Six ans de guerre en Syrie vue de l'intérieur

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Six ans de guerre en Syrie vue de l'intérieur

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Jeune enfant recueillie dans un hôpital de Douma en août 2015, à l'est de Damas, après des attaques aériennes gouvernementales. Les traces de sang sur son petit corps me bouleversent.
Jeune enfant recueillie dans un hôpital de Douma en août 2015, à l'est de Damas, après des attaques aériennes gouvernementales. Les traces de sang sur son petit corps me bouleversent.
© AFP - Abd Doumany

Récit. Grand reporter à Radio France, j'ai été correspondante au Liban de 2010 à 2014. Je couvre la guerre en Syrie depuis ses débuts et continue à m'y rendre régulièrement avec un visa des autorités, seul moyen aujourd’hui de couvrir cette guerre. Voici dix images qui pour moi symbolisent ce conflit.

Plus de 320 000 morts, des millions de réfugiés, autant de déplacés… La guerre en Syrie apparaît sans fin. A la guerre civile qui a éclaté dans la foulée des printemps arabes s’est ajoutée celle que livre Daech, qui a implanté la capitale syrienne de son califat à Raqqa. La situation géostratégique de la Syrie en fait une caisse de résonance pour tous ceux qui se battent au nom d’intérêts contraires : Arabie Saoudite, Qatar et Turquie, qui se sont rangés du côté de l’opposition, Russie et Iran de l’autre, qui se sont alliés au régime de Bachar el Assad. Et au milieu le peuple syrien…

Valérie Crova

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A ECOUTER Syrie, six ans d’enfer (avec la journaliste franco-syrienne Hala Kodmani)

La photo de la petite fille ci-dessus a été prise le 22 août 2015 par Abd Doumany, un photographe indépendant, à Douma. Cette ville de la banlieue de Damas qui a été l’une des premières à se soulever contre le régime. Elle a été régulièrement bombardée par l’armée syrienne qui l’encercle. Ce jour là, cette enfant a eu de la chance : elle a survécu à un bombardement. Son regard perdu qui nous fixe, les traces de sang sur ses petits bras me bouleversent. Elle doit avoir 6 ans, l’âge de la guerre…

© Radio France - Valérie Crova

Je ne me souviens pas où a été prise cette photo de mosquée car il y en a tellement qui ont été détruites... C’est là que les opposants à Bachar el Assad se rassemblaient pour manifester au tout début des événements. La guerre en Syrie est une guerre civile qui a des racines religieuses : les sunnites majoritaires se sont soulevés contre le pouvoir de Bachar el Assad, représentant des alaouites (une minorité qui représente environ 10% de la population), et qui est l’une des branches du chiisme.

A ECOUTER La Syrie : aux origines du malheur (Concordance des temps)

Bachar el Assad omniprésent

© Radio France - Valérie Crova

Ces portraits d'Assad trônent dans tous les quartiers qui ont été repris par l’armée syrienne. On pensait que Bachar el Assad ne tiendrait que quelques semaines après le début de la révolte. 6 ans plus tard, il est toujours au pouvoir grâce au soutien de ses alliés russes et iraniens. Il m’arrive de repenser à cet article de Jean-Louis Le Touzet écrit en 2012 dans Libération et dont le titre était : « Toute une guerre pour un fauteuil ». Comprenez un fauteuil de Président. C’est une citation d’un barbier d’Alep. Les Syriens qui soutiennent le régime vous répondront : « Qui d’autre que Bachar peut le remplacer ? »… En face, les opposants le répètent depuis 6 ans : Bachar el Assad ne peut plus rester : il doit partir.

Des ruines, encore et toujours

© Radio France - Valérie Crova

Rien ne ressemble plus à un immeuble détruit qu’un autre immeuble détruit. Et il y a en beaucoup à Homs, la troisième ville de Syrie. La vieille ville a été en grande partie rasée par les bombardements de l’armée syrienne qui l’a encerclée pendant plus de deux ans pour contraindre les rebelles à se rendre, ce qu’ils ont fini par faire. La stratégie du siège est une technique redoutable. Elle a été utilisée aussi dans la banlieue de Damas et à Alep.

© Radio France

Bab Amr était le quartier emblématique de la Révolution. Depuis qu’il a été repris par l’armée syrienne en mars 2012, Bab Amr est un quartier fantôme. A chaque fois que je vais à Homs, j’y retourne pour voir si des habitants sont revenus s’y installer. A part quelques familles, Bab Amr reste vide. Ses habitants ont tout perdu. Ils sont partis au Liban ou ailleurs, alimentant ces flots de réfugiés que la guerre a jeté sur les routes de l’exode…

Et une vie bâchée

© Radio France - Valérie Crova

On voit beaucoup de bâches dans les quartiers qui ont été le théâtre de combats acharnée entre rebelles et soldats loyalistes. Ces bâches servent à se protéger des tirs des snipers. Pour moi, elles symbolisent la fracture que laissera forcément cette guerre impitoyable parmi la population syrienne.

© Radio France - Valérie Crova

En décembre dernier, j’ai assisté à la reprise d’Alep Est par l’armée régulière syrienne, au terme d’une campagne de bombardements intensifs sur les quartiers tenus par les opposants armés. Reprendre Alep était devenue une priorité pour le régime. Les civils qui vivaient dans la partie Est sont sortis au fur et à mesure que les quartiers étaient repris par l’armée syrienne. « Vous connaissez la mort ? » m’a demandé une femme qui venait de quitter son quartier. « C’était pire que la mort » a-t-elle ajouté, pour décrire les bombardements…

A LIRE ET ECOUTER La bataille d'Alep vue de l'intérieur

© Radio France

A force d’aller en Syrie, je me suis presque habituée à voir ces amas de ferraille, des sacs de sable qui servent de protection aux soldats des deux camps. C’est mon traducteur, Kamal, qui a pris cette photo où j’essaie d’enjamber ce monticule pour passer de l’autre côté de la rue. Nous sommes dans un quartier d’Alep qui a été repris par l’armée régulière aux termes de combats acharnés.

La Russie ne se cache pas

© Radio France - Valérie Crova

Sur cette affiche écrite en russe, on peut lire « Aide de la Russie à la Syrie ».
La Russie soutient le régime de Bachar el Assad depuis 2011. Les liens avec Damas sont très forts depuis l’époque du père de Bachar, Hafez el Assad. Et Moscou a également un intérêt de taille : des bases militaires. Depuis peu une base aérienne à Lattaquié, et une base navale à Tartous, porte d'entrée sur la Méditerranée qui va être élargie et modernisée.

Enfin, il y a Damas, cette singulière capitale

© Radio France - Valérie Crova

Cette photo semble appartenir à un autre monde. Je l’ai prise sur la place des Omeyyades à Damas, l’une des plus célèbres place de la capitale syrienne. Capitale essentiellement pro Bachar. Contrairement aux autres grandes villes de Syrie, Damas intra muros n’a pas beaucoup souffert des combats à l’exception de quelques quartiers où les rebelles ont réussi à s’infiltrer. En revanche, la majorité des Damascènes vit les conséquences de la guerre : inflation, manque d’eau, coupures d’électricité…