Le rat-taupe nu, un petit rongeur au physique disgracieux objet de la plus grande curiosité des chercheurs et qui peut vivre 30 ans, a livré un peu plus de secrets de sa longévité exceptionnelle, selon une recherche publiée lundi aux Etats-Unis.

"Avec un code génétique similaire au notre à 93%, ce rat pourrait complètement inverser notre rapport au vieillissement et à la maladie. Notre espérance de vie pourrait être considérablement rallongée" confie Frédéric Saldmann

afp.com/J.Adam Fenster

"Cet animal n'est pas très photogénique mais il pourrait bien sauver la vie de pas mal d'entre nous" assure Frédéric Saldmann, Directeur scientifique de la Fondation pour la Recherche en Physiologie qui se consacre exclusivement à l'étude de l'hétérocéphale, nom scientifique du rat-taupe nu.

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Il est vrai qu'au premier coup d'oeil, avec sa peau fripée dépourvue de fourrure et ses grandes incisives saillantes, indispensables pour creuser les sous-sols de l'Afrique de l'Est d'où il est originaire, le petit rongeur, quasiment aveugle, n'a rien d'attendrissant. C'est sans compter sur son incroyable secret de longévité.

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Ultra-résistante, au temps comme aux maladies, la bestiole qui fascine les chercheurs est ce soir à l'honneur d'une grande soirée de collecte de fonds organisée à Paris par des chercheurs soucieux d'en apprendre toujours plus sur l'incroyable animal, comme le rapporte Le Parisien. "D'ici une dizaine d'années je pense que nous aurons obtenu des résultats spectaculaires, confie Frédéric Saldmann, avec un code génétique similaire au notre à 93%, ce rat pourrait complètement inverser notre rapport au vieillissement et à la maladie Notre espérance de vie pourrait être considérablement rallongée."

Une longévité incomparable

Pour déterminer la longévité d'une espèce, son gabarit fait foi. Mais le rat-taupe nu fait mentir tout le monde. Avec ses 8 centimètres de longueur et ses 36 grammes, sa corpulence est semblable à celle d'une souris. Mais alors que celle-ci ne dépasse jamais l'âge de cinq ans, le rat-taupe nu peut vivre jusqu'à trente printemps. "A échelle humaine, c'est comme si nous vivions six cent ans" explique Frédéric Saldmann.

"Et il reste en bonne santé et fertile même en fin de vie, précise-t-il. C'est fascinant à observer, il n'évolue pas de sa naissance à sa mort, son enveloppe corporelle reste inchangée, il traverse les années comme si le temps n'avait pas de prise sur lui. Et au bout d'une trentaine d'années, il cesse simplement de fonctionner, il arrête de vivre."

Une longévité qui réside peut-être dans son incroyable endurance: "il n'arrête pas, il cavale sans arrêt, de galerie en galerie, non stop. On sait que l'activité physique joue un grand rôle sur notre état de santé et notamment sur notre système immunitaire, explique Frédéric Saldmann, 30 minutes d'exercice réguliers peuvent suffire à réduire de 40% le risque de maladies cardiaques ou neurologiques, alors quand on sait que ce rat court toute la journée..."

Insensible à la douleur

Une piste parmi tant d'autres explorées par les scientifiques dans la toute nouvelle animalerie dédiée au rongeur, abritée par l'Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort. "Nous pratiquons notamment des prélèvement et analyses sanguines pour déterminer si cette 'clé de longévité' se trouve dans les gênes ou ailleurs", précise Frédéric Saldmann. "Connaître le quoi, le comment, le où, le pourquoi de cette résistance est l'étape indispensable avant d'imaginer toute tentative d'adaptation pour les humains."

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En plus d'une forme olympique, le rat-taupe nu présente une résistance inégalée à la douleur. En apparence fragile sous sa peau nue, il est en réalité insensible à la sensation d'hyper chaleur. Son corps, parfaitement adapté à sa vie sous terre, où la température est constante, cesse dès l'âge adulte d'entretenir les terminaisons nerveuses qui détectent et transmettent la sensation de brûlure.

Autre pouvoir fascinant du rat-taupe: sa capacité à combattre l'hypoxie, le manque d'oxygène, problème numéro un en sous-sol. "D'après les tests effectués en laboratoires, ils peuvent survivre jusqu'à 17 minutes sans oxygène", affirme le docteur Saldmann. Une faculté due à une hémoglobine particulièrement adaptée au transport de l'oxygène, et qui selon Frédéric Saldmann pourrait aider à comprendre et à lutter contre les troubles neurovasculaires, comme les AVC.

Résistance face au cancer

Mais ce qui intéresse sans doute le plus les chercheurs, c'est l'incroyable résistance du rongeur face au cancer. "Nous les avons exposés à des cancérogènes cliniques et à des tumeur extrêmement agressives qui tuent invariablement les autres rongeurs comme les souris ou les autres espèces de rats, relate Frédéric Saldmann, les rats-taupe ont tout rejeté."

Une étude menée pendant 15 ans par des scientifiques américains révélait ainsi en 2013 que sur 138 animaux observés, aucun n'avait développé de cancer. Selon les conclusions de ces recherches dirigées par des chercheurs de l'université de Rochester aux Etats-Unis, les cellules du rat-taupe produisent en importante quantité de l'acide hyaluronique, composant qui empêche la transformation de cellules saines en cellules cancéreuses.

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L'année dernière pourtant, deux rats-taupe élevés en captivité ont été diagnostiqués comme porteurs de gènes cancéreux. A ce jour ils sont les seuls spécimens connus à avoir développé un cancer et l'apparition de ces tumeurs pourrait d'autant plus aider les scientifiques à percer le secret de leur résistance, en exploitant ce qui pourrait être une des rares, si ce n'est la seule faille de ces rongeurs.

"Ce rat résiste aux trois maladies qui finiront pas tous nous tuer: le cancer, les maladies neurodégénératives comme l'Alzheimer et les maladies cardiovasculaires, assure Frédéric Saldmann. Percer le secret de sa longévité pourrait bien pulvériser ce qui nous semble aujourd'hui comme inéluctable: la maladie."

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