Il y a quelques semaines, c’était une boutique comme tant d’autres dans le quartier de Château-d’Eau, le temple de la beauté africaine à Paris. Salon de manucure au rez-de-chaussée, de coiffure au premier étage. Depuis le 3 février, le lieu s’est transformé en local de lutte. Il y flotte une drôle d’atmosphère, au milieu des effluves de nourriture chinoise, de solvant pour faux ongles et de laque pour cheveux. Les drapeaux de la CGT côtoient les posters publicitaires kitsch, les militants syndicaux croisent clients et employés dans un bazar enfiévré. La nuit, certains dorment sur place, à tour de rôle.
Les occupants ont un point commun : ils sont sans-papiers et n'ont pas été payés depuis début décembre. Telle Lin Mei, une des cinq manucures travaillant à la pose de faux ongles. Cette petite femme brune a 47 ans. Arrivée en France en 2007 de sa province du Jiangxi (sud-est), elle travaille dans la boutique «Supply Beauty» depuis deux ans. En vingt minutes, pour dix euros, elle lime les ongles, et, d'un geste assuré, pose les ajouts. Les relations avec son patron n'ont jamais été faciles. Payée au noir, de la main à la main, Lin Mei touchait, dans les bons mois, 1 500 euros. Parfois, beaucoup moins, 800, 900 euros. «Les filles devaient toujours réclamer, et même payer leur propre matériel, explique Pascale, de l'Union locale CGT du Xe arrondissement. Le gérant encaissait l'argent et leur refilait la moitié en liquide.» Le tout dans des conditions d