David Frum, ancien rédacteur de discours de George W. Bush, vient de publier dans l'Atlantic Monthly un essai dans lequel il avance que Donald Trump pourrait transformer les États-Unis en «autocratie». Vendredi dernier, il a donné une conférence téléphonique où il a répondu à des questions de lecteurs de l'Atlantic et a affiné sa thèse principale : le but de Trump est de devenir l'homme le plus riche du monde.

«Je suis parti du principe qu'il se servirait de la présidence pour devenir l'homme le plus riche du monde», a expliqué vendredi M. Frum. Le portrait qu'il dresse dans son essai de l'Amérique de 2021 est une graduelle érosion de la vie politique. «L'attitude intelligente est d'éviter les discussions politiques, de s'occuper de ses affaires et de profiter d'une période relativement prospère, imagine M. Frum à propos des États-Unis de 2021. Beaucoup de travailleurs illégaux sont encore aux États-Unis, avec la compréhension tacite que tant qu'ils évitent la politique... personne ne cherchera à les expulser.»

Trump et ses proches se sont enrichis, mais la divulgation par WikiLeaks, avant les élections de 2018, des relevés bancaires de politiciens démocrates a rendu les électeurs cyniques. CNN a dû tempérer ses critiques pour que soit approuvée la fusion entre AT&T et Time Warner, et Jeff Bezos, fondateur d'Amazon, a vendu, sous la menace d'une enquête antitrust, le Washington Post à «un investisseur slovaque qui a recentré la couverture sur la politique municipale».

Deux pistes

Le raisonnement de David Frum suit deux pistes. Tout d'abord, d'autres pays démocratiques ont été récemment convertis en autocraties par un politicien populiste : la Hongrie par Viktor Orbán, le Venezuela par Hugo Chávez et l'Afrique du Sud par Jacob Zuma. «Lors d'un récent voyage en Hongrie, j'ai appris des choses, notamment sur la banque centrale, que je n'ai pas pu vérifier à fond, mais qui m'ont donné une idée de la façon que Trump pourrait s'y prendre pour transformer le pays en autocratie», a-t-il expliqué vendredi.

Ensuite, il relève deux dérives récentes aux États-Unis qui ont fragilisé les «freins et contrepoids» (checks and balances) du système politique : la décision de Barack Obama de légaliser par décret le statut de millions d'immigrants illégaux; et un jugement unanime de la Cour suprême l'an dernier qui avait annulé la condamnation pour corruption de Bob McDonnell, un ancien gouverneur de la Virginie, pour avoir accepté des cadeaux d'un fabricant de suppléments alimentaires - ce dernier avait obtenu un rendez-vous avec un haut fonctionnaire responsable d'un programme de subventions de recherche sur ce type de produits.

Pourquoi Trump maintenant?

«La gauche a une population d'activistes beaucoup plus grande que la droite, mais elle manque de cohésion», a expliqué David Frum vendredi dernier. «Prenez la marche des femmes, en janvier : les groupes pro-vie anti-Trump n'ont pas été acceptés. Cela signifie qu'il y a des dangers plus grands que Trump, que le discours féministe voulant qu'il constitue une menace sans précédent est faux : les groupes pro-vie sont pires que Trump.»

Les 50 premiers jours

«L'embellie économique crée un environnement permissif pour Trump», a dit vendredi M. Frum. «S'il cessait d'être aussi actif sur Twitter, il pourrait arriver à un taux de popularité dans la cinquantaine, ce qui, pour moi, sera son maximum.»

Ce qu'on peut faire pour contrer Trump

«Appelez votre sénateur et votre représentant au Congrès, particulièrement si vous vivez dans un État rouge [républicain], pour qu'ils s'assurent que les juges et les procureurs fédéraux sont choisis pour leur indépendance», écrit M. Frum dans son essai. 

Que penser du juge gorsuch à la cour suprême? 

«N'importe quel président républicain aurait choisi Gorsuch, ça ne veut rien dire», a-t-il répondu vendredi dernier. À l'inverse, deux mesures diminueraient la crainte de M. Frum que les États-Unis ne deviennent une autocratie : «Si Trump rend publiques ses déclarations de revenus et s'il ordonne une enquête indépendante sur l'interférence russe durant la dernière campagne présidentielle.»