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Le Bitcoin sous la menace d’un coup d’Etat

Une version concurrente du Bitcoin -Bitcoin Unlimited- ambitionne de détrôner l’originale et au risque de provoquer le chaos. Un remake possible du scénario qu’avait connu Ethereum.

Par Nessim Aït-Kacimi

Publié le 23 mars 2017 à 12:20

, qui couvait depuis près de 2 ans. Une querelle oppose deux camps sur les modalités d’améliorer le système et réseau Bitcoin pour le rendre plus rapide. Victime de son succès, d’engorgement et de lenteur, le réseau peut aujourd’hui traiter autour de 300.000 transactions par jour. Pas assez suffisant jugent certains pour prétendre devenir la devise électronique de référence de demain et un moyen de paiement qui puisse concurrencer à terme Visa et autres Paypal.

Jugeant que le statu quo et l’inertie ont trop duré, un groupe mené par Roger Ver, « le Jésus du Bitcoin » et quelques autres sociétés de « mining pools » (les sociétés qui valident les transactions et constituent le cœur même du système) comme Antpool, et ViaBTC ont décidé de passer en force et de promouvoir une nouvelle version du Bitcoin, dit Bitcoin Unlimited, qui concurrence la version historique dite Bitcoin Core. Il propose un « Hard fork », une modification irréversible des règles du logiciel qui régit le Bitcoin, afin d’augmenter la puissance du réseau et qu’il traite davantage de transactions. Antpool va accroître ses capacité de « mining » dans les mois à venir.

Pour que ce changement se produise il faut en effet qu’une majorité de « mining pools » se range derrière cette idée : elle doit représenter les trois quarts de la puissance de calcul du réseau, pendant deux semaines, afin de démontrer que c’est bien elle qui fait tourner la machine et peut donc imposer ce nouveau standard de manière légitime. Bitcoin Unlimited a déjà connu deux bugs techniques significatifs cette année, qui ont bien évidemment ravi ses opposants qui y voient la manifestation des risques dont ils avaient averti la communauté.

Vidéo : Tout comprendre au Bitcoin en 3 minutes

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Le précédent Ethereum

Si ce « coup d’Etat » réussit, ce qui est encore loin d’être assuré, deux monnaies, Bitcoin Core (le Bitcoin original) et Bitcoin Unlimited, gérées sur deux « blockchain » (registres où sont consignées les transactions) aux règles différentes, vont s’affronter dans un combat fratricide. Et que la plus populaire gagne. Un scénario qu’avait connu la devise rivale Ethereum scindée en deux à l’été dernier, et qui avait provoqué son effondrement avant qu’elle ne rebondisse. C’est elle qui aujourd’hui profite indirectement des déboires du Bitcoin.

Risque de centralisation du réseau

Ce nouveau système « Unlimited » favoriserait les grandes sociétés de mining, notamment chinoises, et donc la concentration et centralisation de cette activité en un oligopole. Certains y voient même une OPA en sous main de la Chine sur le Bitcoin. Plus généralement, ce conflit illustre l’opposition culturelle entre sociétés de mining et les personnes en charge du développement du réseau Bitcoin, qui apportent toute la matière grise (améliorations...).

Certains estiment que les sociétés de mining ont aujourd’hui trop de poids et d’influence sur les destinée du Bitcoin au détriment des autres acteurs du secteur comme les bourses.... Ces dernières ont apporté leur soutien au projet historique Bitcoin Core, mais elles se disent prêtes à toute éventualité dans le cas où le « coup d’Etat » réussirait. En clair, elles vont coter les deux devises frères ennemis, et faire en sorte que les clients ne soient pas pénalisés. Aujourd’hui, Bitcoin Unlimited vaut moins que sa version originale, autour du tiers de sa valeur, mais le rapport de force pourrait vite changer.

Impact sur la crédibilité et confiance

Déchirée, la communauté des utilisateurs de Bitcoin se désolait de l’impact possible de cette querelle sur la confiance et crédibilité de cette nouvelle devise. Elle y voit des affrontements d’égos préjudiciables au développement de la devise. Le cours du Bitcoin, au-dessus des 1.000 dollars, a jusqu’ici plutôt bien résisté à ce risque de coup d’Etat mais sa volatilité a augmenté.

Le Bitcoin joue peu dans les fuites de capitaux hors de Chine

Le Bitcoin est loin d’être le moyen le plus courant pour sortir son argent de Chine. En 2016, 2 milliards de dollars sont sortis du pays par le biais de cette devise d’après l’analyse réalisée par Chainalysis pour le compte du « Wall Street journal ». Or les sorties nettes totales de capitaux de Chine ont été 725 milliards de dollars l’année passée selon l’Institut of International Finance. Le Bitcoin représente ainsi à peine 0,2% des sorties de capitaux de Chine. Pour les grands groupes chinois, cette devise est encore trop peu développée pour faire sortir des sommes importantes du pays. C’est davantage le cas pour les particuliers. En outre, les autorités chinoises sont en train de durcir les règles pour les bourses chinoises (fourniture d’informations sur leurs clients...). En 2016, 1 milliard de dollar est parti de Chine vers les Etats-Unis, 633 millions de dollars vers d’autres bourses du bitcoin (Japon...), et 80 millions de dollars ont atterri dans la zone euro. 1,9 milliard de dollars a été ré-investis en Chine, soit autant que les sorties du pays. La Chine a aussi attiré 1 milliard de dollar de Bitcoin en provenance des Etats-Unis et 500 millions des autres bourses. Les flux financiers les plus importants qui alimentent le « web de l’ombre » (supermarchés en ligne des drogues, armes, faux documents...) viennent des Etats-Unis (155 millions de dollars en 2016).

Etats-Unis, Chine, qui mène la danse des cours ?

Les bourses chinoises qui avaient représenté la majorité des transactions financières mondiales en 2016, ont vu leur part de marché nettement diminuer depuis à 15%. Les autorités ont durci le ton (gel des retraits, limitation des pratiques spéculatives...), ce qui a fait chuter fortement les volumes. Avant l’envolée des transactions sur les marchés chinois, ce sont les bourses américaines qui menaient la danse : le marché directeur (qui donne le ton et la direction aux autres pour l’évolution des cours) était aux Etats-Unis. Mais sur la période qui va de mai 2015 à septembre 2016 (1) , ce sont les bourses chinoises qui étaient leaders en termes d’évolution des cours et du fait de l’envolée des volumes en Chine. En revanche, pour la volatilité c’était l’inverse : le mouvement de contagion de la volatilité allait des Etats-Unis vers la Chine. Le bitcoin ne constitue pas une véritable « devise refuge » (qui monte systématiquement quand les incertitudes et volatilité sur les marchés augmentent) que ce soit à court et long terme. Il connaît d’ailleurs régulièrement des corrections journalières importantes (10 % à 20 % de baisse), en moyenne toutes les 20 séances. Une volatilité élevée qui ne cadre pas avec un statut de devise refuge. En revanche, sa corrélation avec Wall street n’a cessé de baisser au cours du temps de telle sorte que le bitcoin a tendance à évoluer à l’inverse des cours des actions américaines. Le bitcoin est donc davantage un instrument de couverture, notamment pour un investisseur américain, qu’un actif refuge. (1)“Bitcoin in China : price discovery and volatility transmission” , Qu Chengyuan(2) “Are Trump and Bitcoin good partners”, Jamal Bouoiyour, Refk Selm, arxiv.org

Nessim Aït-Kacimi

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