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Le négoce suisse dans le viseur d'un film choc

Au Brésil, les Indiens Xikrin seraient les victimes oubliées de la plus importante mine de fer de la planète, qui appartient au groupe Vale. Le documentaire leur donne la parole.

Le scénario est toujours identique. Il met en scène une mine, quelque part dans le monde, qui crache des gaz toxiques sur les populations locales. Ces dernières s'en plaignent, mais les miniers disent respecter les règles. Une dualité qu'on retrouve sur l'arc lémanique, où l'on voit des négociants vivant dans le luxe, si éloignés de leurs voisins, des manifestants encadrés par la police.

Daniel Schweizer signe un film à charge, qui sortira le 22 mars. Le cinéaste genevois nous emmène au Pérou, en Zambie, au Brésil, à la rencontre de mines de multinationales et de leurs voisins. Deux groupes sont ciblés: le zougois Glencore, poids lourds du négoce et de l'extraction de ressources, et Vale, un autre géant dont le siège international est à Saint-Prex.

Zoom sur les autochtones

Problème: celui qui s'est spécialisé dans les reportages et les immersions – on se souvient notamment de sa trilogie sur les skinheads – se heurte à un mur. Vale n'a pas voulu le recevoir; de son bureau vaudois, on ne voit qu'une façade. Quant à Glencore, son patron s'est montré disponible mais Ivan Glasenberg ne professe que des banalités dans un entretien qui semble ne pas avoir duré. Sur le terrain, même scénario: les mines de Vale sont fermées, celles de Glencore entrouvertes.

Daniel Schweizer se rabat sur les populations locales. En Zambie, les autochtones évoquent la «senta», ce «vent qui empoisonne», à propos des fuites de dioxyde de soufre qui émanent des cheminées qu'on voit en toile de fond. «Le film condamne les activités des sociétés de négoce de manière arbitraire, sans que celles-ci soient ni expliquées ni même présentes dans le film qui ne traite que de l'activité minière», regrette Stéphane Graber, secrétaire général de la STSA, l'association qui représente les négociants en Suisse.

Le débat qu'il engendre se déroulait sur fond de globalisation croissante, d'impunité et d'exploitation gigantesque des énergies de la planète. De la Deuxième Guerre mondiale à aujourd'hui, l'homme aurait consommé plus de matières premières que dans le reste de son histoire.

Le film pointe deux problèmes: le risque réputationnel que ces géants représentent pour la Suisse – où le secteur est très représenté – et leur manque de transparence. Une opacité qui les dessert, estime une parlementaire dans le film, «car on entend seulement le point de vue de la société civile, forcément critique».

Manque de transparence

«Le secteur, conscient de cet appel pour plus de transparence, s'efforce d'y répondre», indique Stéphane Graber. Une étude du Swiss Research Institute on Commodities sur le secteur a d'ailleurs été publiée début mars. Le rôle des négociants – ces rouages clés du commerce mondial – dans le monde? Leur apport en termes d'emplois dans le monde? Des questions à peine effleurées.

Le secteur, fort de 35 000 personnes et 500 sociétés (des géants comme Glencore, Vale, Vitol ou Trafigura, mais surtout des PME), pèse 3,8% du PIB suisse. Plus de 10% du PIB genevois émane de ce commerce de transit de pétrole, café, sucre ou autres grains.

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«Ce film est la chronique d'un scandale annoncé sur la réputation de la Suisse»

Trois questions à Daniel Schweizer.

Qu'est-ce que le documentaire apporte de neuf?

Un débat qui s'inscrit dans l'agenda de l'initiative pour des multinationales plus responsables, sur laquelle les Suisses seront sans doute appelés à voter dans les deux prochaines années. Il donne des cas clairs et présente les nombreuses victimes anonymes de deux multinationales, Glencore et Vale. Ses images, fortes, auront sans doute un grand impact, notamment sur les risques réputationnels que le secteur peut avoir sur la Suisse, qui héberge tant de négociants et miniers sans législation contraignante. Ce film est la chronique d'un scandale annoncé.

Comment a-t-on réagi chez Glencore et Vale?

Cela a été insupportable pour Vale qu'on filme leur mine de Carajas, la plus grande mine de fer au monde, et son impact sur les Amérindiens Xikrin. On a rencontré leurs porte-parole dans un restaurant à Nyon qui, selon les conseils de leur cabinet de communication, ont ensuite refusé de nous recevoir, à Saint-Prex et à Carajas. Du côté de Glencore, tout a été très contrôlé. Ivan Glasenberg était accompagné de ses porte-parole et ses avocats. Sur le terrain, nous avons été encadrés par les représentants du groupe mais nous sommes venus avant pour filmer. Je pense que Glencore a accepté de nous parler car le film aura un impact. Il est traduit dans les trois langues nationales, il sera projeté à l'étranger aussi.

Il y a 500 sociétés de négoce en Suisse. Pourquoi se concentrer uniquement sur deux d'entre elles?

Il s'agit de géants emblématiques. Glencore, négociant et minier, a un chiffre d'affaires deux fois supérieur à celui de Nestlé. Vale, discret, est une des plus importantes sociétés extractives au monde, mais méconnue. Inclure plus de sociétés aurait présenté le risque de diluer les propos.