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SyrieLafargeHolcim a financé des groupes armés

Le géant suisse des matériaux de construction LafargeHolcim a admis jeudi avoir «indirectement» financé en 2013 et 2014 des groupes armés en Syrie, pays déchiré par la guerre civile, pour maintenir en activité sa cimenterie.

Alors que le conflit prenait de l'ampleur, «la détérioration de la situation politique en Syrie a entraîné des défis très difficiles quant à la sécurité, aux activités de l'usine et aux employés», explique LafargeHolcim dans un communiqué.

Aussi, entre les «menaces pour la sécurité des collaborateurs» et les «perturbations dans les approvisionnements nécessaires pour faire fonctionner l'usine et distribuer ses produits», la filiale locale de Lafarge a tenté d'amadouer les diverses «factions armées» qui contrôlaient ou tentaient de contrôler les zones autour de la cimenterie.

Elle a «remis des fonds à des tierces parties afin de trouver des arrangements avec un certain nombre de ces groupes armés, dont des tiers visés par des sanctions», détaille LafargeHolcim.

Etat islamique

Une enquête interne «n'a pas pu établir avec certitude quels étaient les destinataires ultimes des fonds au-delà des tierces parties concernées», note le groupe. «J'attends les conclusions définitives (de l'enquête interne, ndlr). Je ne ferai aucun compromis et prendrai alors les mesures qui s'imposent», a promis Eric Olsen, président du directoire du groupe, dans un entretien au quotidien français Le Figaro, à paraître vendredi.

Selon le journal Le Monde, qui avait révélé l'affaire en juin, ces arrangements ont profité à l'organisation État islamique (EI). Le quotidien indiquait que Lafarge avait missionné un intermédiaire pour obtenir de l'EI des laissez-passer pour ses employés aux checkpoints. Le siège de Lafarge à Paris était au courant de ces efforts, selon Le Monde.

Le journal a aussi évoqué un laissez-passer estampillé du tampon de l'EI, permettant aux camions de circuler pour approvisionner le site, et laissant supposer le paiement de taxes. Il a également mentionné l'intervention d'intermédiaires et de négociants visant à vendre au cimentier du pétrole raffiné par l'EI. L'organisation djihadiste, avait fini par prendre le contrôle du site en septembre 2014.

Fonctionnement à perte

La cimenterie en cause est située à Jalabiya, à 150 kilomètres au nord-est d'Alep. Elle avait été achetée en 2007 par le français Lafarge, qui a depuis fusionné avec le Suisse Holcim, et mise en route en 2010.

L'usine représentait l'un des investissements étrangers les plus importants jamais consentis en Syrie en dehors du secteur pétrolier: les trois ans de travaux ont coûté environ 680 millions de dollars.

Durant la période pour laquelle le groupe est mis en cause, «les activités de Lafarge en Syrie ont fonctionné à perte» et «représentaient moins de 1% du chiffre d'affaires», assure l'entreprise.

«Erreurs de jugement»

Le cimentier est visé par une enquête préliminaire ouverte en octobre, après une plainte du ministère. Le ministère de l'Economie accuse notamment LafargeHolcim d'avoir enfreint les sanctions édictées par l'Union européenne contre le régime de Bachar el-Assad et plus généralement l'interdiction de toute relation avec les organisations terroristes présentes en Syrie.

Dans le cadre de l'enquête, les douanes judiciaires (SNDJ) ont entendu des responsables de la filiale syrienne (Lafarge Cement Syria) et du groupe français de l'époque, a indiqué une source proche de l'enquête à l'AFP.

«Rétrospectivement, les mesures prises pour poursuivre les activités de l'usine étaient inacceptables», admet le groupe dans son communiqué. «Les responsables des opérations en Syrie semblent avoir agi d'une façon dont ils pensaient qu'elle était dans le meilleur intérêt de l'entreprise et de ses employés. Néanmoins, l'enquête révèle des erreurs de jugement significatives en contradiction avec le code de conduite alors en vigueur», ajoute-t-il.

Justice saisie par Sherpa

Des ONG ont aussi saisi la justice. L'ONG Sherpa vise notamment dans sa plainte des faits de financement du terrorisme, de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité et de mise en danger délibérée d'autrui.

Les aveux de LafargeHolcim «légitiment et renforcent encore plus fort notre plainte. C'est aux juges d'en tirer les conséquences», a estimé l'avocat William Bourdon, le président de Sherpa.

«Les dirigeants de Lafarge doivent être poursuivis!», a affirmé de côté le Parti de gauche dans un communiqué. «Au vu de la gravité des faits reconnus, l'instruction judiciaire doit être menée jusqu'au bout (...)», estime le parti, soutien de Jean-Luc Mélenchon à l'élection présidentielle.

Battant sa coulpe, l'entreprise a mis en place un comité éthique, intégrité et risques ainsi que des mesures visant à évaluer plus rigoureusement ses partenaires.

ats