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Présidentielle 2017

Présidentielle : Benoît Hamon, le frondeur frondé

Jean-Yves Le Drian, Manuel Valls, Claude Bartolone... Effarés par le programme du candidat socialiste, la gauche de gouvernement et les poids lourds du parti sont prêts à rallier Emmanuel Macron. Qui préfère temporiser.

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Benoît Hamon présentant son projet pour l’Europe, à Paris, le 10 mars.Il rétropédale alors sur le remboursement de la dette, assurant : « Il n’est pas question de ne pas payer. »

Benoît Hamon présentant son projet pour l’Europe, à Paris, le 10 mars.Il rétropédale alors sur le remboursement de la dette, assurant : « Il n’est pas question de ne pas payer. »

Christian Hartmann/reuters

Une fronde à l’envers. A un peu plus d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle, Benoît Hamon subit ce qu’il a fait endurer pendant deux ans à François Hollande. L’opposition de l’intérieur. Sous couvert d’anonymat, un ministre se lâche : « Benoît n’a quasiment aucune chance de l’emporter. Il n’est pas à la hauteur et donne l’impression de préparer un congrès du Parti socialiste plutôt qu’une échéance majeure pour le pays, tacle ce proche de Hollande. Le programme d’Emmanuel Macron manque peut-être de colonne vertébrale, mais c’est ce qu’il y a de mieux sur le marché pour la gauche de gouvernement ! »

Depuis des semaines, la consigne de François Hollande est de « rester groupés ». Pas question de voir les ralliements se succéder dans le désordre jusqu’au 23 avril et de donner l’impression d’un sauve-qui-peut au sommet de l’Etat. « Nous prévoyons que l’écart entre Emmanuel Macron et François Fillon va se resserrer au fil des semaines et que notre ex-collègue aura besoin d’un coup de pouce dans la dernière ligne droite », poursuit le même ministre. Avant d’esquisser un passage groupé début avril de plusieurs poids lourds du gouvernement et de grands élus du PS dans le camp Macron.

Crédibilité régalienne

Certains ont des fourmis dans les jambes. Jean-Yves Le Drian, le populaire ministre de la Défense, a très envie de dévoiler son soutien à Emmanuel Macron. Et lui faire bénéficier du même coup de toute sa crédibilité sur les sujets régaliens. Plusieurs élus du conseil régional de Bretagne, présidé par Jean-Yves Le Drian, ont déjà apporté leur parrainage au leader d’En marche ! A l’image d’Olivier Allain, vice-président du conseil régional en charge des questions agricoles et… conseiller agriculture du candidat.

D’autres ministres se sentent de fortes affinités avec Emmanuel Macron. Marisol Touraine avait milité dès 2012 en coulisses pour l’instauration d’une retraite par points, la réforme proposée aujourd’hui par Emmanuel Macron. La ministre de la Santé est aussi de ceux qui, au PS, voient d’un bon œil l’accord avec François Bayrou. Même Bernard Cazeneuve est gêné aux entournures. Si le Premier ministre s’est rendu au QG de Benoît Hamon le 9 mars devant une nuée de caméras, il n’a répondu à aucune question des journalistes. Pas même à celle sur son soutien au vainqueur de la primaire… Il faut dire que, dès 2014, Bernard Cazeneuve, alors ministre du Budget, s’était pris d’affection pour le jeune secrétaire général adjoint de l’Elysée Emmanuel Macron. Ensemble, ils ont préparé le fameux pacte de responsabilité, qui a réduit la fiscalité des entreprises d’une quarantaine de milliards d’euros et a été tant décrié par la gauche du PS.

Pour nombre de figures du PS, le programme de Benoît Hamon est un véritable repoussoir. A commencer par François Hollande. « A ses yeux, c’est la gauche irresponsable », note un de ses anciens conseillers. « J’ai des divergences de fond avec Benoît Hamon, notamment sur la question de la fin du travail », a déclaré Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, qui se donne jusqu’au 20 mars pour choisir entre le candidat socialiste et le patron d’En marche ! Quant à Manuel Valls, il n’apportera pas son parrainage au candidat socialiste…

Au lendemain de la victoire de Benoît Hamon, les députés de l’aile droite du PS, réunis autour de l’élu de Paris Christophe Caresche, ont brandi un « droit de retrait de la campagne présidentielle ». Beaucoup ne pardonnent pas à l’ancien chef de file des frondeurs ses attaques contre les lois Macron et El Khomri. « Impossible pour moi de répondre à l’appel au rassemblement de celui qui a sapé de l’intérieur le quinquennat de François Hollande », prévenait dès la fin janvier le député du Cantal Alain Calmette.

Dans ce paysage troublé, le ralliement de Bertrand Delanoë a sonné comme le premier signal de basculement de personnalités, issues du centre du PS, dans les rangs d’Emmanuel Macron. Avec un argument qui pourrait faire florès : le vote utile contre Marine Le Pen. « La lutte contre l’extrême droite est le combat prioritaire. Le vote efficace au premier tour, c’est le vote Macron », a soutenu l’ancien maire de Paris le 8 mars. Un raisonnement que d’autres tiennent en privé, comme l’ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

« Que personne ne bouge »

Mais l’auberge d’Emmanuel Macron n’est pas ouverte à tous les déçus du résultat de la primaire socialiste. « Ce serait donner raison à la droite et à l’extrême droite qui veulent lui coller l’étiquette d’héritier de Hollande », pointe le conseiller d’un ministre proche de la ligne Macron. Le staff d’En marche ! a empêché en catastrophe l’initiative de Christophe Caresche d’un appel de 40 députés PS en faveur d’Emmanuel Macron, juste au moment où ce dernier rendait à Bordeaux un hommage appuyé à… Alain Juppé. Ségolène Royal aurait aussi été priée de ne pas assister au meeting de Lyon en février pour ne pas effrayer l’électorat de droite.

« Emmanuel Macron veut bien siphonner les électeurs du PS, mais pas ses hiérarques, rit jaune un dirigeant du Parti socialiste. L’intérêt bien compris de l’Elysée, du PS et de Macron, c’est désormais que personne ne bouge tant qu’il distance François Fillon dans les sondages. Lui conserve son positionnement hors système, et nous, nous évitons l’implosion du parti. » Sans compter qu’entre le premier tour de la présidentielle et les législatives, il restera largement le temps de nouer des accords.

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