TRIBUNE. Des psychanalystes prennent position publiquement dans le débat électoral de l’élection présidentielle des 23 avril et 7 mai. C’est un choix qui transcende leurs convictions politiques personnelles, dès lors que la démocratie est menacée. Il est question de la sauvegarde de l’Etat de droit comme du choix d’une société ouverte. Ils appellent donc leurs concitoyens à voter avec eux contre Marine Le Pen.
C’est, en premier lieu, un appel à voter tout court, un appel à ne pas s’abstenir, à ne pas voter blanc, un appel à faire entendre sa voix, et à voter pour un candidat qui ne soit pas Marine Le Pen. Chaque voix qui ne sera pas en sa faveur comptera pour faire barrage à son élection, compte tenu du fonctionnement de ce scrutin.
Ils ne perdent pas de vue les racines historiques du parti de Marine Le Pen, dans la tradition de ce courant contre-révolutionnaire qui naquit jadis de l’hostilité aux Lumières, gloire de la France. Ce courant d’idées a déjà été au pouvoir : ce fut, sous l’Occupation nazie, l’aventure de la collaboration. Qui est tenté par une seconde expérience oublie ou ignore la nature abjecte de la première.
L’ordre symbolique remanié
De fait, l’idéologie lepéniste menace les libertés publiques. Dans le contexte européen et mondial de montée du populisme, l’élection de Marine Le Pen provoquerait une déstabilisation dangereuse de la société française, dont on ne peut calculer les conséquences.
Les psychanalystes y sont d’autant plus sensibles que l’ordre symbolique est en plein remaniement, bouleversant les traditions, les mœurs, les structures fondamentales de la société comme de la famille. Les dispositifs qui permettaient l’intégration, voire l’assimilation des individus dans une société, toute la puissance syncrétique du politique ont volé en éclats.
Le déclin du commun s’accompagne d’une poussée planétaire de ségrégation. La réponse de la psychanalyse est partout et toujours antiségrégative. Elle amène le sujet à prendre ses distances avec les identifications de masse, celles qui poussent toujours les individus à se situer dans un groupe contre un autre : eux et nous.
« La rhétorique de Marine Le Pen, pourtant dédiabolisée, excite la forme sociale la plus pernicieuse de la pulsion de mort »
Or, la rhétorique de Marine Le Pen, si dédiabolisée pourtant, au point que le Front national a été comme normalisé par les médias et la classe politique, flatte et excite constamment, sans relâche, la forme sociale la plus pernicieuse de la pulsion de mort, que l’on pourrait appeler la « pulsion ségrégative ». Elle exacerbe les tendances qui portent à l’affrontement du nous contre eux.
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