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Silicon Valley : où sont les femmes ?

Tour d’horizon, d’une part, des raisons expliquant les disparités professionnelles entre femmes et hommes et, d’autre part, des mesures prises par les entreprises pour les corriger.

Pour expliquer l’omniprésence des hommes aux postes de développeur, les entreprises de la Silicon Valley évoquent, avant tout autre chose, leurs difficultés à recruter des femmes.
Pour expliquer l’omniprésence des hommes aux postes de développeur, les entreprises de la Silicon Valley évoquent, avant tout autre chose, leurs difficultés à recruter des femmes. (Moe Zoyari/REDUX-REA)

Par Anaïs Moutot

Publié le 3 mars 2017 à 14:01

23 % de femmes chez Apple, 19 % chez Google, 17 % chez Facebook... Dans la Silicon Valley, les postes tech sont en grande majorité occupés par des hommes. Le monopole masculin est encore plus fort pour les inventions : entre 1980 et 2010, 88 % des brevets liés aux technologies de l’information ont été déposés par des équipes entièrement composées d’hommes, selon un récent rapport du National Center for Women & Information Technology. Pourquoi tant de disparités ? Explications et pistes de correction.

La proportion d’étudiantes en informatique recule

Pour expliquer l’omniprésence des hommes aux postes de développeur, les entreprises de la Silicon Valley évoquent, avant tout autre chose, leurs difficultés à recruter des femmes. Car, après avoir progressé pendant vingt ans pour atteindre 37 % des étudiants en licence d’informatique en 1984, la proportion de femmes dans ces filières a reculé, pour stagner à 18 % aujourd’hui. Plusieurs chercheurs lient cette inversion de tendance à l’arrivée d’ordinateurs personnels commercialisés comme des objets destinés aux garçons.

L’une des conséquences de ce recul est le manque de figures inspirantes donnant envie aux filles d’étudier l’informatique. Les rares femmes à des positions élevées dans la Silicon Valley sont Sheryl Sandberg, la directrice opérationnelle de ­Facebook, Meg Whitman, la PDG d’Hewlett-Packard, Safra Catz, l’une des deux PDG d’Oracle, et Marissa Meyer, la PDG de Yahoo! Pour certains, l’échec de cette dernière est plus retentissant car les femmes sont jugées plus durement. « La Silicon Valley est cruelle – et encore plus avec les femmes », estime Nathan Myhrvold, ancien directeur technologique de Microsoft, en évoquant le cas d’Elizabeth Holmes. La PDG de Theranos, une entreprise voulant révolutionner les tests sanguins, a connu une descente aux enfers après une enquête du « Wall Street Journal » sur les défaillances de sa technologie. « Elon Musk a, lui aussi, raté de nombreux essais avec ses fusées, mais lui a droit au bénéfice du doute », poursuit Nathan Myhrvold.

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Seulement 7 % des start-up ont des fondatrices

Sur un échantillon de 890 start-up créées entre 2009 et 2015, seuls 7 % des fondateurs étaient des femmes, selon une étude de Bloomberg réalisée l’année dernière. Ce petit pourcentage reflète un monde du capital-risque très masculin : parmi les 100 premiers fonds américains, seuls 7 % des « partners » sont des femmes, selon une étude de TechCrunch. Une présence féminine au sein d’un fonds n’est cependant pas suffisante pour changer la donne. Géraldine Le Meur, l’une des trois « partners » de The Refiners, un accélérateur qui investit dans des start-up françaises à San Francisco, a tenté de recruter davantage d’entrepreneuses pour sa deuxième promotion, mais n’a réussi à faire grimper le chiffre que d’une ou deux femmes sur douze participants. « C’est facile de trouver des pères prêts à partir trois mois à San Francisco en laissant leurs enfants à la maison. C’est beaucoup plus compliqué pour des mères », explique-t-elle.

Les femmes quittent deux fois plus le secteur que les hommes

Le taux de départ des femmes dans le secteur est deux fois plus élevé que celui des hommes, selon une étude du Center for Talent Innovation. Les femmes déplorent notamment de mauvaises conditions de travail, liées au sexisme de leurs collègues. Le sujet a fait la une de l’actualité il y a deux semaines, lorsque Susan Fowler, une ingénieure d’Uber, a raconté sur son blog avoir reçu des avances sexuelles de la part de son manager, un incident qu’elle a fait remonter au département des ressources humaines, qui a décidé de ne pas le licencier. Il y a un an, une étude réalisée auprès de 200 femmes occupant des postes à responsabilité dans les entreprises de la Silicon Valley tirait déjà la sonnette d’alarme : 60 % des sondées déclaraient avoir reçu des avances sexuelles non désirées au travail.

Autre facteur d’explication de ces départs massifs, « le sentiment (qu’ont les femmes) d’être coincées dans la progression de leur carrière », souligne le National Center for Women and Information Technology. C’est pour répondre à ce problème que Pinterest a décidé au cours de l’année dernière de « pivoter » son effort vers les postes seniors. « Avoir quelques femmes à des postes de direction a beaucoup plus d’impact que d’en avoir plein à des positions juniors », avance Candice Morgan, la responsable diversité et inclusion de la société.

Depuis 2014, une chasse aux biais inconscients est lancée...

En octobre 2013, Tracy Chou, une ingénieure chez Pinterest, publie une lettre sur Medium pour demander aux entreprises tech de publier des données sur la composition de leurs effectifs. Après que Google se décide à publier ses statistiques en mai 2014, la plupart des entreprises du secteur suivent le mouvement au cours de l’année.

Depuis, ces sociétés ont obtenu des améliorations incrémentales, mais pas de changements spectaculaires. Alors que les femmes représentaient 31 % des nouvelles recrues chez Apple en 2014, ce chiffre est monté à 37 % en 2016, par exemple. Ces petites hausses sont liées à la multiplication des programmes pour recruter en dehors des universités, en passant des partenariats avec des organisations comme Girls Who Code ou Code2040. La plupart des entreprises ont également mis au point des formations sur les biais inconscients, ces stéréotypes pouvant influencer les décisions lors des recrutements ou des promotions.

... ainsi que d’autres initiatives correctrices

Effectuées seules, ces formations ne fonctionnent pas et peuvent même avoir un effet boomerang. « Des décennies de recherche en sciences sociales soulignent une simple vérité : il est impossible de mobiliser des managers en les blâmant », note Frank Dobbin, un professeur de sociologie à Harvard qui a analysé les donnés de plus de 800 sociétés américaines sur trois décennies. « Les participants ont aussi tendance à considérer qu’ils ont déjà fait tout le travail en prenant simplement part à ces ateliers », raconte Y-Vonne Hutchinson, l’une des membres d’Include, un projet lancé par plusieurs femmes de la baie de San Francisco pour collecter des données précises sur la diversité auprès des entreprises tech.

Du côté du recrutement, « arrêtons de se reposer sur ses sentiments et utilisons un processus avec des questions identiques pour tous les candidats », souligne Ihris Bohnet, la directrice du Women and Public Policy Program de la Harvard Kennedy School. Pour Carissa Romero, associée chez Paradigm, une société de conseil spécialiste de la diversité qui travaille avec Pinterest, Airbnb et Twitter, il faut également repenser le langage des offres d’emploi : « Les mots “brillant” ou “génie” découragent les femmes. Il vaut mieux mettre en avant des qualités comme la capacité à apprendre, à s’améliorer », souligne-t-elle.

Enfin, « les entreprises doivent fixer des objectifs précis et mesurer les résultats, afin de créer un sens de la responsabilité », juge Candice Morgan, chez Pinterest. Le réseau social est la première entreprise de la baie de San Francisco à avoir opté pour cette approche, adoptée depuis par Intel et Twitter. Cette démarche porte ses fruits dès lors qu’elle est accompagnée de la création d’un poste de « responsable de la diversité et de l’inclusion » et d’une « task force » veillant à mettre en œuvre et mesurer les efforts au sein des différents services. « Les sociétés qui créent ces équipes voient la représentation des femmes blanches et des minorités ethniques augmenter de 9 % à 30 % sur les cinq prochaines années », note Frank Dobbin.

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