Fillon lâché par son camp: "Ce n'est pas par morale, c'est parce qu'il va perdre"

Fillon lâché par son camp: "Ce n'est pas par morale, c'est parce qu'il va perdre"

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Par Julien Vlassenbroek

Mis en difficulté dans l'affaire des accusations d'emplois fictifs accordés à sa famille, le candidat du parti "Les Républicains", François Fillon, a rassemblé ses partisans à une cinquantaine de jours du premier tour de l'élection présidentielle française.

Résultat: presque 40 000 supporters présents ce dimanche au Trocadéro, à Paris. Assez pour relancer sa campagne et rester un candidat qui a ses chances de l'emporter? Ce n'est pas l'avis de l'éditorialiste Jean-François Kahn. Ce dernier était l'invité de Bertrand Henne dans Matin Première ce lundi et pour lui, la situation semble irrémédiablement compromise.

Le remplacer par celui qu’il a battu et qui en plus n’a pas du tout le même programme, c’est quand même étrange

"C’était une démonstration de force relative et 40 000 personnes, surtout quand il pleut, ce n’est pas mal", juge-t-il avec de la malice dans la voix. "Mais le problème de François Fillon c'est que, bien qu'il ne puisse plus gagner, c'est lui qui a été choisi sur son programme et massivement. Or, l'alternative envisagée pour le moment, celui par qui on pense le remplacer, c'est Alain Juppé, celui-là même que François Fillon a battu (lors des primaires de droite et du centre, ndlr)", relève-t-il.

Pour expliquer pourquoi la situation rend, selon lui, la victoire de la droite classique impossible, il faut faire un effort d'empathie, "il faut se mettre à la place des électeurs de droite", ceux-là même qui ont fait de Fillon leur favori. "Le remplacer par celui qu’il a battu et qui en plus n’a pas du tout le même programme, c’est quand même étrange", fait remarquer l'écrivain et ancien journaliste.

"Alain Juppé était le meilleur candidat", se mouille-t-il. "Il réunifiait les droites, ils auraient été gagnants avec lui: il avait des gens de gauche qui ont été prêts à voter pour lui pour faire barrage à Sarkozy, il avait un soutien important dans son camp et les centristes étaient prêts à se rallier à lui. Il aurait gagné mais les électeurs de droite n'en ont pas voulu", pense-t-il savoir.

Ces électeurs lui ont préféré l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Et ils l'ont élu sur "un programme clair", que Jean-François Kahn qualifie de thatchériste ou reaganien, à savoir résolument libéral et centré sur les économies de dépenses publiques, basées principalement sur la suppression de cinq cent milles emplois dans la fonction publique.

Si c’était pour des questions morales, il se serait retiré il y a trois semaines

Or Alain Juppé n'est pas sur cette ligne. Dès lors, si Alain Juppé doit remplacer François Fillon au pied levé, "sur quel programme se présentera-t-il? Celui de Juppé, dont les électeurs de droite n’ont pas voulu ou celui de Fillon? Et comment faire campagne sur le programme d’un autre?", s'amuse cet historien de formation.

Reste en outre le problème Fillon lui-même, qui refuse de jeter l'éponge malgré l'étau qui semble se resserrer autour de lui et qui amenuise chaque jour un peu plus ses chances de s'installer à l'Elysée. Car Alain Juppé ne s'imposera pas, pronostique notre invité. "Ce n’est pas un foudre de guerre, il est dans la politique depuis les années 70, il a été Premier ministre il y a 21 ans. Donc il ira s’il faut mais seulement si Fillon se retire de lui-même et qu’il peut compter sur les soutiens de son camp. Or il y a toute une partie de la droite qui ne sera pas prête à le soutenir. Il y a même une partie des gens de son camp qui vont se dire, 'pourquoi pas moi alors?', comme François Baroin", l’ancien ministre que l’on voit se positionner comme un autre possible "plan B".

Quoi qu'il en soit, "si jamais François Fillon lâche, ce ne sera pas pour des raisons morales", analyse celui qui a publié un édito sur le sujet sur le Hufington Post, récemment.  "Si c’était le cas, il se serait retiré il y a trois semaines, surtout qu’il avait annoncé qu’il se retirerait s’il était mis en examen. Mais sa grande faiblesse, c'est qu’il ne peut plus gagner, c’est surtout cela qui fait qu’il est lâché par une partie de son camp, pas tellement des considérations morales".

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