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Aminata : « Face à l’excision, il faut dire pas moi, pas mes sœurs, pas mes cousines »

La première campagne de prévention à destination des adolescentes de 12 à 18 ans, lancée par le réseau associatif Excision, parlons-en !, a été lancée vendredi.

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Publié le 03 mars 2017 à 18h45, modifié le 06 février 2018 à 09h52

Temps de Lecture 3 min.

« Il faut être forte, nos parents nous aimeront même si on dit non à l’excision. Ce sont leurs coutumes à eux, je les respecte, ils n’ont rien connu d’autre. Mais il faut dire : pas moi, pas mes sœurs, pas mes cousines. »

Les mots d’Aminata, 36 ans, s’adressent à toutes les jeunes filles vivant en France qui risquent d’être excisées, comme elle l’a été à l’occasion d’un voyage dans le pays d’origine de ses parents, le Mali. Elle témoignait, vendredi 3 mars, à Paris, à l’occasion du lancement de la première campagne de prévention destinée aux adolescentes de 12 à 18 ans, lancée par le réseau associatif Excision, parlons-en !

Aminata n’a pas pu dire non. Elle n’avait que 4 ans quand le voyage a eu lieu. « Ma mère avait la nostalgie de sa famille », relate la jeune femme. Elle ne sait pas exactement qui a décidé de l’ablation partielle de son clitoris, ni comment cela s’est passé, et se souvient seulement du voyage de retour en France où elle a été rapatriée après avoir subi une hémorragie.

« J’ai appris que j’ai été excisée il y a sept ans, poursuit-elle. Je m’en étais toujours doutée. Il manquait quelque chose dans ma vie. Ce n’est pas seulement un morceau de chair qu’on nous enlève. Beaucoup de choses sont brisées en nous. » En 2016, elle a été opérée par la gynécologue Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), qui propose une chirurgie réparatrice.

« Je suis moi-même enfin, témoigne Aminata. Je n’ai plus peur de rien. Tout ce que j’ai toujours voulu faire, je le fais. Je vais même passer mon permis moto ! » Et elle témoigne. « C’est très important, ajoute-t-elle. Je me rends compte que beaucoup de femmes sont concernées et n’osent pas parler. »

L’affiche de la campagne du réseau Excision, parlons-en.

53 000 femmes excisées vivraient en France

Selon l’Institut national d’études démographiques, 53 000 femmes excisées vivraient en France, et 3 adolescentes sur 10 dont les parents ont émigré de pays pratiquant traditionnellement l’excision sont menacées de l’être ; 10 % l’ont été.

Ces pays sont nombreux en Afrique (Egypte, Soudan, Somalie, Guinée, Mali, Mauritanie, Sénégal…). Mais l’excision est aussi très pratiquée en Indonésie et en Malaisie. Elle est également rapportée au Pérou, en Colombie, en Inde… Environ 140 millions de femmes dans le monde ont subi une mutilation sexuelle.

Les conséquences sont lourdes : douleur, hémorragie, infections, problèmes urinaires, diminution du plaisir sexuel, complications obstétricales, conséquences psychologiques… « Beaucoup de familles ont pris conscience du danger que représente l’excision », relève Moïra Sauvage, présidente du collectif Excision, parlons-en !

En France, cette pratique est punie par la loi. Les sanctions peuvent aller jusqu’à vingt ans de prison en cas de décès. « Aucune coutume de ce genre, aussi enracinée soit-elle, ne peut être tolérée, a affirmé Laurence Rossignol, la ministre des droits des femmes, lors du lancement de la campagne. C’est une mise en cause de l’intégrité physique et de la santé psychique, ainsi qu’un moyen de perpétuer la domination des hommes sur les femmes par la violence. »

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« Le clitoris est un organe qui ne sert qu’au plaisir, a ajouté Isabelle Gillette-Faye, directrice du Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles et du mariage forcé. Si on en coupe une partie, c’est pour empêcher les femmes d’en avoir. »

Pression familiale

Si la campagne de prévention s’adresse aux adolescentes, c’est que les pratiques ont changé depuis l’époque où Aminata a été excisée. « Jusqu’au début des années 2000, les petites filles âgées de moins de 6 ans étaient concernées, explique Mme Gillette-Faye. Mais les parents attendent de plus en plus aujourd’hui qu’elles grandissent. »

La surveillance des jeunes enfants effectuée par les médecins des services de la protection maternelle et infantile, où ces familles sont souvent suivies, explique en partie ce phénomène. « La pression familiale est aussi plus forte quand la question du mariage commence à se poser », poursuit Mme Gillette-Faye. L’excision n’est parfois pas souhaitée par les parents, mais par les grands-parents ou la future belle-famille.

La campagne s’appuie sur un site (Alerte-excision.fr), qui permet aux adolescentes de s’informer et d’évaluer leur niveau de risque ou celui de leur entourage (famille, amies), et sera diffusée sur les réseaux sociaux. Des collégiens et des lycéens d’Ile-de-France seront ses ambassadeurs.

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