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Susam-Sokak

Turquie - Les racines du présent - Le blog d'Etienne Copeaux


Erdoğan poutinisé, le monde erdoğanisé. Une prise de conscience générale?

Publié par Etienne Copeaux sur 19 Mars 2017, 10:48am

Catégories : #La Turquie d'aujourd'hui, #Répression - Justice

« La fâcheuse tendance à fermer les yeux devant des scandales comme la transformation de la Turquie en un État totalitaire, comme l’annexion de la Crimée par Vladimir Poutine, l’espoir que ces dictateurs puissent revenir à la raison, tout cela fait que nous abandonnons peu à peu tous les acquis de nos sociétés pour permettre à des gens comme Trump de faire ce qu’ils ont envie de faire. Voilà « l’erdoganisation » du monde. »

http://eurojournalist.eu/lerdoganisation-du-monde/

« Erdoğanisation, erdoğanization, Erdoğanisierung, erdoğanizzare »... Le mot semble faire son apparition dès 2014 dans la presse et sur le Net. Il sert d'abord à qualifier un durcissement du pouvoir en Turquie, notamment au début de 2016, au moment de la répression contre les universitaires signataires de l'appel pour la paix, et à propos de la fermeture autoritaire du quotidien Radikal. Puis, en été 2016, le mot revient après la tentative de putsch du 15 juillet. La purge massive, la personnalisation du pouvoir, le contrôle de l'économie par les proches du président, tout cela est rassemblé sous le terme d' « erdoganisation » (Pierre Piccinin da Prata, Le Courrier du Maghreb et de l'Orient, n° 31, août 2016). Toujours appliqué à la Turquie, on trouve encore le terme en janvier 2017 dans les commentaires du site algeriepatriotique.com. Mais c'est, semble-t-il, pour qualifier la politique économique et financière turque qu' « erdoğanisation » est le plus employé, notamment sur les sites anglophones.

Plus intéressant est l'emploi du mot à propos de situations politiques extérieures à la Turquie. On le trouve en décembre 2015 dans La Revue Nouvelle (Belgique) à propos du régime de Narendra Modi en Inde, arrivé au pouvoir par les urnes, comme Erdoğan, mais, comme lui, encourageant une politique économique libérale, sacrifiant l'environnement, censurant la vie culturelle au nom des valeurs religieuses « nationales ». En 2016, dans de tels contextes extérieurs à la Turquie, l'emploi du mot s'étend : Sébastien Gricourt, de l'IRIS, l'emploie à propos du président du Kosovo, Hashim Thaçi, puis un titre sur le site du Monde l'utilise pour évoquer la situation d'Israel – inquiétude renouvelée sur le site nouvelobs.com le 6 août 2016 -, et emploie les termes d' « erdoganisation » et d' « orbanisation », enfin une tribune sur sputniknews parle d' « erdoganisation des valeurs européennes ».

A partir de juillet 2016, par le fait du coup d'Etat manqué et de la répression, le terme devient commun pour lancer des invectives politiques, dans des contextes qui n'ont plus rien à voir ni avec la Turquie ni, parfois, avec l'analyse politique sérieuse : un site français royaliste accuse le gouvernement du PS de chercher à erdoganiser la vie politique et intellectuelle française. Et fin février 2017, un éditorial de Libération parlait de « trumpisation du débat public et d'erdoğanisation des projets de la présidente du Front national » (Jonathan Bouchet-Petersen, 28 février 2017).

Ainsi, en quelques mois, Erdoğan a-t-il été associé, successivement, à Vladimir Poutine, Benyamin Néthanyahou, Viktor Orban, Hashim Thaçi, Narendra Modi, et présenté, selon les vues des auteurs, comme l'idéal allégué d'un ministre socialiste ou de Marine Le Pen. La meilleure synthèse est formulée, toujours en février 2017, dans un article non signé du site franco-allemand eurojournalist.eu : « La fâcheuse tendance à fermer les yeux devant des scandales comme la transformation de la Turquie en un État totalitaire, comme l’annexion de la Crimée par Vladimir Poutine, l’espoir que ces dictateurs puissent revenir à la raison, tout cela fait que nous abandonnons peu à peu tous les acquis de nos sociétés pour permettre à des gens comme Trump de faire ce qu’ils ont envie de faire. Voilà « l’erdoğanisation » du monde. »

En quelques mois, « Erdoğan » a cessé d'être un homme pour devenir une qualité, un quali-signe politique, désignant d'abord un autoritarisme en Turquie, puis un raidissement du régime, incluant à la fois censure, répression et libéralisme économique. Puis, le quali-signe a désigné des régimes ou des dirigeants accusés de suivre la voie turque, enfin il devient une invective dans le langage politique. Par « erdoğanisation du monde », on entend maintenant la tendance à l'autoritarisme, le dédain de la démocratie parlementaire et de la liberté d'expression y associée, tendance qui semble s'étendre dans l'Union européenne (Hongrie, Pologne) et au monde (Trump) après avoir pris force en Russie.

Voici peu, on parlait, pour le même courant, de « poutinisation », y compris à propos d'Erdoğan, et dès 2011 sur Slate.fr (Ariane Bonzon, signalant que l'accusation est formulée par le parti kémaliste CHP) et par Sophie Shihab dans Le Monde. J'ai moi-même fait cette comparaison dans mon article « Le droit, instrument de prophylaxie sociale » en 2012. L'idée de poutinisation d'Erdoğan apparaît dans Mediapart en juin 2013 (dans une interview de Levent Yılmaz), dans Le Figaro en août 2014, Télérama en septembre 2014 (interview de la documentariste A.F. Delaistre), en août 2015 dans L'Express, en octobre 2015 dans Libération (Marc Semo), et le 2 novembre 2015, au lendemain des élections législatives, Alain Duhamel titrait ainsi son éditorial sur RTL : « Erdoğan est en voie de poutinisation ». Il y aurait beaucoup d'autres exemples.

Ce qui est frappant, c'est qu'après le parangon « Poutine » apparaît le parangon « Erdoğan » dont on a pendant quelques années évalué l'autoritarisme par comparaison avec le dirigeant russe. Désormais, on évalue tous les éléments de la vague autoritaire mondiale par comparaison avec le « sultan ».

Cela révèle beaucoup de choses à l'égard de la perception de la Turquie à l'étranger. A travers Erdoğan, la Turquie est devenue célèbre, malheureusement pour une triste raison. Le président, dont on annonçait la fin de la carrière politique en 1998, est devenu un point de référence mondial. Non seulement on ne l'aurait pas imaginé voici vingt ans, mais on n'imaginait pas, il y a peu encore, une telle « popularité », au point que, à l'égal de Poutine, « Erdoğan » soit devenu une quasi-insulte, en tout cas le nom d'un régime dont personne ne veut, un repoussoir universel.

Les méfaits d'Erdoğan ont atteint un niveau inouï dans l'histoire de la Turquie contemporaine, si l'on excepte (mais le peut-on ?) le génocide des Arméniens et les grands massacres et déportations de Kurdes opérés par Mustafa Kemal de 1925 à 1938. Non, Erdoğan n'a encore rien fait de semblable... mais c'est une excellente chose que sa politique autoritaire, répressive soit connue et dénoncée, bien au-delà du cercle des spécialistes de la Turquie. C'est une excellente chose qu'Erdoğan soit le nom d'un repoussoir et pour évaluer l'importance et la nouveauté de ce phénomène, il faut revenir un peu en arrière.

De l'histoire de la Turquie, Atatürk est le seul nom bien connu du public. Son image est positive, grâce à une intense et habite propagande, grâce à des mesures qui ont plu à l'Occident, et grâce à la complaisance des journalistes, hommes politiques, savants occidentaux qui ont approuvé sa politique en fermant les yeux sur beaucoup de choses. Son héritage est toujours vénéré, mais en cours de réévaluation en Turquie. En Occident, on en est largement resté aux images pieuses : république, laïcité, modernité.

Que sait le Français moyen sur Inönü, Menderes, Demirel, Ecevit, Erbakan ? Ces noms n'évoquent pas grand chose. Pourtant, depuis que la république de Turquie existe, elle a été répressive, policière, militariste. La violence politique n'a jamais cessé, les massacres sont récurrents, la politique visant ceux qui refusent de se dire « Turcs » (les Kurdes) ou qui ne sont pas musulmans sunnites (les Alévis) – pour ne pas parler des non-musulmans – a toujours été discriminatoire, voire violente. Unique république laïque du monde musulman ? Mais comment une république pourrait-elle être laïque, alors qu'elle est fondée sur l'élimination physique ou l'expulsion de sa population non-musulmane ?

Les Arméniens, depuis les années 1980, ont pu faire entendre leur voix. Depuis cette époque, une large partie du public est consciente du génocide de 1915. Mais qui a entendu parler de l'expulsion des Orthodoxes en 1955 (la nuit du 6-7 septembre 1955 à Istanbul fut une véritable Nuit de Cristal) ? des massacres de dizaines de milliers Kurdes au Dersim en 1938 ? Les événements dramatiques qui se sont enchaînés en Turquie depuis près d'un siècle n'ont jamais eu la faveur des médias, sauf peut-être du Monde Diplomatique ou de revues comme Les Temps modernes ou Esprit, bien épisodiquement. La répression extrême qui a suivi, pendant des années, le coup d'Etat de 1980, n'a guère atteint les oreilles des grands médias, ou brièvement. La guerre menée au Kurdistan, ses méthodes, sa violence, non plus, ou très peu. Non plus que la violence politique avec ses exécutions (y compris de dirigeants comme en 1961), ses assassinats politiques par milliers.

Sauf le nom d'Atatürk, l'histoire du dernier siècle de la Turquie n'est pas connue. De la sorte, il est difficile d'en parler car il faudrait tout expliquer au public : il manque ce qu'on appelle la « pertinence », c'est-à-dire le savoir partagé par le public et qui permet de se comprendre, de se faire comprendre. Le public, et les commentateurs et « analystes » polyvalents des grands médias, en restent aux lieux communs distillés pendant des décennies : pays laïque, république parlementaire, seule démocratie du Proche-Orient. D'où des jugements et des interrogations étonnantes, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016 : la Turquie aurait « peu à peu glissé vers un régime despotique » (site de France-Inter, 5 janvier 2017) ; Erdoğan serait en train d'abandonner la laïcité ; « Le démocrate Erdoğan a viré au despote » (Le Monde, 22 novembre 2016). Dans les quelques jours qui ont suivi le coup du 15 juillet 2016, surtout, on a vu fleurir les déclarations de responsables politiques étrangers exprimant leur crainte pour l'avenir de la démocratie en Turquie.

Mais cette démocratie turque n'a jamais existé, ou seulement de façon formelle, sous le masque du parlementarisme. La violence a toujours été la façon de régler les problèmes essentiels (voir mon article "Démocratie, démocrature, corps nocturne", 25 septembre 2016).

C'est une excellente chose que l'Occident se mette à dénoncer le régime d'Erdoğan : l'Allemagne est de plus en plus critique, l'OTAN s'inquiète, le scepticisme prévaut sur la politique étrangère de la Turquie, notamment en Syrie. Excellente chose que les campagnes de soutien, de plus en plus fréquentes, aux personnalités emprisonnées, aux professions menacées. Malheureusement, elles sont encore limitées, se focalisant ça et là sur une personne (comme Pınar Selek, Aslı Erdoğan) ou un groupe professionnel (avocats, universitaires, journalistes) parce que mises en œuvre essentiellement pour défendre des pairs.

Si « les Turcs » en effet ne sont pas défendus en bloc, maintenant comme autrefois, c'est peut-être parce que la Turquie est perçue, depuis longtemps, comme un Etat peu sympathique, militariste, et, surtout, soutenu par la majorité de sa propre population, comme c'est le cas pour le régime actuel, et comme toujours dans les régimes totalitaires. De fait, il est vrai que la plupart des Turcs ne sont pas, ou ne se sentent pas oppressés par le pouvoir. C'est pourquoi l'on défend des individus ou des groupes professionnels particulièrement menacés.

Mais en se focalisant, de temps à autre, sur une personne, on en oublie beaucoup : s'est-on soucié de l'historienne Büşra Ersanlı lorsqu'elle a été arrêtée ? De la traductrice Ayşe Berktay ? De l'anthropologue Müge Tuzcuoğlu ? Et ce ne sont que des cas récents : qui s'est soucié du sociologue Ismail Beşikçi, emprisonné dix-sept ans pour ses écrits ? De l'avocat Esber Yağmurdereli ?

Et quant aux groupes professionnels, on s'inquiète peu de la condition très dure des travailleurs du bâtiment, des mineurs (sauf quand il y a une catastrophe, et pas pour longtemps), des précaires, des étudiants. Les catégories défendues jusqu'à présent (journalistes, écrivains, avocats) l'ont été parce que leurs pairs, en France et en Europe, sont écoutés. Jamais une grande manifestation ou une pétition importante n'a été lancée pour défendre les opprimés de Turquie, en général : leurs pairs n'ont pas de voix.

Pourtant, quelque chose bouge.

Voici quarante ans, dans les années soixante-dix, alors que la répression des mouvements de gauche et kurdes était très violente, peu de mouvements de mobilisation s'élevaient contre les régimes militaires turcs, alors que l'empathie des jeunes politisés allait vers l'Amérique du sud. Le Paraguay, le Brésil, le Chili, l'Argentine, l'Uruguay, passaient successivement sous régimes militaires soutenus par les Etats-Unis. Le cœur des mouvements de gauche européens battait pour les résistants d'Amérique latine. Légitimement. Mais pourquoi pas pour les jeunes Turcs emprisonnés, torturés, exécutés à la même époque ? Eux aussi manifestaient, luttaient contre l'impérialisme américain, certes au sein de mouvements idéologiquement plutôt rigides. Mais de toute cette période, je ne retiens que peu de choses concernant un soutien aux opprimés de Turquie. Je me souviens d'une affiche émanant, je crois, du Parti Communiste Français et dénonçant la torture, en 1972. Elle est encore dans ma mémoire : c'était une carte de la Turquie dont la façade ouest était un visage de torturé déformé par la douleur. et puis, une exposition sur la répression organisée à la Cité Universitaire de Paris, en 1973, qui a inspiré un beau poème à Jacques Bertin, Morte pour des idées.

La seule catégorie qui a attiré l'attention du public, et c'est heureux, sont « les Kurdes », grâce en particulier à l'ouvrage collectif publié par Gérard Chaliand en 1978. La découverte des Kurdes par le public français et européen a été rapide ensuite.

Mais on ne s'intéressait pas à la Turquie, au « problème turc», qui est à la source du « problème kurde ». Peut-être aussi parce que les Turcs étaient encore peu nombreux en Europe. Les immigrés ne parlaient pas la langue, ils étaient sous la coupe de leurs consulats et de leurs organisations nationalistes. Les réfugiés des coups d'Etat (1971, 1980) vivaient dans un grand isolement. Pendant longtemps, ils n'ont guère pratiqué l'art de la communication. Par exemple, lors d'une immense manifestation de protestation après le massacre de Sivas, en juillet 1993, à Strasbourg, qui rassemblait des protestataires venus de France et d'Allemagne, les organisateurs n'ont pas pensé à expliquer au public, aux badauds, à la presse, ce qui s'était passé : un drame qui pourtant était de nature à attirer la sympathie des Français. Il n'y avait même pas de slogans en français !

Les choses ont profondément changé, quant à la compréhension de la Turquie, à la diffusion des informations, surtout sur le Net, et aux initiatives de mobilisation. Tout d'abord, les Turcs sont bien plus nombreux en Europe, et surtout, une seconde génération née ici a atteint l'âge adulte, est bilingue, maîtrise les codes de communication, est intégrée aux associations et groupements politiques et sait se faire entendre. Dans le sens inverse, de nombreuses jeunes personnes vont compléter leurs études à Istanbul grâce au système Erasmus, observent la violence de la vie politique, et souvent témoignent et, mieux encore, font des travaux universitaires engagés. Ils sont le levain d'une nouvelle génération de chercheurs, très impliqués. Ces jeunes gens diffusent et popularisent, en France, en Allemagne, la production intellectuelle de Turquie, qui n'a rien à envier à la notre.

 

Désormais, à la mi-mars 2017, avec la crise opposant la Turquie aux Pays-Bas, un virage a été pris. J'ai applaudi lorsque les autorités néerlandaises s'en sont pris aux ministres turcs en tournée électorale en Europe et les ont empêchés de s'exprimer sur le territoire des Pays-Bas.

J'avais été scandalisé, en juin 2014, lorsque Erdoğan, alors premier ministre, était venu en tournée électorale en Allemagne, en Autriche, et en France, à Lyon, pour les élections présidentielles. Quel intérêt pouvait avoir le pâle maire de Lyon à accueillir Erdoğan dans sa cité ? Quelles collaborations étaient en vue, entre les deux Etats, entre Lyon et la Turquie ? Après une entrevue avec François Hollande, la venue d'Erdoğan à Lyon était une provocation envers les démocrates de Turquie et de France, les Alévis, les Kurdes, les Arméniens.

En 2017, l'arrogance d'Erdoğan est montée d'un cran. Il a insulté les dirigeants néerlandais, il a insulté l'Europe. Il a ignominieusement accusé les Pays-Bas et l'Europe de « nazisme ». Il ne sait pas de quoi il parle : en Turquie, l'histoire du nazisme n'était pas enseignée à l'époque où il a fait ses études. Les Turcs ne savent pas ou ne veulent pas savoir ce qu'est le nazisme. Erdoğan s'est ridiculisé.

Alors, excellente chose que cette tension entre la Turquie et les Pays-Bas ! Et pourvu que la tension soit contagieuse et s'étende en France ! Car nos dirigeants, en 2014, qui auraient dû agir comme les dirigeants néerlandais l'ont fait en mars 2017, nous ont fait honte !

Excellente chose, les commentateurs, éditorialistes, analystes toutologues des grands médias ouvrent un peu plus les yeux. La Turquie n'a plus la cote, elle n'est plus désignée comme un ami au Proche-Orient, un allié indispensable, qu'il faut maintenir à tout prix dans l'OTAN. Est-ce la fin d'une complaisance maintenant presque séculaire de l'Occident envers la Turquie ?


 

 

Verbatim du discours d'Erdoğan à Lyon, 20 juin 2014

Le prétexte de la tenue du meeting était la célébration du 10e anniversaire de l'Union des Turcs démocrates d'Europe (Avrupalı Türk Demokratlar Birliği). Mais Erdoğan, notamment à la fin de son intervention, évoque ouvertement les élections présidentielles d'août 2014, enjoignant ses compatriotes de voter, en feignant l'impartialité puisque, à ce moment, il n'est pas encore officiellement candidat.

La vidéo du meeting est visible sur le site du parti d'Erdoğan, l'AKP : http://www.akparti.org.tr/site/video/64243/fransada-tarihi-bulusma

Voici des extraits du discours d'Erdoğan. Transcription et traduction: E.C.

« Les événements tragiques de 1915 ont été exploités à des fins de politique intérieure et vous avez été associés à cette exploitation ; que ce soit en France ou dans les autres pays européens, nous dénonçons l'exploitation politique de ces faits. »

« Rien qu'en France nous sommes 600 000 Turcs, et dans toute l’Europe, nous sommes six millions, nous sommes plus nombreux que la population de beaucoup de pays européens ! Que personne ne craigne la Turquie. Au contraire, que chacun sache que l’Europe a besoin de la Turquie, et que ce besoin s'accroitra. L'économie de l'Union européenne a besoin de l'économie, de la jeune et dynamique population turque. Elle a besoin de la Turquie pour lutter contre le racisme, la discrimination, l'antisémitisme, la xénophobie, l'islamophobie. L'Union européenne a besoin de la Turquie pour [résoudre] les problèmes du monde musulman, du Moyen-Orient, de l’Afrique, des Balkans.

« Mes frères ! La Turquie ne sera pas éternellement aux portes de l'Union européenne ; la Turquie n'attendra pas éternellement. Nous avons progressé dans les standards démocratiques, et pour l'économie nous sommes la sixième économie européenne ! Mais il y a plus important : dans notre région, nous défendons vigoureusement le droit et la justice. La Turquie défend les opprimés et condamne la violence. Désormais ce n'est plus la vieille Turquie, la Turquie a beaucoup changé, elle change vite, grâce à une puissante volonté notre patrie grandit sur des bases solides : c'est la nouvelle Turquie qui grandit ! »

« Voici le plus important : le croissant et l'étoile, l'indépendance, nos martyrs, la couleur du drapeau qui est celle du sang des martyrs. »

« Vous êtes 600 000 en France. Mais vous n'avez pas tous la double nationalité. Pourquoi n'êtes-vous pas tous, à 100 %, des citoyens français ? Soyez citoyens français, obtenez ce passeport, qui vous donnera en France les droits politiques ! Et en même temps, ayez chacun au moins trois enfant, au moins ! Ou quatre ou cinq, inchallah ! »

Nous préserverons nos valeurs, épaule contre épaule. Vous êtes les citoyens d'un grand pays mais n'oubliez pas non plus que vous êtes citoyens français, tout en étant fiers de votre culture et surtout de votre foi et de votre religion. Ne permettez pas qu'on oublie cela ! »

« Ici, en France, impliquez-vous dans l'éducation, les arts, le sport, la politique. La France a besoin de citoyens comme vous : droits, intègres, travailleurs. Ne vous laissez pas assimiler, ne permettez pas à vos enfants d'être assimilés, mais soyez intégrés.

[et pour répondre aux Français qui auraient peur de l'islam] : « Ceux qui ont confiance dans leurs propres croyances ne devraient pas avoir peur de la liberté de croyance ; ceux-là n'ont pas peur de la liberté de penser. »

Evidemment, la visite d'Erdoğan a provoqué des protestations, mais pas du côté des officiels. Le Front de Gauche a appelé à un rassemblement pour dénoncer les violations des droits humains en Turquie : « Erdoğan n'est pas le bienvenu en France ». La communauté arménienne, a bien sûr dénoncé cette visite « stupéfiante pour notre communauté. Le discours du Premier ministre turc, nationaliste, xénophobe et teinté d’antisémitisme est contraire aux valeurs de la République » (Michaël Cazarian, président du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF). Visite également condamnée par Mehmet Demirbaş, président du Centre Culturel des Alevi de Lyon (CCA) (Lyon-Capitale, 19 mars 2014).

Manifestants contre la tenue du meeting d'Erdoğan à Lyon, place Carnot, 21 juin 2014 (capture d'écran youtube)

Manifestants contre la tenue du meeting d'Erdoğan à Lyon, place Carnot, 21 juin 2014 (capture d'écran youtube)

Exemples des occurrences du terme « erdoğanisation » ou ses équivalents dans d'autres langues

2014.12.20 http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/12/20/97001-20141220FILWWW00084-erdogan-defend-des-procedures-judiciaires.php

2015.07.10 http://www.khaleejtimes.com/editorials-columns/turkey-foreign-policy-could-get-a-secular-spin

2015.11.12 http://www.revuenouvelle.be/L-hindouisme-politique-au-travail

2016.03.24 http://www.armenews.com/article.php3?id_article=123689

2016.03.30 https://medium.com/@catfiankbok/en-turquie-les-universitaires-pour-la-paix-face-%C3%A0-l-erdoganisation-de-l-acad%C3%A9mie-6500e92371b9#.489wdxwqu

2016.05.04 http://www.iris-france.org/75847-kosovo-un-president-elu-qui-aggrave-la-crise/

2016.05.12 http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/05/12/shmuel-meyer-israel-doit-evacuer-les-territoires-palestiniens-pour-retrouver-son-ame_4918414_3232.html

2016.05.23 http://sptnkne.ws/dEGJ

2016.07.21 http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2016/07/26/au-dela-des-risques-terroristes-5830364.html LAFAUTEAROUSSEAU

2016.07.24 http://techrights.org/2016/07/24/epo-martial-law-and-haar/

2016.07.25 http://nouvelle-chouannerie.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1329:au-dela-des-risques-terroristes&catid=50:2016&Itemid=61

2016.07.27 http://www.lalibre.be/debats/opinions/bruxelles-ankara-meme-combat-57977d6b35705dcbd7081b96

2016.08 http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20160801.OBS5621/israel-la-solitude-du-roi-netanyahou.html

2016.08 http://lecourrierdumaghrebetdelorient.info/editorial/editorial-fr-en-%d8%b9%d8%b1%d8%a8%d9%8a-25/

2016.10.21 http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/apres-le-putsch-rate-du-15-juillet-purge-a-tous-les-etages-en-turquie_1842308.html

2016.11.02 http://en.qantara.de/content/arab-reactions-to-the-coup-aftermath-in-turkey-the-problem-with-role-models

2016.11.07 http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2016/11/turkey-erdogan-took-full-control-of-universities.html Mustafa Akyol

2017.01.08 https://www.algeriepatriotique.com/comment/reply/21116/152976

2017.02.02 http://eurojournalist.eu/lerdoganisation-du-monde/

2017.02.07 http://ameinfo.com/money/economy/turkey-transfers-billions-major-company-stakes-sovereign-wealth-fund

2017.02.28 http://lirelactu.fr/source/liberation/fb12c292-96c7-414b-9e79-2da5228fd1cc

 

Exemples de l'emploi du terme « poutinisation » à propos d'Erdoğan

2011 http://www.slate.fr/story/39375/erdogan-nouvel-ataturk-turquie (Ariane Bonzon)

2011 http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/11/erdogan-l-homme-du-nouvel-ordre-turc_1599162_3232.html (Sophie Shihab)

2012 http://www.susam-sokak.fr/article-le-droit-instrument-de-prophylaxie-sociale-109200847.html#sdfootnote8anc) (E. Copeaux)

2013 https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/030613/levent-yilmaz-lautoritaire-erdogan-en-voie-de-poutinisation?onglet=full (Levent Yılmaz)

2014 http://television.telerama.fr/television/on-peut-parler-de-poutinisation-du-pouvoir-en-turquie,117285.php (A.F. Delaistre)

2014 http://www.lefigaro.fr/international/2014/08/08/01003-20140808ARTFIG00287-erdogan-le-sultan-qui-divise-le-peuple-turc.php

2014 http://www.lefigaro.fr/international/2014/08/08/01003-20140808ARTFIG00287-erdogan-le-sultan-qui-divise-le-peuple-turc.php)

2015 http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/turquie-les-trois-guerres-d-erdogan_1706003.html

2015 http://www.liberation.fr/planete/2015/10/11/recep-tayyip-erdogan-le-pompier-devenu-pyromane_1401983 (Marc Semo)

2015 (http://www.rtl.fr/actu/international/alain-duhamel-en-turquie-erdogan-est-en-voie-de-poutinisation-7780342378) (Alain Duhamel)

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