Disparition

Mort de la romancière américaine Paula Fox

Auteure de six romans, ainsi qu'une vingtaines d'oeuvres pour enfants, elle est morte à Brooklyn à l'âge de 93 ans.
par Claire Devarrieux
publié le 4 mars 2017 à 18h07

La romancière américaine Paula Fox, qui est morte le 1er mars à Brooklyn, à l'âge de 93 ans, était la grand-mère de Courtney Love. Vu sa longue et remarquable carrière d'écrivain, ce n'est pas le genre d'information qu'elle aurait souhaité voir figurer en tête de sa nécrologie. La chanteuse elle-même, au moins à une époque, ne semblait pas non plus enchantée de cette parenté. Mais on ne choisit pas ce qui surgit du passé pour vous pourrir la vie. C'est un des sujets des romans de Paula Fox, qui a écrit aussi sur la perte, l'abandon, la fuite. Des thèmes pas très gais, certes - elle avait de bonnes raisons pour les choisir -, mais qu'elle aura développés avec une calme vitalité.

Il convient de dire la vérité, fût-elle moche, et surtout, de ne pas la cacher aux enfants. Paula Fox, quand elle commence à publier, dans les années 60, met ce précepte en application dans ses livres. Elle va en écrire une vingtaine à destination du jeune public, avec un succès jamais démenti, entretenu de temps à autre par une polémique en cas de propos trop réaliste. Récompensée en 1978 par le prix Hans Christian Andersen, l'oeuvre pour la jeunesse de Paula Fox est traduite en France à L'Ecole des loisirs. Les livres pour adultes, c'est une autre affaire. Fox en publie six: Pauvre George!, met en scène un enseignant sans envergure qui fiche sa vie en l'air en voulant remettre un voyou dans le droit chemin. Personnages désespérés décortique un naufrage conjugal à partir d'une simple morsure de chat. Côte Ouest, très autobiographique, suit une jeune fille qui accomplit son apprentissage de la vie auprès de musiciens noirs et de communistes préoccupés par la guerre en Europe. Les Enfants de la veuve, réglement de comptes mère-fille spécialement cruel et jouissif, enferme une famille dans une chambre d'hôtel. La Légende d'une servante se penche aussi sur deux générations de femmes, sur la difficulté de sortir de sa classe, de même que, dans le Dieu des cauchemars, la jeune héroïne croit échapper à son sort en partant s'installer à la Nouvelle-Orléans. Tous ces titres sont édités ou réédités en France par Joëlle Losfeld à partir de 2004 et disponibles en Folio.

Abandonnée à la naissance, mariée à dix-sept ans

A la fin des années 80, aux Etats-Unis, la messe est dite: les romans de Paula Fox sont épuisés. Au mieux, elle est considérée comme un bon écrivain sans lecteurs. C'est Jonathan Franzen himself qui va changer la donne. Il tombe sur un vieil exemplaire de Personnages désespérés, fait part de son enthousiasme dans un entretien, en 1996. Trois ans plus tard, Paula Fox est de retour sur le devant de la scène et y restera, jusqu'à la fin. Franzen et quelques autres préfacent chacune des rééditions de ses romans. En 2001, elle publie ses mémoires, Parure d'emprunt (Losfeld, 2008), puis l'Hiver le plus froid (idem, 2012), ses impressions de jeune envoyée spéciale en 1946, en Pologne et à Paris.

Parure d'emprunt est le récit d'une enfance que même Dickens n'aurait pas pu imaginer. Paula Fox est abandonnée par ses parents à la naissance ou à peu près, recueillie à l'âge de cinq mois par un pasteur, qui l'élève pendant six ans - les seules années tranquilles. Puis, le père, Paul Fox, vient chercher la petite, mais la mère, décidément, la hait et n'en veut pas. Elle pourrait retourner chez le pasteur, mais la grand-mère maternelle, une Espagnole peu amène qui vit à Cuba au service d'une riche cousine (cadre exploité dans la Légende d'une servante), découvre soudain l'existence des liens du sang, récupère la gamine qui a 8 huit ans, l'emmène à Cuba, puis revient aux Etats-Unis vivre dans la misère. De temps à autre, Paul Fox, scénariste, dramaturge pour Broadway, romancier, et dandy alcoolique, fait entrevoir à sa fille la grande vie. Finalement, elle se retrouve sur le pavé à 16 ans, se marie à 17, divorce, a un enfant qu'elle abandonne, ne pouvant l'élever, et fait tous les métiers possibles, jusqu'à son troisième mariage, heureux, celui-ci, en 1962, avec Martin Greenberg, critique littéraire et traducteur.

Paula Fox a été un temps enseignante, dirigeant à l'université un cours de création littéraire. Un écrivain, c'est une voix, et ça, ça ne s'apprend pas, dit-elle en 2004 dans the Paris Review. «J'ai compris que tout ce qu'on peut faire, c'est encourager les gens, et leur donner un sujet en espérant qu'ils en tireront quelque chose. Quel genre de sujet? Comment lacez-vous vos chaussures. Voilà qui pouvait mettre en oeuvre, à mon avis, une capacité à écrire sur des choses compliquées. Ou bien, je posais une pomme sur la table, et je disais : écrivez cinq cents mots (3000 signes).» Nulle méchanceté dans ces exercices du professeur Fox, mais un goût pour la précision et le travail bien fait, au bord de l'entêtement. Avec un zeste de malice, également.

Et Courtney Love ? Qu'est-elle venue faire dans la vie de Paula Fox? Lorsque celle-ci a abandonné son bébé à la naissance - c'était une fille -, elle a aussitôt essayé de rattraper son geste. Mais ça n'a pas été possible. Et, quarante ans plus tard, c'est sa fille, devenue psychologue, qui l'a retrouvée. Elle-même avait une fille, une chanteuse.

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