Vous aussi, faites le test. A votre avis, quel est l’âge moyen des grands groupes français ? Ont-ils été créés il y a trente ans, cinquante ans, un siècle, plus longtemps encore ? La réponse a de quoi surprendre : en moyenne, les 70 premiers groupes français cotés en bourse ont… 137 ans ! Tel est le résultat des calculs effectués par Nicolas Lorach pour France Stratégie, l’ex-Commissariat au Plan, et Le Monde.
Le capitalisme français a quelque chose d’un peu fossilisé. Le pays s’appuie toujours sur un petit nombre de champions nationaux, suivis de près par l’Etat. Beaucoup d’entre eux prospèrent, à l’image de PSA qui s’apprête à mettre la main sur l’allemand Opel. Ou d’Essilor, en passe de doubler de taille en absorbant l’italien Luxottica. Mais ce noyau dur vieillit doucement sans guère se renouveler. Au début des années 2000, l’âge moyen des ténors français n’était que de 104 ans.
En tête du cortège arrive Saint-Gobain, vénérable compagnie fondée par Colbert en 1665, qui avance lentement mais sûrement. Suivent les grands anciens issus des révolutions industrielles du XIXe siècle, les Vivendi (ex-Générale des eaux), Schneider, Legrand, etc., puis les pionniers de l’automobile, désormais plus que centenaires, les poids lourds nés dans l’entre-deux-guerres (Total, Publicis…) et toutes les entreprises qui ont fleuri durant les « trente glorieuses », ces années de consommation de masse : Bouygues, Carrefour, Accor, Pernod Ricard, JCDecaux, Airbus… Depuis, peu de groupes créés ex nihilo ont percé, sinon SFR (1986), Eurofins Scientific (1987) et Iliad (1990).
Un club ultrafermé
La situation est très différente aux Etats-Unis. L’âge moyen des 150 premières capitalisations américaines y atteignait 91 ans en 2015, soit une quarantaine d’années de moins que les groupes équivalents en France. L’écart entre les deux côtés de l’Atlantique a doublé en quinze ans. Sur les dix premières valeurs américaines, cinq sont d’anciennes start-up : Apple, Google-Alphabet, Microsoft, Amazon et Facebook. Deux ont moins de vingt ans.
Le classement des fortunes professionnelles établi par le magazine Challenges témoigne également de ce capitalisme français comme pétrifié. Depuis des décennies, les premières places restent trustées par les familles Bettencourt, Arnault, Mulliez, Dumas-Hermès, Dassault, Pinault… Parmi les 15 plus riches capitalistes actuels, dix appartiennent depuis plus de dix ans à ce club ultrafermé. En une décennie, un seul a émergé : Patrick Drahi, qui s’est construit un petit empire des télécoms et des médias autour d’Altice, SFR, Libération, L’Express, etc.
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