Présidentielle : la Ve République à bout de souffle

FAIT DU JOUR. Affaires, difficultés de rassemblement, majorités difficiles à trouver, la Ve République est à bout de souffle. Survivra-t-elle à cette élection ? La question se pose alors que nous vivons une folle campagne et une véritable crise des institutions.

Celui ou celle qui sera élu(e) à la tête de l'Etat en mai n'est pas assuré(e) de disposer en juin d'une majorité pour gouverner.
Celui ou celle qui sera élu(e) à la tête de l'Etat en mai n'est pas assuré(e) de disposer en juin d'une majorité pour gouverner. (LP/Arnaud Journois)

    C'est une révolte ? Non, sire, c'est une révolution ! Un peu comme le royaume de Louis XVI, la Ve République, fondée il y a presque soixante ans par le général de Gaulle, prend l'eau de toutes parts. A quelques semaines du premier tour de la présidentielle, jamais la scène politique n'a paru aussi confuse.



    L'ébranlement du système commence par l'incapacité du chef de l'Etat, pilier dudit système, à se représenter lui-même. Pour la première fois sous la V e — excepté le cas de Georges Pompidou, décédé durant son septennat —, un président a renoncé à briguer sa propre succession à l'issue de son premier mandat.



    François Hollande, président décidément tout sauf «normal», a pris acte d'une impopularité sans précédent. Et, surtout, de l'hostilité massive, à son égard, de sa propre famille politique. Disparues, donc, la prééminence présidentielle et la discipline majoritaire. Car s'il n'avait pas jeté l'éponge, François Hollande aurait dû affronter la concurrence de plusieurs anciens ministres, candidats contre lui ! Après la fronde, l'affront. Imagine-t-on le général de Gaulle en si piteuse situation ? Le leadership «naturel» du chef de l'Etat a bel et bien volé en éclats.



    Deuxième pilier de la Ve à être malmené, le règne du bipartisme. L'alternance au pouvoir entre un grand parti de droite et un grand parti de gauche, présentant chacun un candidat, vit peut-être ses derniers jours. D'autant que la grande innovation censée revivifier ce système à bout de souffle, les primaires ouvertes de la droite et de la gauche, montre ses limites.



    Non seulement les champions issus des primaires LR (François Fillon) et PS (Benoît Hamon) ne parviennent pas à rassembler leur propre famille, mais en plus ils risquent d'être éliminés dès le 1er tour de la présidentielle, le 23 avril, par deux candidats venus d'ailleurs. L'une de l'extrême droite, Marine Le Pen. L'autre, Emmanuel Macron, champion d'un rassemblement de gauche et de droite, de simples citoyens et de vieux routiers de la politique. Ce serait alors l'affiche inédite du second tour, le 7 mai prochain.

    Un système hybride à quatre « gros » partis

    Nous ne sommes même plus dans le tripartisme prévalant depuis l'installation du FN en troisième force électorale du pays, à la faveur des élections européennes et locales de 2014 et 2015. Mais dans un système hybride à quatre «gros» partis, voire plus : le FN, En marche, LR et le PS faisant jeu égal ou presque dans les sondages avec la France insoumise de Mélenchon. Bref, dans un paysage inconnu depuis l'instauration en 1962 de l'élection du président au suffrage universel.

    Résultat, celui ou celle qui sera élu(e) à la tête de l'Etat en mai n'est pas assuré(e) de disposer en juin d'une majorité pour gouverner. Là encore, une première ! Alors sommes-nous au seuil d'une crise de régime ? A la veille d'une VIe République naissant sur les décombres d'institutions qui ont pourtant traversé bien d'autres vicissitudes, de la guerre d'Algérie aux attentats terroristes des années 1980 ou 2010, en passant par Mai 1968 ?


    Tous les candidats à la présidentielle proposent dans leur programme une réforme de nos institutions — retour au septennat, recours plus fréquent au référendum, renforcement des prérogatives du Parlement... A chacun sa réforme de la Constitution ou son changement de République. Une manie bien française, voulant que les textes comptent davantage, dans la bonne — ou mauvaise — marche de la démocratie, que les mentalités et les comportements de nos élus et de nos dirigeants, pourtant tant décriés actuellement. Les Américains ont la même Constitution depuis 1789, les Britanniques les mêmes règles non écrites depuis le Moyen Age. La démocratie y est-elle moins vivace ?

    Le 19 décembre 1965, Charles de Gaulle