Les relations diplomatiques entre la Turquie et l’Allemagne continuent de se détériorer. Au lendemain de l’annulation de deux premiers meetings politique pro-Erdogan à Cologne et Gaggenau, les autorités allemandes ont annoncé l’annulation d’un troisième qui devait se tenir dimanche à Frechen, dans l’ouest du pays.
Selon la police locale, vendredi 3 mars, le gérant du Golden Palast, qui devait accueillir le meeting, a fait savoir à son organisateur qu’« il ne lui mettrait pas sa salle à disposition » car « le contrat entre le propriétaire des lieux et le gérant exclut la tenue d’événements politiques ». Comme les précédents rassemblements annulés, celui-ci était consacré au référendum sur le renforcement des pouvoirs du président Erdogan. Le ministre de l’économie turc devait y participer.
A la suite de cette nouvelle déconvenue pour Ankara, les ministres des affaires étrangères turc et allemand sont convenus, lors d’un entretien téléphonique, de se rencontrer mercredi, a déclaré un haut responsable turc. Lors de cet entretien, le Turc Mevlut Cavusoglu a fait part à son homologue allemand Sigmar Gabriel le « malaise » de la Turquie après ces trois annulations, selon le haut responsable.
Merkel réfute une responsabilité de l’Etat
Vendredi déjà, M. Cavusoglu a accusé Berlin d’œuvrer contre le renforcement de Recep Tayyip Erdogan, ce que le ministère des affaires étrangères allemand a réfuté. Le chef de la diplomatie turque a dénoncé la politique de « deux poids, deux mesures » de l’Allemagne et lui a intimé « d’apprendre à bien se comporter » si elle voulait préserver ses relations avec Ankara.
« Ils ne veulent pas que les Turcs fassent campagne ici, ils œuvrent pour le non », a déclaré Mevlüt Cavusoglu. « Ils veulent empêcher l’émergence d’une Turquie forte ». « Si vous voulez préserver les relations, il faut que vous appreniez comment se comporter avec la Turquie », a-t-il ajouté, affirmant que l’Allemagne devait traiter la Turquie comme un « partenaire égal ».
« C’est une décision sur laquelle le gouvernement fédéral n’avait aucune influence et sur laquelle il ne peut en avoir car cela tombe sous le coup du droit local ou régional sur lequel nous avons zéro influence », s’est défendu Martin Schäfer, porte-parole du ministère des affaires étrangères allemand, lors d’un point presse régulier.
En déplacement à Tunis, Angela Merkel a appuyé cet argument. « La situation légale en Allemagne est telle : nous sommes un système fédéral. Les communes ont des compétences, les régions ont des compétences et l’Etat fédéral a des compétences. En ce qui concerne l’organisation d’événements, les autorisations sont décidées au niveau communal », a-t-elle rappelé.
Les deux premiers meetings annulés
L’Allemagne compte la plus forte communauté de la diaspora turque, près de 3 millions de personnes. Comme lors de l’élection présidentielle de 2014, le président turc y courtise des voix en vue du référendum du 16 avril qui vise à transformer la Turquie en régime présidentiel.
Dans cette optique, deux meetings étaient prévus à Cologne et Gaggenau. Mais dans un contexte de tension entre Berlin et Ankara au sujet de la détention en Turquie du journaliste turco-allemand Deniz Yücel, les autorités municipales de Gaggenau ont retiré jeudi leur autorisation en invoquant un manque de place sur le site retenu pour le meeting. La mairie de cette ville du sud-ouest de l’Allemagne a été évacuée vendredi matin après une menace à la bombe. « Aujourd’hui vers 7 h 30, une menace téléphonique de bombe a été reçue, et l’interlocuteur a donné comme motif l’annulation (jeudi) de l’événement avec le ministre turc de la justice », a indiqué à l’AFP Dieter Spannagel, un responsable de la mairie.
Parallèlement, la ville de Cologne, dans l’Ouest, a fait savoir qu’elle n’autoriserait pas la tenue d’un meeting de l’Union des démocrates turcs européens (UETD) prévu dimanche avec le ministre de l’économie turc, Nihat Zeybekci, dans la salle d’une mairie de quartier.
En réponse, pour protester contre ces annulations « inacceptable [s] », le ministre turc de la justice, Bekir Bozdag, a annoncé jeudi avoir lui-même annulé un déplacement en Allemagne où il devait notamment rencontrer son homologue.
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