Publicité

Les programmes politiques, un outil dépassé

Par Jean Staune (Philosophe des sciences et prospectiviste)

Publié le 21 mars 2017 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Quel que soit le vainqueur de l'élection présidentielle de 2017, une chose est certaine : un événement imprédictible se produira, empêchant l'application de son programme. Ce n'est pas une prédiction, c'est une certitude scientifique.

Il y a vingt-cinq ans, le prix Nobel de chimie Ilya Prigogine, un des fondateurs des théories du chaos et de la complexité, expliquait déjà que plus il y a de variables en interaction dans un système, plus celui-ci devient imprévisible. Notre monde est beaucoup plus volatil et beaucoup plus imprévisible, parce que le nombre de variables en interaction a augmenté de façon exponentielle. Comme le dit un autre spécialiste de la théorie du chaos, Nassim Nicholas Taleb, nous sommes allés du « Médiocristan » à « l'Extrémistan », d'un monde où demain ressemblait à aujourd'hui vers un monde secoué en permanence de mouvements violents.

Dans un tel univers, un programme politique relève tout simplement de l'absurde. D'autant qu'il est devenu une source inépuisable d'espoirs déçus. Cette déception continuelle ne peut que pousser les électeurs vers les extrêmes, après avoir essayé la droite, puis la gauche, puis encore la droite, puis encore la gauche. On en a déjà vu les effets redoutables de la déception au Royaume-Uni puis aux Etats-Unis. On pourrait les voir aussi en France.

Cela ne veut pas dire que le temps du volontarisme est terminé, que les pays et les hommes politiques ne peuvent que se laisser ballotter par les flots de l'actualité comme des bouchons de liège sur la mer. Au contraire, le volontarisme n'est jamais aussi important que dans un monde complexe. Mais cela nécessite une révision profonde de ce qu'est la fonction d'un homme politique.

Publicité

Plus question de concevoir un programme puis d'essayer de l'appliquer. En revanche, il faut avoir des valeurs, remplacer les promesses par des engagements à ne pas dépasser certaines limites. Ensuite, il faut développer la résilience du pays et multiplier les cordes à son arc, c'est-à-dire les projets et les initiatives.

Un candidat malheureux à l'une des primaires était venu me demander de l'aider. Refusant de faire un programme, je lui avais proposé... des étagères. Des étagères pouvant contenir des centaines de projets représentant au total 1 milliard d'euros. La plupart de ces projets auraient certainement échoué, mais des centaines de milliers d'emplois auraient été créés avec les quelques-uns qui auraient réussi, rendant ces investissements bien plus rentables que ceux faits dans le cadre de n'importe quel grand emprunt. C'est la stratégie du capital-risque, recommandée par un des spécialistes de la théorie du chaos, Nassim Taleb, dans « Le Cygne noir ». Les gouvernants devraient appliquer cette stratégie d'urgence. Même s'il n'est pas facile d'envisager de subir 90 % d'échecs pour 10 % de réussites brillantes, c'est pourtant la seule façon de naviguer dans un monde complexe.

Emmanuel Macron serait-il le premier homme politique à avoir clairement compris cela ? Va-t-il savoir l'expliquer aux Français ou va-t-il craquer sous la pression du public de cette présidentielle qui, comme les spectateurs dans un stade de football, scande « Macron, un programme » ? Quand il explique que « le programme politique n'est pas au coeur d'une campagne », ne prend-il pas le risque d'avoir raison trop tôt ?

Jean Staune

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité