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Air France KLM repousse les avances du chinois HNA

HAN souhaitait entrer dans le capital d'Air France-KLM. Une demande rejetée par la direction.

HAN souhaitait entrer dans le capital d'Air France-KLM. Une demande rejetée par la direction. - Stéphane de Sakutin - AFP

Le géant du tourisme, propriétaire entre autres de Hainan Airlines, a approché la direction de la compagnie pour lui proposer une grande alliance, moyennant une participation au capital. Exigence rédhibitoire pour la direction d'Air France KLM.

Air France KLM ne veut pas de Chinois à bord. En tout cas pas du géant HNA. Selon plusieurs sources, le conglomérat chinois a suggéré au groupe français, fin 2016, une grande alliance. Présent dans l’hôtellerie, la restauration et le tourisme, HNA détient aussi Hainan Airlines, un acteur majeur dans le ciel chinois. La compagnie exploite 179 avions

Les deux groupes se connaissent bien puisqu’Air France lui a vendu, l’an passé, 49,9% de sa filiale de restauration aérienne Servair pour 240 millions d’euros. En fin d’année dernière, lors de la finalisation de cette opération, les directions d’HNA et d’Air France ont noué des contacts. Notamment par l’entremise de Gérard Houa, le représentant du conglomérat chinois en France qui siège au conseil d’administration de Pierre & Vacances dont HNA détient 10%.

L’état-major chinois a proposé aux dirigeants d'Air France un large partenariat stratégique à ses homologues. Il souhaitait partager la gestion de leurs flottes d’avions, leurs locations, leurs achats et même leur maintenance. Un effet de taille très fort, qui aurait profité à Air France. En contrepartie, HNA souhaitait prendre une participation minoritaire au capital de la compagnie française pour bénéficier de la valorisation d’un tel accord. Sachant que, dans tous les cas, un actionnaire extra-européen ne peut détenir plus de 49,9% du capital d'une compagnie aérienne de l'UE, sauf à lui faire perdre ses slots, c'est-à-dire ses autorisations lui permettant de desservir tel ou tel pays.

Profiter de la faiblesse d’Air France

"Il y a eu des contacts entre les deux groupes mais aucune discussion, explique un proche du dossier. Air France a tout de suite fermé la porte à HNA". Contactée, la direction du groupe n'a pas souhaité commenter les informations de BFM Business. Ce refus du PDG Jean-Marc Janaillac tient d'abord au fait qu'il n’envisage pas d’accueillir au capital ce groupe chinois. Un bon connaisseur d’Air France souligne l’opacité de HNA. "Personne ne sait vraiment qui les finance derrière la cascade de sociétés écrans basées aux Bermudes" ajoute-t-il.

L’offensive de HNA n’a pas été vue d’un bon œil du côté français. "Ils ont tenté le coup car Air France est en situation de faiblesse" relate un proche du groupe. La société ne vaut que 2,2 milliards d’euros en Bourse. Une goutte d’eau face aux 34 milliards de dollars d’acquisitions réalisées par HNA en 2016. Toutefois, pour ne pas se fâcher avec l’un des leaders chinois de l’aérien, Air France pourrait laisser la porte ouverte à des "complémentarités commerciales", explique un proche de la compagnie. "Mais HNA veut devenir actionnaire pour profiter de la valorisation du cours", ajoute une autre. Dans ce cas, un accord semble peu probable.

Renforcer les liens avec ses deux partenaires chinois

Surtout que le groupe français dispose déjà d’un partenariat commercial avec deux autres compagnies: China Eastern et China Southern. À terme, "il pourrait être approfondi avec la création d’une coentreprise" reconnaît-on dans l’entourage d’Air France. Une option crédible alors que le gouvernement chinois souhaiterait, à terme, rapprocher ces deux compagnies. Air France est prête à renforcer ses alliances avec des investissements capitalistiques mais, là encore, pas directement à son capital.

Sa faible valorisation boursière rend difficile une entrée significative d’un investisseur au capital. Il risquerait alors de peser davantage que les 17,5% de l’État français. Une situation inenvisageable pour le gouvernement. Reste à savoir si des compagnies étrangères de taille comme les chinoises accepteront de voir leur pouvoir cantonné à la gestion de simples coentreprises sans peser au niveau du groupe. Un raisonnement qui tient aussi pour le partenaire Delta qui partage déjà une joint-venture avec Air France KLM. La compagnie française souhaite renforcer ses liens avec son alliée américaine qui a multiplié les prises de participation dans plusieurs compagnies outre-atlantique. Air France devra trouver un subtil équilibre entre des rivaux chinois et américain.

Matthieu Pechberty