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Présidentielle 2017
L'édito

Présidentielle : quand Juppé prononce l’oraison funèbre de la droite Fillon

En actant qu'il lui était impossible de remplacer le candidat Fillon, Alain Juppé a dressé aussi l'acte de décès de la droite et Les Républicains. Le meilleur d'entre nous a enterré le pire d'entre eux.

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Juppé-Fillon, 2016.

La déclaration à la presse d'Alain Juppé ce lundi n’était pas seulement un adieu à la vie publique nationale.

AFP

Le meilleur d’entre nous a enterré le pire d’entre eux. En quelques minutes ce lundi matin, Alain Juppé a prononcé l’oraison funèbre d’une droite défunte, que François Fillon assassine. La droite n’est plus la droite. Le surmoi gaulliste est effacé. Le règne de la Manif pour tous a commencé, et il a tué la droite.

Il n’est pas d’autre lecture à faire de la crépusculaire déclaration d’Alain Juppé. Ce n’était pas seulement un adieu à la vie publique nationale, l’ultime acte de renoncement d’un homme à qui l’histoire aura toujours refusé un destin, c’était aussi et surtout l’adieu d’une certaine idée de la droite à la France.

D’abord le constat personnel: « Je n'ai pas l'intention de m'engager dans des tractations partisanes ni des marchandages de poste. Je ne suis donc pas en mesure aujourd'hui de réaliser le nécessaire rassemblement autour d'un projet fédérateur ».

Ensuite, le constat de l’état de la droite: « Quel gâchis ! Au lendemain de notre primaire, dont le résultat a été incontestable et incontesté, François Fillon, à qui j’avais immédiatement et loyalement apporté mon soutien, avait un boulevard devant lui. Je lui ai renouvelé ce soutien à plusieurs reprises ».

Enfin, le constat que le chemin pris par la droite n’est pas le sien: « Comme l’a montré la manifestation d’hier au Trocadéro, le noyau des militants et sympathisants LR s’est radicalisé ».

 

La droite d’après

Désormais, plus rien ne peut empêcher l’avènement de la droite d’après, dont la terrible candidature Fillon est une étape. La droite d’après, c’est la droite qui va rassembler, dans un grand élan conservateur tous les partisans de la fermeture française. Le grand repli identitaire est inévitable, sur fond d’hostilité stupide et apeurée à la mondialisation, l’Europe, le multiculturalisme et la société d’accommodation…

Les souverainistes et les populistes de tous bords vont désormais pouvoir s’assembler. Dans quelques mois, Laurent Wauquiez ne se trouvera plus de différences avec Marion Maréchal-Le Pen. Ainsi va s’écrire l’histoire de la droite d’après.

Ce qu’a annoncé Alain Juppé aujourd’hui, c’est l’avènement de la droite Finkielkraut, de la droite Zemmour, de la droite Buisson. C'est en cela que Fillon est le pire d'entre eux. La droite de demain aura le visage de la droite d’avant-hier.

Alain Juppé est l’homme d’un autre temps. Qui a su lire mieux que d’autres la réalité politique du moment. Qui n'est pas la sienne. Comment aurait-il pu s’imposer à un électorat qui ne veut pas de lui, et le lui avait fait savoir avec brutalité en novembre dernier? Les sondages trompeurs de ces deux derniers jours ne l’ont pas démenti. Sa position de recours était un leurre, une appréciation hors-sol. Un rêve de sondeurs en mal de sensation.

Qui pouvait sérieusement croire que l’électorat filloniste, désormais crispé sur l’identitaire et engagé dans une spirale infernale, était susceptible d’accepter la substitution ainsi proposée? La candidature Juppé, c’était un boulevard pour le Front national et Marine Le Pen. Une tragédie politique qu’il ne pouvait empêcher. Si l’on ajoute à cela la détermination de François Fillon, la décision de renoncement était inéluctable.

« Vous ne me méritez pas, donc, je m’en vais »

« On ne peut rien contre la volonté d’un homme » a dit un jour François Mitterrand. S’il en est un qui donne sens à cette maxime, ces derniers jours, c’est bien François Fillon. Alain Juppé n’a pas voulu entamer un genre de combat que, par nature autant que culture, il n’a jamais voulu mener. Le voici qui va prendre place dans la grande galerie de ceux qui auraient pu être président, mais n’ont jamais pu être seulement candidat. Delors, Rocard, Fabius…

Au fond, en ce lundi 6 mars 2017, il y avait quelque chose de Lionel Jospin en mode 21 avril 2002 dans le renoncement de Juppé. Un petit côté « Vous ne me méritez pas, donc, je m’en vais ». Le tout assorti de la leçon du sachant qui sait, mais qui n’est pas reconnu comme le sachant qui sait. Mais comment donc pouvez-vous passer à côté de mon génie politique? Comme Jospin, Juppé aurait voulu être désigné président, mais pas élu. Faire campagne, c’est salissant. Et fatiguant.

Il entrait donc dans le discours de Juppé une part de lucidité, mêlée à une part de suffisance… On ne se refait pas. Mais l’essentiel demeure dans le message délivré. La droite court à sa perte, livrée à un candidat qui la mène là où François Mitterrand entendait la mener depuis toujours, entre les mâchoires d’un impitoyable étau, prise entre le Front national et la grande force progressiste qui paraît se dessiner, jour après jour, autour de la candidature Macron (elle-même en train de se substituer à un PS en phase de gauchisation mortifère avec Benoît Hamon).

Dans cette position, la droite dite encore républicaine risque d’exploser, victimes de ses contradictions internes, entre ceux qui, européens sociaux et libéraux, refuseront la construction de la droite d’après, la main tendue au FN, et ceux qui l’encourageront et franchiront le Rubicon sans état d’âme, au nom du souverainisme et des valeurs judéo-chrétiennes de la France.

Alain Juppé est en ce jour le Bossuet de la droite française. « La droite se meurt, la droite est morte ». Dont acte.

 

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