
Chaque élection présidentielle suit le même rituel : les candidats se déclarent, puis s’engagent dans « la course aux parrainages ». Il leur faut rassembler 500 signatures d’élus, répartis en au moins trente départements ou collectivités d’outre-mer différents.
Plus de 45 000 élus sont habilités à parrainer les candidats, des maires de communes aux députés européens, en passant par les sénateurs et les députés du Parlement français. Cette signature engage les parains : une fois un candidat désigné, impossible de se dédire. Elle constitue donc un bon indicateur des rapports de force qui structurent la politique française.
La France rurale au cœur de toutes les attentions
Pour éviter « les candidatures liées à la défense d’intérêts purement locaux », le Conseil constitutionnel ne comptabilise pas plus de cinquante signatures par département. Cette clause de représentativité explique la relative diversité des territoires représentés. La France rurale devient alors le cœur de la stratégie des candidats à l’occasion de la course aux parrainages.
Les maires des villes de moins de 10 000 habitants représentent plus de 95,6 % des premiers magistrats parrainant les candidats. Une proportion très proche de la part de ces petites villes dans le nombre total de communes en France (97,6 %).
Tous les candidats ne misent cependant pas sur les petites villes. Marine Le Pen et Benoît Hamon ont en proportion moins de parrainages de maires que leurs concurrents. L’une des origines de cette différence peut se situer dans les résultats du Parti socialiste et du Front national (FN) aux élections municipales de 2014. Celles-ci ont été le théâtre de la déroute de la gauche, qui a perdu 151 villes de plus de 10 000 habitants depuis 2008. De son côté, l’extrême droite ne dirige que dix villes en France.
De même, plus de la moitié des soutiens de Marine Le Pen sont des conseillers régionaux. L’un des éléments d’explication de cette surreprésentation peut être le triplement du nombre de conseillers FN (de 118 à 358) à la suite des élections régionales de 2015.
François Fillon et Benoît Hamon, candidats des deux partis de gouvernement historiques, ont des types de soutiens très similaires – les maires mis à part. Les conseillers départementaux, les députés et les sénateurs ont significativement plus de poids au sein de leurs soutiens que pour les autres candidats.
LO et droites extrêmes au coude à coude dans le Nord-Est
Autre réservoir de parrainages pour les candidats : l’arc Nord-Est.
Il constitue le premier réservoir de parrainages pour Marine Le Pen, tous mandats confondus (maires, députés, conseillers départementaux et régionaux, etc.).
Seule Nathalie Arthaud est aussi présente que les candidats des droites extrêmes dans l’axe Nord-Est. Au 14 mars, la candidate de Lutte ouvrière (LO) avait reçu un nombre total de parrainages équivalent à celui de Marine Le Pen (623 contre 618) et comptait davantage de soutien dans le Nord-Est que la présidente du FN (39 % de ses parrainages contre 33 %).
La discipline de parti est de mise, particulièrement au FN
Un parrainage n’équivaut pas à un soutien politique. C’est ce qu’a souligné Marine Le Pen, mardi, sur son site :
« Dans un souci de pluralisme politique, je souhaite apporter au [député des Yvelines] Henri Guaino mon parrainage pour sa candidature. J’avais promis que si cela m’était possible, si je disposais d’un nombre de parrainages suffisants pour pouvoir me présenter, je donnerais ma signature à un autre candidat. »
Cependant, ce « souci de pluralisme politique » ne se reflète que peu au sein des parrainages accordés par les élus FN. Selon les chiffres publiés par le Conseil constitutionnel au 14 mars, avant la prise en compte de la prise de parole de Marine Le Pen, 100 % des élus FN actuels ayant parrainé un candidat ont choisi de parrainer la présidente du FN.
Au sein des partis ayant un candidat officiel à la présidence de la République, les élus choisissent à plus de 70 % ce candidat.
Qui parraine Emmanuel Macron ?
En l’absence d’élus directement issus de son mouvement En marche !, né en avril 2016, le profil partisan et géographique des soutiens d’Emmanuel Macron était encore flou. Au 14 mars, la liste non définitive des élus qui le parrainent était constituée de 30 % de sans étiquette et de 46 % de membres du PS, des Radicaux de gauche (PRG), du Parti communiste (PCF), d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et de divers gauche.
Particulièrement présent dans le Sud-Ouest, le PRG est divisé. S’il a annoncé, mercredi, son soutien à Benoît Hamon par la voix de sa présidente, Sylvia Pinel, 75 % des élus de cette formation qui avaient parrainé un candidat au 14 mars avaient choisi Emmanuel Macron, contre 5,8 % pour le candidat du PS.
Le 23 février, François Bayrou annonçait, lui, son soutien à Emmanuel Macron. Cette consigne a été suivie par la majorité des élus MoDem. Au 14 mars, ils étaient plus de 63 % à l’avoir choisi, devant l’ancien membre du parti centriste, Jean Lassalle.
Les soutiens individuels expliquent également la concentration géographique de certains parrainages, à l’image de Lyon, dont le maire, et sénateur du Rhône, n’est autre que son soutien Gérard Collomb. Le candidat d’En Marche ! arrive premier parmi les parrainages provenant des maires d’arrondissement et des conseillers métropolitains de Lyon (39 %), devant François Fillon (29 %) et Benoît Hamon (19 %).
Autres départements où l’ancien ministre de l’économie arrive également premier dans les parrainages des élus : les Alpes-de-Haute-Provence, où son soutien Christophe Castaner est député PS (avec 42 % des soutiens), ou la Guadeloupe, où son soutien Ary Chalus est président du conseil régional (51 % des soutiens).
Marine Le Pen fait le pari de la Polynésie française
La présidente du FN, qui a sollicité le soutien de Gaston Flosse (cofondateur du RPR et premier président de la Polynésie française autonome) dans une lettre datée du 13 mars, a reçu 33 parrainages d’élus de l’archipel ultramarin. Elle n’en a reçu que 28 du Pas-de-Calais, deuxième département d’origine des élus parrainant Marine le Pen.
La candidate a d’ailleurs publié, en décembre 2016, un programme spécifique pour les territoires d’outre-mer. Elle insiste notamment sur des problématiques chères au parti de Gaston Flosse : le développement de l’autonomie de la Polynésie française et les « moyens nécessaires à la réparation des conséquences de toutes natures [des essais nucléaires], sur les personnes comme sur l’environnement et l’économie du pays ».
Selon l’Agence-France-Presse, ce soutien pourrait apporter plusieurs dizaines de milliers de voix à la candidate : en Polynésie française, les électeurs suivent traditionnellement les consignes de vote des principaux chefs de partis locaux.
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