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TUNISIE

Des acacias pour sauver les terres arides de Tunisie

Des petites mains plantent un arbre, photo publiée par la page Facebook "Acacias for All"
Des petites mains plantent un arbre, photo publiée par la page Facebook "Acacias for All"
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Partie de rien pour couvrir les terres arides tunisiennes d’acacias, Sarah Toumi a aujourd’hui concrétisé son rêve. Depuis 2012, cette franco-tunisienne milite pour un projet à cheval entre écologie et entreprenariat social.

Née à Paris de mère française et de père tunisien, Sarah, 29 ans, était déjà investie dans des projets étudiants sociaux et environnementaux pendant ses années d’études. Encouragée dans cette voie par son père, elle décide d’investir les terres de ses aïeuls, en lançant un projet écologique et agricole, qui vise autant l’enrichissement des terres arides et semi-arides tunisiennes que l’accompagnement des agriculteurs vers leur autonomie.

Des acacias en attente d'être plantés. Toutes les photos viennent de la page Facebook Acacias for All.

"Notre projet n’est pas seulement écologique, il est aussi social et économique !"

L’entreprise "Acacias for all" est l’un des projets que chapeaute mon association "Dream in Tunisia", fondée en 2012. Sous le slogan "un million d’acacias en Tunisie", nous nous fixons pour objectif de planter deux barrières vertes à travers le pays. L’une ira de Tozeur à Mednine [du sud-ouest au sud-est], l’autre de Zaghouan à Siliana [du centre-est vers le centre-ouest], pour ensuite rejoindre, à son tour, le sud.

Ces barrières vertes seront présentes sur les terres agricoles étatiques, grâce à une convention que nous avons signée avec le ministère de l’Agriculture qui permettra ensuite à de jeunes diplômés de lancer leurs projets sur ces terres. Les arbres permettent de stopper la désertification et agissent comme un mur contre l’ensablement. En effet, planter des arbres aide à fixer le sol et à établir un périmètre protégé favorable à la culture. Et en cela, les acacias sont des arbres particulièrement recommandés car ils survivent facilement en milieu aride grâce à un système racinaire développé : leurs racines peuvent aller chercher l’eau en profondeur dans des zones où les nappes phréatiques sont de plus en plus asséchées et ainsi nourrir le sol qui servira pour les autres cultures [les arbres injectent de l’eau dans l’atmosphère par évapotranspiration de leurs feuilles et participent ainsi aux précipitations, NDLR]. Elles protègent aussi les arbres alentour, surtout les oliviers qui sont nombreux dans cette région, car leurs racines qu’on appelle "satellitaires" se développent à tel point qu’elles s’étendent et nourrissent les arbres voisins et participent à la biodiversité.

Un agriculteur qui a rejoint l'aventure "Acacias for all" à Gabès, dans le sud-est de la Tunisie.

Les acacias permettant la biodiversité, des moringas ont été plantés au milieu des oliviers à Bir Salah.

"Mon point de départ : les femmes du village de mon grand-père"

C’est mon père qui m’a soufflé l’idée des acacias. Il était ingénieur et avait beaucoup travaillé au Soudan, où il a eu l’occasion d’observer cette pratique. Il est malheureusement décédé en 2012. À l’époque, je venais tout juste de finir mon master. Je me suis dit alors que c’était l’occasion ou jamais de me lancer dans un tel projet. Débarquant à Tunis, j’ai alors lancé une opération de financement participatif – grâce à laquelle j’ai réuni la somme de 3 000 euros. Je suis ensuite allée voir les femmes de Bir Saleh, le village de mon grand-père [centre-est de la Tunisie, NDLR]. Ces femmes étaient exploitées et vivaient dans des conditions misérables en réparant des chaussures : pour 20 paires réparées, elles ne touchaient que 5 dinars ! [deux euros, NDLR] Je leur ai donc proposé de planter des acacias dont elles pourraient par la suite profiter des fruits et utiliser les branches et les feuilles pour nourrir le bétail. Ce premier succès, qui a pris un an, nous a donné une crédibilité aux yeux des agriculteurs. On a alors commencé à élargir notre collaboration et à proposer des arbres et des formations à un plus grand nombre.

Toutefois, le but ultime de notre entreprise n’est pas juste de planter des arbres. En plus du versant écologique, nous visons la redynamisation du secteur agricole, dans une démarche sociale et économique. Selon les termes d’un contrat, les agriculteurs s’engagent à planter des arbres fruitiers suivant les principes de l’agriculture biologique (pas de pesticides, ni d’engrais chimiques). De notre côté, nous nous engageons à leur acheter leur production à un prix équitable pour ensuite la commercialiser.

Une formation dispensée aux agriculteurs à Jbeniana, dans le centre-est du pays.

"Malheureusement, il faut faire ses preuves à l’étranger pour être estimée ici"

Évidemment, tout cela n’a pas été facile à mettre en place : il a fallu argumenter, convaincre, revenir à la charge, faire ses preuves, notamment dans les démarches administratives. J’avoue que depuis un an, je suis agréablement surprise par l’écoute et la bonne volonté de mes interlocuteurs auprès du ministère de l’Agriculture, car ça n’a pas toujours été le cas. C’est sans doute dû au fait que notre projet a remporté le prix "La France s’engage au Sud" l’année dernière [prix qui récompense les projets innovants ayant une utilité sociale, NDLR]. Malheureusement, comme souvent, il faut faire ses preuves à l’étranger pour être estimée ici.

Parallèlement à la barrière verte des acacias, nous organisons également des opérations pour planter des arbres forestiers dans les grandes villes, afin d’y créer des espaces verts qui restent encore rares aujourd’hui en Tunisie, et ce avec le concours des bénévoles d’associations locales ou avec les écoles.

Des écoliers plantent des arbres à Gammarth, dans la banlieue nord de Tunis.

Sarah reçoit le prix "la France s'engage au Sud" des mains du président français François Hollande :"C'est mon père qui aurait certainement été le plus fier".

Notre ambition ne s’arrête pas là : dans un avenir proche, nous désirons mettre en place une coopérative agricole et lancer des usines qui permettront aux agriculteurs de commercialiser eux-mêmes leurs produits. Pour moi, c’est un travail à double temps entre l’association et l’entreprise, mais je suis plus que jamais optimiste !

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