En début d’année 2016, la radio de propagande de Daech cessait d’émettre, à la frontière entre Afghanistan et Pakistan anéantie par un raid aérien afghan. La disparition de « da khilafat Ghag », la « voix du califat », basée dans la province afghane du Nangarhar, avait rassuré les autorités.

Mais il en fallait plus pour faire taire les extrémistes. Aujourd’hui, c’est depuis cette même province que Daech met en ligne des vidéos en langues locales pour vanter la Wilayas Khorasan, province afghane de Daech, devenu un sanctuaire pour les combattants djihadistes le long de la frontière pakistanaise.

Quelques jours avant la récente vague d’attentats, l’une d’entre elles, tournée dans cette zone montagneuse, montrait des combattants masqués lourdement armés promettant une campagne mortelle au Pakistan. Ils sont passés à l’acte. Ces deux dernières semaines, neuf attaques suicides ont tué plus de 130 personnes et fait près de 400 blessés.

Une nébuleuse terroriste autour de Daech

L’attaque la plus meurtrière, le 16 février au soir, a fait 92 morts et plus de 250 blessés dans un sanctuaire soufi du Sindh. Le kamikaze a déclenché sa charge à l’intérieur de Lal Shahbaz Qalandar, un lieu connu pour accueillir aussi bien sunnites, chiites, ismaéliens que chrétiens et membres de minorités.

Il s’agit pour l’instant de la seule attaque d’ampleur au Pakistan à avoir été uniquement revendiquée par Daech. « Cette attaque symbolise l’idéologie de Daech, qui estime que le soufisme n’a pas sa place dans le véritable islam », selon l’universitaire Rifaat Hussain qui reconnaît la difficulté de se projeter : « Si l’on est optimiste, ces attentats sont le chant du cygne de mouvements à l’agonie. Mais si l’on est pessimiste, ils signent la résurgence de groupes que l’on croyait trop faibles. »

Aujourd’hui, toute une nébuleuse de groupes extrémistes, jadis soudée au sein du TTP, les talibans pakistanais, a scellé des alliances avec Daech. Pourtant divisés sur leurs stratégies, ces groupes s’accordent de manière inquiétante sur un objectif commun : la lutte contre le pouvoir central d’Islamabad.

Une stratégie de reconquête hors du Moyen-Orient ?

« Cette nouvelle campagne n’a rien à voir avec le passé », observe l’écrivain et journaliste Ahmed Rachid, l’un des meilleurs connaisseurs du mouvement taliban. « Ils ont mené des attaques dans chacune des quatre provinces du pays, poursuit-il. Ces attentats ont été préparés de manière très minutieuse, aussi bien stratégiquement qu’idéologiquement. Daech travaille en coordination avec tous les autres groupes. Et pour être honnête, la stratégie fonctionne. »

Cette vague meurtrière a brutalement brisé le sentiment de sécurité qui gagnait la conscience nationale après une année 2016 où le nombre d’attentats avait significativement baissé. En coulisse, des diplomates européens craignent maintenant que l’émergence de Daech ne s’accompagne d’actions contre des étrangers. Le groupe qui accumule les défaites au Moyen-Orient, pourrait chercher à envoyer un message de reconquête sur la scène internationale.

Dans l’immédiat, l’inquiétude des autorités porte sur l’organisation de la finale de l’événement sportif de l’année : la finale de la Pakistan Super League de cricket. Le match, prévu ce dimanche 5 mars dans la capitale du Punjab, Lahore, se jouait auparavant aux Émirats Arabes Unis. Malgré la pression, les autorités ne veulent pas céder à la crainte.