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Présidentielle 2017

Marine Le Pen et le scénario catastrophe de l'article 16 de la constitution

Les sondeurs n'écartent plus sa victoire. Nul ne l'anticipe mais la constitution de la Ve république offrirait alors à Marine Le Pen la possibilité de disposer d'un pouvoir absolu mettant entre parenthèse la démocratie. Attention danger.

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Il est évident qu'une victoire de Marine le Pen déclencherait des troubles dans le pays autrement importants et violents que ceux qu'ont connus les Etats-Unis après la victoire de Donald Trump.

Il est évident qu'une victoire de Marine le Pen déclencherait des troubles dans le pays autrement importants et violents que ceux qu'ont connus les Etats-Unis après la victoire de Donald Trump.

GUILLAUME SOUVANT / AFP

L'élection surprise de Donald Trump et la victoire écrasante, très tardivement décelée, de François Fillon dans la primaire de la droite et du centre au mois de novembre dernier rendent tous les pronostiqueurs de la présidentielle très prudents. Les sondeurs ne sont pas en reste. Nul n'ose dire aujourd'hui ce qui se passera le 23 avril, lors du premier tour, puis, deux semaines plus tard, pour le round élyséen décisif.

Tous, cependant, s'accordent sur un point: Marine Le Pen se qualifiera pour le face à face du second tour le 7 mai. Il est vrai que le Front national s'est affirmé au cours des élections intermédiaires du quinquennat comme le premier parti de France et que les 26% dont tous les sondages créditent sa candidate correspondent aux scores obtenus lors de ces scrutins. Avec ce record de 27,73% des suffrages, soit 6.018.904 voix aux régionales de décembre 2015 alors que le taux d'abstention atteignait 50,09%, c'est-à-dire un électeur sur deux. Ces chiffres sont à comparer aux 6.421.426 voix obtenues par Marine Le Pen à la présidentielle de 2012, soit 17,90% des exprimés avec une abstention faible, 19,65%. Ces résultats nous donnent le socle passé de la candidate d'extrême droite. Mais, sans doute, s'est-il consolidé et élargi. En effet, les enquêtes actuelles prévoient une participation basse pour une présidentielle, inférieure à 70%, preuve de la crise de confiance qui traverse le pays et des interrogations qui le minent. Les données peuvent évidemment encore évoluer et les électeurs se mobiliser mais, à ce stade, elles donnent une idée assez précise du potentiel électoral actuel de Marine Le Pen. Le doute ne plane pas en effet sur la détermination de son électorat.  C'est le seul qui soit déjà vraiment mobilisé. Si l'équation électorale du 23 avril demeure celle d'aujourd'hui - 68% de votants - les 26% de voix de la candidate d'extrême droite représenteront 8 millions de suffrages! C'est ce chiffre considérable qui interpelle les sondeurs et leur laisse penser qu'une victoire au second tour de Marine Le Pen n'est pas impossible s'il n'y a pas un puissant sursaut de mobilisation.

Un article qui remet les pleins pouvoirs pour un temps indéterminé au chef de l’Etat

Certes, ce sont des hypothèses mais on ne peut les balayer d'un revers de main. Même si ce scénario est loin d'être écrit, il faut malgré tout en mesurer les conséquences. Un débat sérieux s'engage enfin sur le programme économique de Marine Le Pen, la sortie de l'euro, la fermeture des frontières et les conséquences de ces mesures. Mais une autre question mérite aussi d'être examinée. Si Marine Le Pen venait à l'emporter, elle aurait en main une arme terrible que nul n'évoque aujourd'hui: le recours à l'article 16 de notre constitution.

Rappelons-en le contenu car il n'a été mis en œuvre qu'une seule fois par le général de Gaulle le 23 avril 1961 au lendemain du putsch des généraux à Alger: « Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. Il en informe la nation par un message. »

On peut gloser à l'infini sur cet article, les choses cependant sont claires: non seulement le président agit à sa guise mais nul autre que lui ne peut constater qu'ont pris fin les circonstances justifiant la mise en vigueur de cette décision.

Il est évident qu'une victoire de Marine le Pen déclencherait des troubles dans le pays autrement importants et violents que ceux qu'ont connus les Etats-Unis après la victoire de Donald Trump. La France, c'est une certitude, entrerait dans une grande période de tension et d'agitation. Nul doute qu'un pouvoir par essence autoritaire recourait alors sans hésitation à l'article 16. Personne ne pourrait en empêcher la Présidente élue.

 

Le droit de mettre en place un pouvoir autoritaire tout en respectant la Constitution

Procès d'intention? Non. Il suffit pour s'en convaincre d'observer comment Marine Le Pen se comporte vis à vis de la justice depuis sa mise en examen pour la diffusion sur son compte tweeter d'images violentes de Daech en décembre 2015. Elle a refusé de comparaître devant les juges en arguant de ses prérogatives de parlementaire européen et d'une impunité qui, de fait, n'existe pas. Rien, en effet, n'empêche les juges de la poursuivre et de la mettre en examen. Le droit le leur permet. En revanche, ils ne peuvent décerner à un élu un mandat d'amener, c'est-à-dire le contraindre à comparaître sauf si une main levée a été prononcée par ses pairs parlementaires. Ce qui a été fait par le Parlement européen le 2 mars dernier. Malgré la perte de son immunité, Marine Le Pen s'obstine et montre, en l'occurrence, son peu de respect pour le droit et la justice.

En dépit de ses dérapages verbaux, François Fillon, en revanche, a choisi, lui, d'obtempérer: il comparaîtra le 15 mars devant les magistrats qui instruisent son affaire. Ces deux attitudes très différentes, l'une républicaine, l'autre pas, montrent que Marine Le Pen fait peu de cas du droit. On ne voit donc pas comment elle se priverait d'utiliser l'article 16 pour mettre en place, en respectant la Constitution, un pouvoir autoritaire qui correspond bien à la nature de l'extrême droite.

« Les institutions sont dangereuses, disait François Mitterrand, elles l'étaient avant moi, elles le seront après moi. » Au vrai, jusque-là, elles ne l'ont jamais été. Ni avec ses prédécesseurs. Ni avec aucun de ses successeurs. Tant et si bien que personne ne s'est inquiété de cet article 16 qui remet les pleins pouvoirs pour un temps indéterminé au chef de l’Etat. Si Marine Le Pen, par malheur est élue, il sera hélas bien trop tard pour s’interroger sur sa portée. Danger.

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