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Pour le travail universel !

Par Gilles Lecointre (économiste et entrepreneur)

Publié le 6 mars 2017 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

On nous a présenté dans les années 1990 le concept de la « nouvelle économie », qui s'accommodait d'entreprises dont les pertes étaient supérieures à leur chiffre d'affaires. C'était, à l'époque, vu comme « normal ». L'éclatement de quelques bulles a fait exploser cette idée cocasse. Mais la voilà qui renaît avec le revenu sans travail et pour tous ! Doit-on prendre cela au sérieux ? La réponse est oui, puisque tout le monde en parle et que certains en font leur programme politique. Essayons de réfléchir sans a priori.

Tout revenu est la contrepartie d'une activité économique. Celui qui perçoit le revenu peut être celui qui a généré l'activité : c'est le cas le plus simple et le plus répandu. Ce peut être aussi quelqu'un d'autre que le producteur lui-même - dans ce cas, on parle de redistribution. Il en existe, en France, de nombreux mécanismes : par l'impôt, par l'allocation de subventions, par l'attribution de minima sociaux.

De cette première analyse, on peut donc avancer que, dans son principe, le revenu « universel » existe déjà et depuis longtemps : il y a de nombreuses situations où des citoyens bénéficient de revenus qu'ils n'ont pas générés par leur travail. Mais, deuxième question soulevée, cet avantage pourrait-il s'étendre à tout le monde ? La réponse est oui... mais à la condition d'en avoir les moyens ! Car ces revenus « universels » seront à prélever sur tous les autres revenus issus de l'activité « productrice ». Et si, à l'extrême, tout le monde percevait ses revenus sans aucun travail, l'activité globale serait alors nulle et il n'y aurait plus rien à distribuer...

Cependant, dans le raisonnement des promoteurs du revenu universel, il y a une parade absolue : le travail va disparaître, tout sera automatisé. On nous promet le passage à l'eldorado d'un monde où, sans rien faire, on vivra riche et inactif ! Ce raisonnement n'est pas sérieux. Rappelons-nous que nous sommes entrés dans une économie de services (secteur générateur d'emplois et peu « mécanisable »), dans une ère où les métiers liés à l'écologie s'imaginent à l'infini et dans un monde où la pauvreté concerne la majorité de la planète. Donc, le travail ne manque pas de sources possibles ! Enfin, il convient de souligner que, du point de vue social, l'application d'un tel remède présenterait des inconvénients majeurs : disparition de l'incitation à travailler et fin de la solidarité.

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Le revenu universel apparaît donc comme une idée peu originale, inapplicable économiquement et socialement. C'est une idée marketing qui renverse la cause et l'effet. Pour réduire la pauvreté, il faut d'abord donner du travail à tous en échange d'une activité productrice de revenus. Ceux qui prétendent le contraire vendent du vent, débouchant à terme sur l'augmentation de la pauvreté.

Pour l'ensemble de ces raisons, la seule vraie solution est de mettre au travail tous ceux qui n'en ont pas, en instaurant le « travail universel » (1). Cela est à notre portée. Qui sait par exemple que le CICE coûte 42 milliards par an et que le chômage n'a pas bougé depuis son instauration ? Qui sait que financer un emploi, au SMIC, dans le secteur privé, pour les 650.000 jeunes de moins de 25 ans au chômage, coûterait trois fois moins à l'Etat, soit 14 milliards d'euros ? Une telle embauche n'augmenterait les effectifs du secteur privé que d'un peu plus de 3 %. Employons tous ces jeunes tout de suite. Cela redonnerait une dignité à tous, éviterait bien des révoltes et relancerait l'économie, car les revenus ainsi distribués seraient immédiatement et totalement dépensés.

Il est temps de changer de logiciel avec quelque chose de simple, de direct, de mobilisateur. Mais quel futur président osera ? Ce serait pourtant l'occasion d'un pacte national associant tout le monde dans un même élan. Personne ne pourrait résister à un tel projet. Quand commence-t-on ?

Gilles Lecointre, est économiste et entrepreneur, enseignant à l'Essec et à l'Institut Mines-Télécom

Gilles Lecointre

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