L’Europe a les moyens d’accueillir les réfugiés
Le nombre de demandes individuelles d’asile en Europe est passé de 200 000 à 1,3 million entre 2010 et 2015. En 2016, malgré un ralentissement en fin d’année, on devrait en comptabiliser environ 1 million. Cette hausse est due avant tout à l’afflux de réfugiés en provenance de Syrie, d’Afghanistan et d’Irak (voir encadré).
De tels flux migratoires n’avaient pas été observés depuis longtemps. Et leur cause diffère des mouvements habituels : les migrants de 2015-2017 sont pour le plus grand nombre chassés par la guerre, ce qui les distingue fondamentalement de ceux qui, plutôt qu’un refuge pour échapper à la mort ou à la répression, cherchent avant tout l’amélioration de leurs conditions matérielles. Pour autant, cette situation rare n’est pas sans précédents : la France avait accueilli 800 000 rapatriés d’Algérie en 1962 et plus de 120 000 boat people vietnamiens et cambodgiens en 1979.
Face à l’afflux imprévu de réfugiés, l’Europe a échoué dans sa tentative de coordination des politiques nationales
Les réfugiés ont en commun avec les migrants économiques de souhaiter s’installer là où il y a du travail. C’est ce qui explique, en dehors des différences dans les conditions d’accueil, qu’ils se soient plutôt orientés vers l’Allemagne, la Suède ou la Norvège. Ce sont actuellement les pays dans lesquels les opportunités d’être embauché sont les plus nombreuses. L’attitude plus ouverte des gouvernements de ces pays renvoie aussi, pour une part, au même facteur : la bonne situation du
Cacophonie européenne
Face à l’afflux imprévu de réfugiés, l’Europe a échoué dans sa tentative de coordination des politiques nationales. Les pays de première arrivée (Italie et Grèce), du fait de leur position géographique, ont été aidés tardivement et insuffisamment par les autres Etats membres. La proposition de la Commission de répartir les réfugiés selon des quotas nationaux s’est heurtée aux refus catégoriques de certains pays d’Europe centrale, dont la Hongrie. La route des Balkans menant de Grèce en Allemagne via la Hongrie est aujourd’hui fermée. Un accord a été trouvé avec la Turquie pour que celle-ci, moyennant finances, maintienne le plus possible de migrants possible sur son territoire. Mais cette situation pourra difficilement perdurer alors que la guerre se poursuit au Proche-Orient et que le flux de réfugiés est loin d’être tari.
Au coeur de la désunion européenne, il y a, entre autres choses, la question du coût de l’accueil des réfugiés. A court terme, il faut loger les arrivants, leur apporter un minimum de secours financier et souvent leur apprendre la langue de leur nouveau pays de résidence. Le Fonds monétaire international a estimé cette dépense budgétaire pour les pays de l’Union à environ 0,2 point de
Charge supplémentaire, mais aussi aubaine
Dans un contexte de rigueur budgétaire, un surcroît de dépenses pour accueillir les réfugiés peut sembler difficile à financer. Toutefois, il faut tenir compte du fait que cette charge supplémentaire s’accompagne d’une augmentation de la
Face à cette réalité, une réponse pourrait être que la liberté d’installation et de circulation des réfugiés - principe plus satisfaisant du point de vue politique et éthique que la
A long terme, les arrivées d’un grand nombre de réfugiés sur le territoire de l’Union font craindre une hausse du chômage qui pèserait sur les autochtones les moins qualifiés ou sur les précédentes générations de migrants. On a vu que les réfugiés s’orientent spontanément vers les pays dans lesquels ce risque est limité du fait d’une situation démographique caractérisée par un
Le risque est plutôt celui d’une baisse des salaires des moins qualifiés, qui serait d’autant plus probable (et dommageable) que les pays européens sont déjà engagés dans une compétition par la baisse des coûts. L’existence d’un salaire minimum limite ce risque dans de nombreux pays, mais l’absence de coordination des politiques salariales ne l’écarte pas complètement. L’adoption d’un salaire minimum européen serait une garantie pour une meilleure