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Madagascar : le secret de beauté d'Yves Rocher

Surnommé « Guérit-vite », Sigesbeckia orientalis est récolté d’avril à juin dans la région de Moramanga, à l’est de Tananarive .
Surnommé « Guérit-vite », Sigesbeckia orientalis est récolté d’avril à juin dans la région de Moramanga, à l’est de Tananarive . © RIJASOLO/RIVA PRESS
Anne-Cécile Beaudoin

Connues pour leurs vertus médicinales, les plantes malgaches figurent parmi les ingrédients stars des soins de la marque. Voyage sur la Grande Ile au cœoeur de ses filières végétales, dans le respect de la biodiversité et des hommes.

our s’endormir le soir, Xavier Ormancey, le directeur de la recherche et du développement d’Yves Rocher, ne compte pas les moutons mais les pays qu’il a traversés : le Mexique, la Chine, le Vietnam, le Bhoutan, l’Inde, le Brésil… Son esprit s’attarde sur les bords du fleuve Jordão, dans l’Etat de l’Acre, lové entre le Pérou et la Bolivie. Là-bas, il avait participé à une mission digne d’« Indiana Jones », s’était initié au chamanisme avec les Indiens Kaxinawa afin de percer les secrets de la forêt – pharmacopée à ciel ouvert – et de réaliser une encyclopédie botanique. Cette nuit, ses rêves débutent au seuil de Madagascar. Une aube pâle éclaire la canopée. Le long des sentiers, les feuillages bruissent. Il salue les lémuriens au ventre roux, puis s’enfonce dans les entrailles du monde végétal. (Lire aussi : Pour l'amour des enfants de Madagascar )

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La région de Moramanga, à l’est de Tananarive.
La région de Moramanga, à l’est de Tananarive. © Nanouh Rahajason

Fondu d’or vert, Xavier parcourt le globe en quête de nouvelles matières premières et pilote une équipe pluridisciplinaire de 150 chercheurs. Ce scientifique est comme les plantes : il s’épanouit loin du cadre aseptisé des laboratoires. Sa passion est née quand il était gamin, à Ormancey, son village natal niché entre la Bourgogne et la Champagne. Son grand-père, garde champêtre, avait réalisé avec l’instituteur le premier herbier de la région. Xavier avait aussi une grand-tante un peu sorcière qui glanait des herbes pour soigner les villageois. « Plus tard, j’ai voulu comprendre les pouvoirs des plantes », se souvient-il. Diplômé de l’Ecole nationale supérieure de chimie de Montpellier, cet ingénieur baroudeur exerce chez L’Oréal, Chanel et enfin Yves Rocher depuis 2011. Pionnière de la beauté par les plantes, la marque lui va comme un gant. Elle fait rimer soin avec souci de l’environnement. Le monde est devenu son jardin. Depuis son arrivée, Xavier a mis en place le programme des « VIP » (« Very Importantes Plantes ») afin de lister tous les végétaux aux propriétés prometteuses. Il explique : « Notre expertise est basée sur le génie du végétal. Il s’agit de décrire les capacités exceptionnelles des plantes. En effet, chacune possède son génie : celui de la vie, de l’architecture, de l’adaptation, de la séduction, de la conquête et de la communication. L’idée est donc de comprendre comment ce génie fonctionne pour transposer ses principes à la peau. » (Lire aussi : Jacques Rocher - "Nous avons mis 7 ans pour planter 50 millions d'arbres" )

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La récolte de l'Aphloïa est assurée à 80 % par des femmes
La récolte de l'Aphloïa est assurée à 80 % par des femmes © Nanouh Rahajason

Parmi les 250 filières végétales d’Yves Rocher à travers la planète, Madagascar est une pépite. Dotée d’une fantastique biodiversité (85 % des espèces animales et végétales n’existent nulle part ailleurs), la Grande Ile regorge de plantes magiques. On compte 14 000 espèces, dont 6 500 ont un usage médicinal. Il faut avoir l’œil pour ramasser un trésor. Près du village de Morarano, à l’est de l’île, des hommes sont penchés sur les rizières, tandis que les femmes cueillent des fleurs discrètes et délicates, aux faux airs de minuscules nénuphars, qui somnolent au milieu des herbes folles. Il s’agit de Centella asiatica. Bouillie et infusée, cette plante est utilisée depuis le XIXe siècle pour soulager des méfaits de la lèpre. Elle abonde en asiaticoside et en madécassoside, des molécules aux pouvoirs raffermissants. « Nous en avons fait l’ingrédient star de notre gamme minceur », dit Xavier Ormancey. La plupart du temps, les chercheurs mettent la main sur une plante aux vertus connues des populations locales. C’est le cas de Sigesbeckia orientalis. Originaire des Indes, il s’épanouit sur le bord des chemins ou sur les terrains riches en humus, disperse ses graines aussi bien à Madagascar qu’en Australie et en Polynésie. En malgache, son nom signifie « Je veux encore être blessé pour en profiter » ; en créole, on le surnomme « Guérit-vite ».

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Des règles d’APA – Accès et partage des avantages – ont été mises en place avec les communautés

Cette plante possède en effet des propriétés singulières. Feuilles, tiges, fleurs sont utilisées traditionnellement pour traiter les maladies de peau : eczéma, acné, gale… Les Malgaches s’en servent aussi pour soulager les brûlures et les plaies. Il faut mâcher quelques feuilles, puis les appliquer comme un cataplasme pour calmer la douleur et activer la cicatrisation. « C’est le génie de la vie, décrypte Xavier Ormancey. La gomme-résine que contient le Sigesbeckia est riche en terpène et en molécules de la famille des polyphénols, ce qui lui confère des pouvoirs apaisants et cicatrisants. Cette plante synthétise ses principes actifs pour les envoyer à ses feuilles lorsqu’elle est soumise à des stress externes. » Ainsi Sigesbeckia orientalis est-il entré dans les grimoires d’Yves Rocher pour ses vertus apaisantes et réparatrices. « Nous l’avons intégré à notre gamme Sensitive végétal, à destination des peaux ultrasensibles qui souffrent de rougeurs, de tiraillements et d’échauffements. »

Cueillette de l'Aphloïa avec Xavier Ormancey
Cueillette de l'Aphloïa avec Xavier Ormancey, directeur Recherche et Innovation Yves Rocher (au centre), et Bris Rocher, P-DG du Groupe Rocher. © RIJASOLO/RIVA PRESS

L’Aphloïa aussi est champion de self-défense. Cet arbuste prolifère sur les hautes terres ocre et vertes de Madagascar. Dans la région de Moramanga, à l’est de la capitale Tananarive, les femmes coupent ses feuilles avec délicatesse, uniquement d’octobre à avril, pendant la saison des pluies, pour faciliter son renouvellement. La partie la plus exposée au soleil est celle qui contient le plus de mangiférine. Synthétisée par l’Aphloïa en cas d’agressions extérieures, cette supermolécule agit comme une stratégie de défense pour absorber les rayons ultraviolets. Tous les voyageurs devraient avoir une poignée de ses feuilles au fond de leur sac. Utilisées en infusion, elles ont des vertus dépuratives, diurétiques, fébrifuges et antirhumatismales. Cuites, elles soignent les foulures et les luxations. L’ Aphloïa bénéficie aussi d’une belle capacité de réparation : il fait peau neuve régulièrement en se séparant de son ancienne écorce, ce qui lui vaut le surnom de « Change-écorce ». Remède de santé, l’Aphloïa vient d’entrer en cosmétique. « Il nous a fallu plusieurs années de recherche pour obtenir un concentré très riche en mangiférine, révèle Xavier. Le résultat est un sérum anti-âge léger et fluide qui agit comme un puissant défenseur cellulaire. » Baptisé Elixir Jeunesse, c’est le dernier bébé de la marque.

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Un village de cueilleurs, à 100 kilomètres de Tananarive
Un village de cueilleurs, à 100 kilomètres de Tananarive, où les plantes seront mises à sécher. © RIJASOLO / RIVA PRESS

Monsieur Yves Rocher lui-même l’avait prédit : « C’est un fait. Plus la science avance, plus elle donne raison à la nature. » Mais, pour satisfaire 30 millions de clientes dans le monde, pas question de piller la planète ! Afin d’encadrer l’utilisation des végétaux dans ses formules, la marque a mis au point une « charte plante » très stricte au chevet de la biodiversité. On y découvre, par exemple, qu’aucune plante ne peut être utilisée si son avenir ou son environnement est menacé. Interdit aussi de toucher aux espèces protégées. « La clé de la préservation, c’est d’être entouré de gens passionnés, confie Bris Rocher, petit-fils du fondateur et P-DG du Groupe Rocher. Nos experts – botanistes, récoltants… – opèrent avec leur cœur. Vous pouvez avoir autant de chartes que vous voulez ; sans passion, ça ne fonctionne pas. » Les collecteurs veillent donc au grain et les cueilleurs sont formés au prélèvement durable. On ne récolte qu’un tiers des feuilles d’un Aphloïa, par exemple. Idem pour Centella, jamais arraché : afin de préserver ses racines, seules ses feuilles sont coupées du bout des doigts.

S’engager durablement, c’est aussi respecter les hommes. Des règles d’APA – Accès et partage des avantages – ont été mises en place avec les communautés. Séchées au soleil dans les villages des cueilleurs, les plantes sont acheminées à Tananarive chez Sotramex, le partenaire malgache d’Yves Rocher qui contrôle la qualité et conditionne les plantes pour l’expédition vers la France. « Nous participons au financement d’équipements industriels afin que notre partenaire puisse désormais transformer sur place les plantes en extraits », poursuit Xavier Ormancey. Objectifs : augmenter la valeur responsable créée à Madagascar, œuvrer davantage pour l’environnement et les populations locales. Car, malgré l’opulence de la Grande Ile, riche d’or, de pétrole et d’uranium, ses habitants continuent de s’enliser dans la misère. La cueillette et la collecte des plantes sont pour eux un appoint précieux. Protéger, valoriser, partager : c’est par la richesse du cœur qu’Yves Rocher souhaite offrir le meilleur de la beauté.

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