Die Welt en Turquie (voir encadré) n'est pas étrangère à cette visite du président turc. La libération du journaliste pourrait servir de levier à la chancelière pour se soumettre une fois de plus à un chantage d'Erdogan. Angela Merkel est dans une situation délicate car elle a besoin de lui pour maintenir les réfugiés syriens dans des centres d'accueil en Turquie. A tout moment, il pourrait les laisser partir… vers l'Allemagne.