Perdons-nous vraiment des neurones dès la fin de l’adolescence ?

Les neurones sont les cellules sacrées du cerveau. De fait, le déclin des capacités cognitives et physiques avec l’âge est souvent assimilé à une perte neuronale. Précisions sur quelques idées reçues avec le neurobiologiste Jean Mariani. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Perdons-nous vraiment des neurones dès la fin de l’adolescence ?

Sans les neurones, pas de langage, de mémoire, d’émotions ou de sensations. Ces cellules, indispensables à de nombreuses fonctions du corps, sont le support de la transmission des informations au sein de notre cerveau.

Leur nombre, estimé à 100 milliards, reste relativement stable au cours de la vie. "On naît avec un stock définitif de neurones, sauf dans quelques régions cérébrales comme le cervelet [important pour le mouvement et l’équilibre, ndlr] ou l’hippocampe [impliqué dans l’apprentissage et la mémoire, ndlr], dans lesquelles les neurones se multiplient encore après la naissance", explique Jean Mariani, directeur de l’Institut de la longévité Charles-Foix et professeur des universités-praticien hospitalier à la faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie de Paris.

Une perte neuronale modérée

D’après le chercheur, l’idée selon laquelle nous perdrions des neurones dès l’adolescence, et ce, de façon inéluctable, est "largement fausse". "Il s’agit d’une confusion entre la notion de mort neuronale liée au vieillissement et celle de mort neuronale développementale." Cette dernière est en effet massive et peut atteindre 50 à 80% du stock total de neurones – un phénomène normal et même nécessaire au bon fonctionnement du cerveau du nouveau-né.

La perte neuronale lors du vieillissement normal atteint quant à elle "10 à 15% des neurones, 25% au grand maximum, détaille Jean Mariani. La perte neuronale commence vers l’âge de 50 ans. Elle se fait sur le long terme et de façon distillée." Par ailleurs, le déclin des performances cognitives et motrices est, d’après lui, davantage lié à un remaniement et à une diminution du nombre de synapses - les points de connexion entre les neurones - qu’à une mort neuronale en tant que telle.

"Eliminer les bourreaux du cerveau"

Afin de prévenir ou du moins de ralentir la perte neuronale, il faut "éliminer les bourreaux du cerveau". Concrètement, il s’agit de limiter sa consommation de tabac et d’alcool, et d’éviter les comportements favorisant l’hypertension artérielle et le diabète. "Ces facteurs de risque sont toxiques à la fois pour les neurones et pour les synapses", insiste le chercheur.

Moins connue, l’apnée du sommeil fait également partie des facteurs de risque : "la concentration d’oxygène dans le sang diminue très brutalement et remonte tout aussi vite, ce qui est très mauvais pour les neurones."

Par ailleurs, l’exposition aux pesticides et les chocs répétés au niveau de la tête sont aussi pointés du doigt. Ils occasionnent même, dans les cas extrêmes, l’apparition de maladies neurodégénératives. "La maladie de Parkinson et la démence pugilistique [assimilable à la maladie d’Alzheimer, ndlr] sont favorisées par les traumatismes répétés. Il se produit une inflammation cérébrale et une perturbation de la fonction de support des cellules gliales, qui entourent les neurones", l’ensemble impactant de façon notable le fonctionnement et la survie des neurones. 

Créer de nouveaux neurones ?

Toutefois, certaines zones du cerveau adulte, comme l’hippocampe, disposent d’un stock de cellules souches, "des cellules dormantes dont la production peut être réactivée après une lésion ou lors d’un exercice physique, et conduisant à la formation de nouveaux neurones, explique Jean Mariani. De même, il peut y avoir de la neurogénèse dans l’hippocampe lors d’un entrainement important de la mémoire."

Alors, bien que le nombre de cellules souches "diminue vraisemblablement avec l’âge", il semble ainsi possible de stimuler la production de nouveaux neurones et de nouvelles synapses dans le cerveau adulte grâce à la pratique d’activités sportives, cognitives et sociales tout au long de la vie. 

L’intelligence est-elle proportionnelle au nombre de neurones ?

Pas forcément ! L’excès de neurones peut même être lié à des troubles de l’apprentissage.

L’équipe de Jean Mariani a en effet étudié le comportement de souris au "gros cerveau", c’est-à-dire des souris présentant environ 50 % de neurones en plus par rapport à leurs congénères "normaux". "Nous avons observé que ces souris présentaient des déficits en termes d’apprentissage", explique le chercheur, selon qui l’expression "Big is beautiful" n’est pas adaptée aux neurones. "Ce qui est important, c’est que le nombre de neurones soit régulé de façon précise et que les connexions entre les neurones soient adaptées."