«Clause Molière»

Wauquiez veut que tout le monde parle le français sur les chantiers de BTP

Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a fait adopter par sa majorité une «clause de langue française» qui obligerait les ouvriers d'entreprises du BTP à s'exprimer dans la langue de Molière. Clause illégale, considère le préfet.
par Maïté Darnault, correspondance à Lyon
publié le 7 mars 2017 à 17h43

Lors de son ultime jour à la tête de la préfecture d'Auvergne-Rhône-Alpes, il a souhaité faire place nette. Le 24 février, Michel Delpuech a adressé un dernier courrier au président LR de région Laurent Wauquiez, particulièrement zélé sur la question du travail détaché et des marchés du BTP conclus par sa collectivité. Durant l'assemblée plénière du 9 février, son exécutif a en effet voté une «clause de langue française», dite «clause Molière», qui engagerait l'opérateur d'un chantier «à ce que tous ses personnels, quel que soit leur niveau de responsabilité et quelle que soit la durée de leur présence sur le site, maîtrisent la langue française». Idem «pour ses sous-traitants, quel que soit leur rang». Seuls recours possibles, «la mise à disposition alternative d'un traducteur» ou le paiement d'une amende de 5% du montant du marché.

Le maire de Vienne, Thierry Kovacs, chef de file LR en Isère, s'est déjà dit prêt à répercuter cette mesure dans sa commune. Or le préfet Michel Delpuech a jugé cette clause «susceptible de créer une discrimination fondée sur la nationalité des entreprises candidates» et «contraire aux principes constitutionnels de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats». Autre point soulevé : la mise en place de contrôles exercés par des «agents de la région». Et le préfet de rappeler que la supervision du code du travail reste du seul ressort de l'inspection du travail. Ainsi, si des sanctions devaient être prononcées, elles le seraient «par l'autorité administrative compétente parmi lesquelles ne figure pas la région», a détaillé Michel Delpuech.

Débat avec Hamon

Ce dernier, nommé depuis préfet d’Ile-de-France, ancien de la promotion Voltaire à l’ENA, tout comme François Hollande dont il est resté proche, laisse le soin à son successeur, Henri-Michel Comet, de veiller sur le dossier. Wauquiez a deux mois pour retirer sa délibération ou pour l’épurer des cinq irrégularités pointées. Sans quoi la préfecture pourrait porter le cas devant le tribunal administratif. Le cabinet de Laurent Wauquiez a d’emblée annoncé qu’il ne plierait pas. Henri-Michel Comet, précédemment représentant de l’Etat dans la région Pays-de-Loire, a notamment occupé le poste de secrétaire général du ministère de l’Intérieur sous Brice Hortefeux – aujourd’hui deuxième vice-président d’Auvergne-Rhône-Alpes.

L'opposition régionale redoute que cette délibération ne passe entre les mailles du filet à la faveur de ce récent jeu de chaises musicales et de l'actualité de l'entre-deux-tours de la présidentielle – durant lequel l'ultimatum prendra fin. Laurent Wauquiez, invité jeudi prochain comme contradicteur de Benoît Hamon sur le plateau de France 2, dont le teaser demande en boucle si les mesures du candidat de la gauche sont bien «réalistes», ne devrait pas manquer d'incarner la raison économique face au revenu universel, aux 32 heures ou à la taxe robot.

L’affaire du travail détaché en Auvergne-Rhône-Alpes montre pourtant qu’il reste à son président de région, titulaire d’un DEA de droit public et diplômé de l’ENA, des lacunes en la matière. L’équipe d’Hamon, elle, ne doute pas que le débat dérivera vers les questions identitaires, l’éternelle boussole de Wauquiez à l’échelle régionale comme nationale.

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