2017 aura la couleur du diamant pour le théâtre de la Huchette. Cela fait maintenant 60 ans que La Cantatrice chauve et La Leçon d’Eugène Ionesco sont jouées sans interruption sur les planches du petit théâtre, fondé en 1948 par Georges Vitaly. Des noces qu’il convenait de célébrer. « Ça me paraissait amusant de faire quelque chose autour de ces 60 ans, détaille Franck Desmedt, le directeur des lieux. Toute la troupe va vivre autour de cet événement. Avoir une telle troupe de quarante-cinq personnes, c’est rare. Il me semblait intéressant de les faire participer à la fête. »

Après la soirée officielle, qui s’est déroulée le jeudi 16 février, le théâtre va présenter chaque mois un événement autour de Ionesco. Le 4 et 5 mars, ce sera la nuit de l’absurde, avec seize représentations prévues de La Cantatrice chauve et de La Leçon entre 19 heures et 3 heures du matin, suivies par les « insomnies Ionesco » : des extraits d’enregistrement de la pièce dans les années 1960.

Le 3 avril, le collège de pataphysique, « société de recherches savantes et inutiles », viendra présenter ses travaux, tandis que tous les lundis du mois de mai, le théâtre ouvrira ses coulisses et ses malles de costumes au public, pour faire découvrir l’histoire de ce lieu singulier. À l’été, un créateur de mode viendra porter son regard sur les deux spectacles et une projection de représentations filmées en 1965 par Jean Ravel et produites par Marin Karmitz sera organisée à la cinémathèque.

Un spectacle sans âge

Depuis le premier lever de rideau, le 16 février 1957, les deux pièces ont été applaudies par plus de deux millions de spectateurs, au cours de 18 500 représentations. Comme l’annonce la troupe, « nos deux spectacles ont vu passer huit présidents de la république, enduré la guerre d’Algérie puis vécu Mai 68, assisté à la chute du mur de Berlin et à la naissance de l’Euro. 60 ans de frissons, d’ultimatums, de crises, d’applaudissements et de bonheur. » Auréolés d’un record du monde, d’une Médaille Vermeil et d’un Molière d’honneur, ces œuvres avaient pourtant reçu, à leur sortie, un accueil plus que mitigé.

La Cantatrice chauve et La Leçon, des pièces intemporelles ? Franck Desmedt confirme que l’adhésion du public ne s’essouffle pas au fil des années. « Au départ c’était des gens qui aimaient découvrir de nouvelles choses, de nouvelles formes d’expression. Aujourd’hui, c’est aussi devenu une sortie familiale, où les grands-mères amènent leurs petits enfants. »

« On les entend rire tous les soirs »

Les groupes scolaires, qui viennent voir prendre vie des textes qu’ils apprennent sur les bancs de l’école constituent aussi une grosse part du public. « Les scolaires sont fans des textes, se réjouit le directeur, quand ils voient mis en scène ces situations totalement absurdes, comme le couple des Martin qui ne se reconnaît pas, ça marche tout le temps. On les entend rire tous les soirs des bureaux sous la scène. » Sans oublier les touristes, pour qui le théâtre de la Huchette constitue désormais une étape, au même titre que la tour Eiffel.

Malgré une baisse de la fréquentation après les attentats de 2015, le spectacle refuse à nouveau du monde. « On recommence à être plein depuis octobre. »

« Ça marche à tous les coups ! »

Rares sont les œuvres à pouvoir traverser le temps, sans se retrouver dépassés ou incompréhensibles pour le public. Pour Franck Desmedt, les textes de Ionesco font partie de ce cercle fermé. « Au moment où Nicolas Bataille a découvert ces textes, il était heureux. C’était comme si un vent de liberté soufflait sur un théâtre un peu poussiéreux ! C’est rempli de pépites qui fonctionnent merveilleusement, tout le monde continue à en rire. Comme « Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux ! », ça marche à tous les coups ! Ça ne s’est jamais démodé. »

Le rendez-vous est déjà pris pour les 70 ans.