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Pollution

Les teneurs en ammoniac dans l’atmosphère en forte hausse

Pour la première fois, un satellite de la Nasa a pu mesurer les teneurs en ammoniac dans l’atmosphère entre 2002 et 2016. Presque partout dans le monde, ce polluant dangereux pour la santé humaine et les milieux aquatiques est en hausse.

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La première carte des émissions mondiales d'ammoniac

La première carte des émissions mondiales d'ammoniac.

Université du Maryland

DÉJECTIONS. Issu principalement de l’épandage d’engrais et des déjections des animaux d’élevage, l’ammoniac est un gaz polluant diffus pratiquement impossible à mesurer par des stations au sol. Aussi, c’est grâce à l’imagerie satellitaire que l’Université du Maryland a pu produire la première carte mondiale des émissions de NH3 et les tendances observées entre 2002 et 2016. Les chercheurs ont bénéficié de la longévité du satellite de la Nasa Aqua lancé le 4 mai 2002 pour des missions de mesures du cycle de l’eau et des teneurs en humidité de l’atmosphère et des sols. Sur les quatre appareils de mesures embarqués, l’un, "Atmospheric Infrared Sounder" (AIRS), travaille dans l’infrarouge. Les chercheurs du Maryland ont eu l’idée de récupérer les données quotidiennes de mesure de l’ammoniac, une utilisation qui n’était pas prévue à l’origine. Comme Aqua –dont la mission ne devait dure que six ans– montre une longévité imprévue, l’étude publiée par Geophysical research letters peut donner une série qui couvre quinze ans !

Des émissions corrélées aux grandes régions agricoles

VIANDE. Sans surprise, les principales régions émettrices d’ammoniac sont celles de l’agriculture intensive et des grands élevages. Dans le Midwest américain, les épandages ont augmenté d’1,5 kilo de nitrate à l’hectare sur la période étudiée pour une hausse annuelle moyenne de 2,6% des émissions d’ammoniac. Mais c’est en Chine et en Inde que les concentrations ont le plus augmenté. En Chine, l’utilisation annuelle d’engrais a augmenté de 17 kilos par an et par hectare provoquant une hausse annuelle de 3,5% des émissions. En Inde, les épandages ont augmenté de 7 kilos par an et par hectare provoquant une hausse des émissions de près de 5%. Dans ces deux pays, les investissements dans l’agriculture pour augmenter les rendements expliquent un usage accru des intrants. En Chine, la sortie de la pauvreté d’une grande partie de la population incite de plus à une consommation accrue de viande, augmentant ainsi les émissions.

Les émissions régionales d'ammoniac et les pics annuels de pollution. En France, l'impact de l'agriculture sur la qualité de l'air est maximum en mars au début du printemps et en début d'été. © Université du Maryland

En Amérique latine et en Afrique, ce n’est pas tant l’agriculture que les incendies qui causent la majeure partie des émissions. Mais ces phénomènes sont épisodiques et difficiles à prendre en compte dans les mesures. Cependant, la hausse de l’usage d’engrais de 4,3 kilos par hectare au Brésil et de 0,71 kilos au Nigéria explique en partie l’augmentation des teneurs.

Les paradoxes de la lutte contre la pollution de l'air

SOUFRE. Selon les régions, les tonnages d’engrais épandus ne provoquent pas partout les mêmes hausses des émissions. Il y a une part d’explication dans les météos locales qui dispersent plus ou moins facilement les molécules. Mais c’est un paradoxe de chimie atmosphérique qui est la clé principale de ces écarts. L’ammoniac est en effet un précurseur de la formation de particules fines inférieures à 2,5 microns (PM2,5). En interaction avec les dioxydes de soufre (SO2) et les oxydes d’azote, l’ammoniac précipite ces aérosols dont les effets délétères sont multiples : atteintes aux systèmes pulmonaires et cardiaques humains, pollution des eaux, perturbation de la formation des pluies, réchauffement climatique. Or, depuis les années 1970, les politiques publiques ont fortement agi pour réduire les émissions de soufre afin de diminuer l’impact des "pluies acides" détruisant arbres et récoltes. Avec moins de SO2 et de NOx à disposition, l’ammoniac s’accumule dans l’atmosphère sans pouvoir retomber au sol grâce au lessivage des pluies.

C’est ce qui explique que l’Europe ne constate pas les résultats attendus de sa politique de réduction de l’utilisation des engrais chimiques. Les "directives nitrates" en vigueur depuis le début des années 1990 visent à réduire les épandages d’intrants. Mais dans le même temps, la lutte contre les pluies acides notamment via les systèmes de dépollution des usines et l’interdiction du charbon soufré, ont fortement réduit les émissions de SO2. L’ammoniac ne peut donc plus réagir avec ces molécules chimiques. Ainsi, en France depuis les années 80, les émissions d’ammoniac stagnent ainsi que le montrent les mesures du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) et ce malgré la baisse récurrente des épandages.

ÉTANCHE. Les chercheurs de l’Université du Maryland plaident pour un renforcement des actions de lutte contre les émissions d’ammoniac. Celles-ci existent mais sont contraignantes pour les agriculteurs, ainsi que le montrent les études de l’Ademe en France. Il s’agit en effet de rendre étanches les bâtiments agricoles et d’élevage, de couvrir les fosses à fumier et à lisier, et enfouir les engrais chimiques et naturels directement après leur épandage en champ. Des mesures efficaces mais coûteuses en temps et en argent pour les agriculteurs. Lesquels devront pourtant s’y plier. En ce début de printemps, traditionnellement, les épisodes de pollution urbaine proviennent en grande partie de l’épandage d’engrais à proximité des grandes villes. Et les agriculteurs doivent désormais éviter d’amender leurs champs quand le temps est trop venteux ou trop chaud.

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