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Claude Lelouch: «La plus belle ville du monde, c'est bien Paris!»

Claude Lelouch: «Ce que je préfère à Paris, ce sont les bistrots. Dans les bistrots, on n'est jamais seul. On est toujours chez soi.» JC MARMARA/LE FIGARO

INTERVIEW - Le 15 mars 2017, le réalisateur d'Un homme et une femme sort son nouveau film, Chacun sa vie. Dans sa vie comme dans son cinéma, Claude Lelouch n'a cessé de vouloir s'échapper de la capitale… pour mieux la retrouver. Rencontre dans son QG, avenue Hoche.

LE FIGAROSCOPE. - Que signifie Paris pour vous?

Claude LELOUCH. - Avant tout, je suis né à Paris, dans le IXe arrondissement, rue des Martyrs. Il y avait une clinique dans cette rue, juste en face du cirque Medrano. Mais j'ai grandi au 8, boulevard de Strasbourg, dans le Xe arrondissement. Mon père avait son magasin de coussins d'ameublement rue Saint-Denis. J'ai grandi dans les Halles de Paris. C'est à cette époque que j'ai vraiment commencé à aimer cette ville. Mes racines sont là: entre le Sentier et les Halles. J'étais au cœur d'un Paris qu'on aime: le Paris des affaires, le Paris de la bouffe, le Paris du sexe. Et puis il y avait tous les cinémas dans lesquels j'ai grandi. Il y avait l'Eldorado, la Scala, le Cinex, le Rex… Curieusement le hasard m'a tout de suite mis au bon endroit au bon moment, c'est-à-dire dans un lieu où la curiosité est démesurée. Je ne me suis jamais ennuyé dans mon quartier, le Xe arrondissement. J'avais également le rêve d'aller m'installer à Montmartre.

Pourquoi?

Quand j'étais gamin, j'allais souvent faire le coup de poing avec mes copains, et affronter d'autres bandes comme celle de Montmartre. Moi, je faisais partie de la bande de la République. Après l'Occupation, il y avait déjà des bandes. On s'affrontait de quartier en quartier. Des petites bagarres de ruelle. On allait souvent à Montmartre faire quelques duels, et je me disais: «Ah, les salauds, ils ont de la chance quand même, ils ont une belle vue sur Paris.» J'aimais beaucoup le Moulin de la Galette. Ce que je préfère à Paris, ce sont les bistros. C'est ce qui fait la force de cette ville, on ne le dira jamais assez. Dans les bistros, on n'est jamais seul. On est toujours chez soi. Moi, j'ai autant de maisons dans Paris qu'il y a de bistros. C'est un lieu d'accueil incroyable et puis c'est un lieu qui aiguise la curiosité et le dialogue.

N'est-ce pas dans les bistrots que vous avez puisé un peu de votre inspiration?

C'est vrai. Je n'ai jamais pris un petit déjeuner chez moi depuis ma naissance. J'ai besoin quand je me lève de descendre dans un bistrot prendre mon café. Tout de suite, je prends la température du jour. Quand je parle de température, c'est à la météo humaine que je fais référence. Car je me fiche du temps qu'il fait.

Que représente Montmartre pour vous?

C'est à la fois le plus beau quartier de Paris et le plus beau village de France. C'est là que se termine mon court-métrage C'était un rendez-vous (1976), une sorte de traversée de Paris façon Steve McQueen. Cette traversée se finit à Montmartre parce que c'est pour moi le sommet de Paris. J'y vis désormais. Parfois, au petit matin, je vais écouter chanter les sœurs du Sacré-Cœur dans le grand silence dominical de Paris.

Comment avez-vous vécu Paris sous l'Occupation?

Pour moi, le Paris de l'Occupation était un jeu. Quand j'étais gosse, mon père m'avait appris que lorsque je voyais des gens habillés en vert, les Allemands, je devais changer de trottoir, car ils étaient dangereux. Je n'ai donc jamais croisé un Allemand de ma vie. Je courrais sur le trottoir d'en face! Dès l'âge de 4-5 ans, j'ai pris le métro tout seul. On m'avait donné une ceinture dans laquelle j'avais un peu d'argent et les adresses où il fallait aller au cas où ces méchants Allemands m'attraperaient. C'était un jeu formidable.

Quand avez-vous pris votre indépendance?

Le premier argent que j'ai gagné, c'était en déchargeant des camions la nuit aux Halles. C'est aussi comme ça que je suis tombé amoureux de cette ville parce qu'il y avait cette mixité, ce mélange de genres comme dans la vie qui fait que, quand on a la chance de naître à Paris, c'est difficile d'aimer une autre ville. J'ai fait le tour du monde quatre ou cinq fois. Et pourtant, je peux vous dire que la plus belle ville du monde, c'est bien Paris.

En regardant votre filmographie, on remarque que Paris n'est pas souvent citée. Vous évoquez Paris une fois que vous l'avez quittée…

Oui, parce que quand on aime la ville de Paris, il faut savoir la quitter. C'est en quittant Paris qu'on l'aime de plus en plus. C'est comme un type qui trompe sa femme. Finalement, c'est comme ça qu'il est fidèle. C'est par ce que j'ai souvent trompé Paris à la montagne, à la mer et à la campagne que je me suis rendu compte de son importance. J'ai autant besoin de revenir à Paris régulièrement que de m'en aller ailleurs le week-end. Quand je pars, le vendredi soir ou le jeudi soir, et que je vais passer deux jours en Normandie, je suis content le lundi matin de retrouver Paris. Dans L'Aventure, c'est l'aventure , une scène culte met Lino Ventura face à Jacques Brel. Ventura crie: «Paris, Paris, Paris!», et Brel se met à chanter: «Paris, reine du monde…»

Vous aimez donc filmer Paris finalement…

Bien sûr! Quand, dans Les Uns et les Autres , je filme le Trocadéro, en y faisant entendre le Bolérode Ravel… c'est l'apothéose. C'est le grand moment du film. Le Trocadéro, la tour Eiffel, le Boléro de Ravel, tous ces personnages qui se retrouvent ne pouvaient pas le faire ailleurs qu'à cet endroit-là. C'est un hymne, une déclaration d'amour à Paris… Je crois d'ailleurs que pour un artiste, la reconnaissance parisienne est la plus belle. Tous les artistes, tous les cinéastes du monde, de Scorsese à Coppola en passant par Woody Allen, ont été reconnus à Paris. La vraie reconnaissance, c'est Paris.

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