Même avec un salaire à 6 chiffres, on rame dans la Silicon Valley

Même avec un salaire à 6 chiffres, on rame dans la Silicon Valley
Rue bordée de palmiers à San Jose (Californie) (DAVID SAWYER/WIKIMEDIA COMMONS/CC)

Ils sont dans les 1% des salariés les mieux payés, mais pourtant ces employés de la tech disent que le coût de la vie y est si élevé que même eux ont du mal à s'en sortir.

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Il gagne 160 000 dollars par an (152 000 euros) et pourtant il se plaint : « Je ne suis pas devenu informaticien pour en être à essayer de joindre les deux bouts. » Ce quadragénaire, employé chez Twitter, est un des témoins interrogés par le Guardian, et il affirme que son revenu est « drôlement mauvais » pour élever une famille dans la région de la Baie. Il y vit avec son épouse et leurs deux enfants, et son premier poste de dépense est le loyer : 3 000 dollars par mois (2 850 euros), un prix « ultra bon marché » pour le coin selon lui, pour leur maison à deux chambres à San Francisco.

Les loyers les plus chers du monde

Le boom des entreprises tech dans la région et la pénurie de logements y ont entraîné une envolée des loyers, note le quotidien : selon cet indice, ils seraient maintenant les plus élevés du monde, devant New York et Hong Kong (Paris n'est « que » en 18e position). Les enseignants, les fonctionnaires, les pompiers et autres membres des classes moyennes (sans parler des pauvres) ont ainsi dû déménager, observe le Guardian.

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Et à présent, même des employés de la tech, dont certains appartiennent au 1% le mieux payé des salariés, se plaignent qu'eux-mêmes ont du mal à s'en sortir. C'est le cas de notre informaticien de Twitter, et d'autres dont les salaires vont de 100 000 à 700 000 dollars par an, qui se sont confiés au quotidien britannique, tous en demandant l'anonymat.

L'an dernier, des informaticiens de Facebook auraient soulevé la question auprès de Mark Zuckerberg, en demandant si l'entreprise ne pourrait pas financer leurs loyers. Il est fréquent dans la région que des cadres sup de grosses entreprises consacrent 40 à 50% de leur salaire pour le loyer d'un appartement près de leur travail.

Obligé de cohabiter

L'article cite des salariés vivant dans des conditions miteuses, comme un employé d'Apple habitant dans un garage, ou un salarié partageant avec 12 autres informaticiens un appartement de deux chambres loué via Airbnb ; ce dernier paie 1 100 dollars par mois pour une chambre partagée à cinq.

Une quinquagénaire travaillant dans le marketing numérique pour une grosse boîte de télécoms raconte : « Nous gagnons plus d'un million de dollars [par an] à nous deux, mais on ne peut pas se payer de maison », avec son compagnon salarié d'un média en ligne. Cette salariée, qui a eu un cancer deux ans plus tôt, est en plus très inquiète de la possibilité que l'assurance maladie, « l'Obamacare » (menacée par Trump pendant toute sa campagne, mais sur laquelle il semble plus hésitant), disparaisse.

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Un autre salarié, dont le trajet vers le bureau peut prendre jusqu'à deux heures et demie, explique : « Nous avons visité une maison qui aurait raccourci mon trajet au travail de 13 km [soit un bon tiers, ndlr]. Elle est partie en 24 heures pour 1,7 million de dollars. »

Les difficultés de ces employés hautement payés sont cependant relativisées par le quotidien, qui cite une représentante du comité de droits du logement de San Francisco : Fred Sherburn Zimmer souligne que si l'immobilier est trop cher dans la région, les conséquences sont bien plus graves pour ceux qui ne travaillent pas dans la tech :

« Pour une personne âgée dont le service de soins est en bas de la rue, le déménagement peut être une condamnation à mort. Pour une famille d'immigrés avec deux enfants, quitter une ville sanctuaire [contre les contrôles policiers accrus par Trump contre les sans-papier] signifie que vous risquez l'expulsion. »

Entre les précaires et les salariés "du 1%", les travailleurs à salaire moyen sont coincés. Un professionnel du marketing numérique le constate : « Pendant le premier boom des « .com » [start-up du Net fin années 90], nous avions des secrétaires qui faisaient trois heures de trajet par jour en aller-retour au bureau. Ça recommence. »

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