Syrie, Mexique : les liaisons dangereuses de Lafarge
Lafarge, le géant franco-suisse du ciment, est mis en cause pour ses activités en Syrie et sa participation éventuelle au mur de Donald Trump. Alors que monte la crainte d’un procès ou de sanctions financières, son PDG Eric Olsen doit vite rassurer des actionnaires très remontés.
Ceux qui connaissent Eric Olsen le trouvent changé. A l'aise dans son costume de PDG de LafargeHolcim, mais infiniment plus stressé. Propulsé en 2015 à la tête du numéro un mondial du ciment né de la fusion du français Lafarge et du suisse Holcim, il vient de passer une des pires périodes de sa carrière. Tout a commencé le 2 mars. Ce jour-là, il annonce de bons résultats, la Bourse applaudit. Mais la fête est parasitée par les conclusions d'une enquête interne sur une affaire qui empoisonne le groupe depuis juin 2016. Le journal Le Monde avait révélé que l'usine syrienne de Jalabiya, propriété de Lafarge, a financé des groupes armés en 2013 et 2014 pour continuer à la faire tourner et en assurer la sécurité.
Le conseil d'administration de LafargeHolcim décide alors de lancer une enquête interne et recrute les avocats du pôle investigation et conformité du cabinet américain Baker & McKenzie. Leur mission : vérifier la réalité des faits, établir les responsabilités et faire des recommandations. A Paris, Jean-Michel Darrois, avocat de Lafarge, joue les intermédiaires. Lorsqu'ils reçoivent un pré-rapport qui accable Lafarge quelques jours avant la publication des résultats annuels, les administrateurs sont en ébullition. "Le problème a débordé. Cela n'a jamais été une affaire de gros sous. Mais c'est devenu une affaire d'hommes, de gouvernance et de dommage réputationnel", résume un conseiller.
A l'époque de la révélation des faits, la contribution de l'usine syrienne au chiffre d'affaires de Lafarge est epsilonesque. Mais au fil du temps, le sujet va devenir calamiteux pour l'image du géant de Zurich. Fin septembre, la tension monte d'un cran lorsque Bercy dépose plainte contre le géant du ciment pour violation de l'interdiction d'acheter du pétrole en Syrie édictée par l'Union européenne en 2012. Bis repetita en novembre, avec la plainte de l'ONG Sherpa pour financement de terrorisme et complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Paniqués à l'idée que l'affaire puisse un jour exposer le groupe et sa direction à des sanctions aux Etats-Unis, sur un marché revigoré par les grands travaux de Donald Trump, les administrateurs s'agitent.
La boulette du mur de Trump
Le 1er mars, le conseil à la veille des résultats annuels se transforme en conseil de crise. La réunion dure des heures. Eric Olsen est sommé de s'expliquer. C'est aussi durant cette session que Bruno Lafont, coprésident du groupe, fait savoir qu'il ne briguera pas un nouveau mandat. Sage décision personnelle ou mise à l'écart commode? Sous le sceau de l'anonymat, les langues se délient. "Ils ont décidé qu'il fallait profiter de la séquence des résultats pour communiquer et lisser l'impact", croit savoir une source. "Ils ne pouvaient pas faire autrement. La société est cotée, ils étaient devenus initiés", assure une autre. Le rapport doit aussi servir de pare-feu vis-à-vis des Américains. Le lendemain, le PDG fait son mea culpa. Dans le même temps, un communiqué du groupe reconnaît que "les mesures prises étaient inacceptables" et pointe "des erreurs de jugement significatives en contradiction avec le code de conduite en vigueur."
L'optimisme reste toutefois de mise. Le plan d'investissement à 1.000 milliards de dollars de Trump est une aubaine pour l'industriel franco-suisse. Leader dans la production de ciment aux Etats-Unis, LafargeHolcim est déjà dans les starting-blocks. Le 2 mars, le site d'information suisse Tages Anzeiger dévoile que sa filiale américaine est référencée dans un appel d'offres pour un prototype du mur anti-clandestins . Le projet est l'un des plus controversés du nouveau locataire de la Maison-Blanche. Le PDG assume. Le 9 mars, il se dit prêt à fournir du ciment "pour tous types de projets d'infrastructure aux Etats-Unis", mur compris. "Eric pensait envoyer un message conquérant, il a fait une grosse boulette", souffle un proche. Les remontrances publiques de François Hollande et Jean-Marc Ayrault hystérisent les administrateurs de LafargeHolcim.
Un conseil de milliardaires
La pression est désormais à son comble, les principaux actionnaires du groupe s'en mêlent. Le conseil d'administration du cimentier est hors norme : quatre milliardaires, pesant entre 4 et 7 milliards de dollars, tous classés par Forbes parmi les grandes fortunes mondiales, y sont représentés. "Eric Olsen est en rênes courtes. Ils se mêlent de tout", souligne un observateur. D'autant qu'ensemble, ils contrôlent 25% du capital. Premier actionnaire avec 11,4%, le Suisse Thomas Schmidheiny est une grande figure du capitalisme helvétique qui ne badine pas avec l'éthique. Réunis au sein de GBL (Groupe Bruxelles Lambert), le Belge Albert Frère et le Canadien Paul Desmarais possèdent 9,43% du groupe. "Desmarais est sourcilleux sur le respect des règles internationales et Frère très attaché à sa réputation", souligne un conseiller. L'Egyptien Nassef Sawiris, qui détient toujours 5% des titres depuis la cession de son groupe Orascom à Lafarge en 2007, craint davantage pour sa valorisation.
En attendant le rapport définitif de Baker & McKenzie et un prochain conseil, tous campent en pères la vertu et s'inquiètent de possibles réactions en chaines. "Le fait que le groupe reconnaisse dans son communiqué que les responsables de la filiale syrienne ont remis des fonds à des tiers pour maintenir l'usine en activité ne doit pas évincer la question de la responsabilité de la maison mère en France. Beaucoup de gens s'intéressent à notre plainte aujourd'hui", assure Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux chez Sherpa. Pour l'économiste Edouard Tétreau, les fonds privilégiant les placements socialement responsables présents au capital pourraient voter avec leurs pieds. "Le groupe a moins à redouter un boycott des consommateurs que celui de ses investisseurs institutionnels", dit-il. La peur du risque américain et des sanctions financières infligées à Alstom, BNP Paribas et aux banques suisses est dans toutes les têtes…
Source: JDD papier
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