Partager
Ophtalmo

DMLA : un essai clinique tourne mal, 3 patientes perdent la vue

Trois femmes atteintes de dégénérescence maculaire liée à l'âge sont devenues aveugles après avoir participé à un faux essai clinique. Des spécialistes tirent la sonnette d'alarme contre ce type de dérive.

réagir
Fond d'œil montrant une dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA).

Fond d'œil montrant une dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA).

© Inserm/Korobelnik, Jean-François

C'est une histoire hallucinante que raconte un groupe d'ophtalmologistes américains dans le New England Journal of Medicine paru le 15 mars 2017 : trois patientes atteintes de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ont participé à un essai clinique qui a mal tourné, puisqu'elles en sont ressorties... aveugles. Mettant en jeu un traitement non homologué par les autorités sanitaires, l'étude clinique en question est pourtant répertoriée par le site de l’Institut américain de la santé (NIH)... Par le biais de cette triste histoire, les ophtalmologistes veulent alerter patients, médecins et agences sanitaires des risques de ce type de recherche financée par les patients.

"Les recherches sur les cellules-souches ne sont pas financées par les patients eux-mêmes"

Pensant participer à un essai clinique fiable contre la perte progressive et irréversible de la vision dont elles souffrent, trois patientes américaines âgées de 72, 78 et 88 ans ont chacune versé 5 000 dollars (4 655 euros) à une clinique privée de Floride, "spécialisée dans les traitements aux cellules souches". Mais le protocole suivi pour l'essai illégal s'avère déroutant : il a consisté à prélever par liposuccion de la graisse de l'abdomen de la patiente, de la mélanger à son sang enrichi en plaquettes, puis d'incorporer des enzymes, afin d'obtenir des cellules-souches. Une mixture que les cliniciens ont injecté le même jour dans les yeux des patientes, sans même prendre la peine de tester la sécurité du produit sur un seul œil (comme cela se fait habituellement dans les études ophtalmologiques) !

Dans les 36 heures qui ont suivi l'opération, deux patientes ont été victimes d'hypertension oculaire, hémorragie vitreuse (saignement dans l'humeur vitreuse, le liquide gélatineux qui se trouve dans la cavité centrale de l'œil) et d'un décollement de la rétine. Les trois patientes ont peu à peu perdu la vue, passant d'une perte de vision modérée liée à la DMLA à une cécité totale un an après cet épisode douloureux. Difficile de déterminer avec exactitude la cause d'un tel désastre : le groupe d'ophtalmologistes américains accuse logiquement la mauvaise qualité de la préparation, évoquant une contamination ou une action toxique directe des enzymes sur la rétine et le nerf optique. Mais même si cette thérapie avait été effectuée dans les normes exigées par les autorités sanitaires, il n'y a à l'heure actuelle "aucune preuve qu'elle aurait restauré la vision", déplore dans un communiqué Thomas Albini, professeur d'ophtalmologie de l'Université de Miami (États-Unis) et co-auteur de cette étude. "Les cellules-souches suscitent de grands espoirs et ce types de cliniques attirent des patients désespérés qui pensent qu’une telle thérapie va les guérir", ajoute-t-il, avant de rappeler que les recherches légitimes sur le sujet sont financées par une institution ou une entreprise, et non par les patients eux-mêmes.

Au moins 570 cliniques américaines proposent des soins aux cellules souches illégaux

Problème majeur : ce faux essai clinique est relayé sur le site officiel répertoriant les essais cliniques et mis en place par le National Institute of Health (NIH) américain (qui précise ne pas engager sa responsabilité) ! L'annonce est d'ailleurs toujours présente sur le site, même s'il est précisé que l'essai a été abandonné avant le recrutement de patients... ce qui est, là encore, faux. L'on peut ainsi facilement imaginer le nombre gigantesque d'essais cliniques illégaux potentiellement publiés sur ce site... En juillet 2016, une étude révélait un chiffre édifiant : au moins 570 cliniques américaines proposent des soins aux cellules souches illégaux. "Nul besoin de se rendre au Mexique ou dans les Caraïbes pour bénéficier de ce marché parallèle : cela traduit un changement par rapport au tourisme médical que nous connaissions jusqu'à présent", déclarait à l'époque Paul Knoepfler, spécialiste en cellules souches de l'Université de Californie et co-auteur de l'étude.

Commenter Commenter
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications