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Nicolas Hulot : « La solidarité est peut-être le premier parti de France »

Les associations lancent une campagne, jusqu’au 21 avril, pour inciter les candidats à la présidentielle à s’engager dans la lutte contre les inégalités.

Propos recueillis par  et

Publié le 23 mars 2017 à 09h55, modifié le 23 mars 2017 à 18h23

Temps de Lecture 4 min.

Les associations lancent une campagne, jusqu’au 21 avril, pour inciter les candidats à la présidentielle à s’engager dans la lutte contre les inégalités.

Quatre-vingts associations, dont la Fondation Nicolas-Hulot (FNH), lancent une campagne pour inciter les candidats à ériger la lutte contre les inégalités comme l’une de leurs priorités. Le militant écologiste a rencontré les favoris de l’élection présidentielle, à l’exception de Marine Le Pen, pour leur soumettre des propositions.

Quel est le sens de cette initiative ?

Cet « appel des solidarités », du 23 mars au 21 avril, peut être une inspiration, et une respiration, salutaire dans la campagne électorale. Nous pesons chacun dans nos domaines, mais nous ne représentons pas une force collective. On a besoin de se compter pour montrer que la solidarité est peut-être le premier parti de France. Mis bout à bout, ces réseaux dépassent les 10 à 12 millions de personnes. Tous les ans au minimum, cet archipel des solidarités se réunira et évaluera les politiques publiques et l’état des inégalités. Si effectivement nous faisons masse, ce que j’espère, le prochain gouvernement aura à cœur de tenir compte de nos propositions.

Comment imposer ce rapport de force ?

L’action humanitaire ne doit plus être le paravent de l’indifférence ou de l’inaction politique. Dans notre monde connecté, on ajoute de l’exclusion à l’exclusion et on produit de l’humiliation, qui explique les formes d’intégrisme et d’exaspération qui se développent. On ne peut plus s’accommoder, par exemple, que des centaines de milliers d’enfants meurent de maladies que l’on sait guérir, simplement parce qu’ils ne sont pas nés au bon endroit. Cette situation ne peut perdurer puisque nous avons ouvert en grand le livre du monde. Par notre mouvement, nous voulons rappeler cette injonction de solidarité.

Ce message est-il audible alors que les affaires polluent la campagne présidentielle ?

Notre campagne est justement un appel d’air dans un climat pollué par les affaires, les préjugés et autres idées reçues qui risquent de nous emmener dans l’impasse du repli sur soi.

Le repli sur soi serait par conséquent la pire des solutions ?

Cette tentation est contraire au sens de l’Histoire. Si nous y cédons, l’issue sera chaotique. On sent bien déjà que nous arrivons à un point de rupture. Nous sommes obligés de préférer la main tendue aux bras croisés, de construire des passerelles plutôt que des murs, de passer d’un modèle économique de compétition à un modèle de coopération. Chacun le sent intimement, on danse sur un volcan en feu. Se replier sur soi, c’est la réaction de l’animal qui se réfugie dans son terrier. Nous qui sommes censés être les animaux les plus évolués, nous ne devons pas céder à cet instinct primaire.

Parmi les 500 propositions portées par cet appel, y en a-t-il une qui vous tient plus à cœur ?

La fiscalité. C’est ce qui permet de structurer les modes de production et de consommation et d’accompagner leurs mutations. La révision de la fiscalité repose sur deux grands principes : d’une part soulager la fiscalité du travail pour libérer de l’emploi, d’autre part pénaliser les activités responsables de forts impacts environnementaux et taxer les revenus issus du capital, de rente, etc.

Quel regard portez-vous sur la campagne en cours ?

Force est de reconnaître que chez Jean-Luc Mélenchon – et ce n’est en aucun cas un soutien –, chez Benoît Hamon plus récemment, et même chez Emmanuel Macron, il y a un certain nombre de propositions qui ne sont pas inintéressantes. Et on assiste mine de rien à un renouvellement : Hamon est nouveau, Macron est nouveau, même si la nouveauté n’est pas forcément une garantie de fiabilité. Une recomposition est en cours, certains schémas vont voler en éclats. L’écologie va renaître quelque part, même si je ne sais pas sous quelle forme.

M. Macron a déclaré devant les chasseurs qu’il était favorable à la réouverture des chasses présidentielles…

Cela a été l’objet de mon premier SMS cinglant. C’est pour moi révélateur d’un état d’esprit. Qu’ont représenté ces chasses présidentielles si ce n’est un privilège entre chefs d’Etat ? Comme si M. Macron avait besoin d’aller flatter les chasseurs au moment où il est crucial de redonner des droits à la nature. Dans ce cas, il faut qu’il aille voir aussi les cueilleurs de champignons, les pêcheurs à la mouche, les chasseurs de papillons ! Il ne faut pas juste additionner quelques mesures mais respecter une cohérence et des principes éthiques, philosophiques, humanistes.

François Fillon, lui, apparaît particulièrement silencieux sur ces sujets…

Je m’étonne que lui qui assume sa foi religieuse n’ait pas été interpellé par l’encyclique du pape sur l’écologie. Le modèle productiviste a longtemps dominé les débats mais à gauche, au moins, on sent que les positions ont évolué. Depuis 2012, la France a sa loi sur la transition énergétique, et François Hollande, avec son entêtement sur la conférence climat (COP21), a permis de franchir un pas important fin 2015.

Votre message est-il aussi d’inciter les électeurs à se rendre aux urnes ?

Oui, il faut aller voter. L’abstention profitera en premier au Front national. Il n’y a jamais de candidat parfait mais la démocratie permet de voter pour une vision, une exigence, et de se déterminer sur des critères humanistes.

L’extrême droite peut-elle accéder au pouvoir en mai ?

Il y a des pays européens qui se sont réveillés un matin avec des extrémistes au pouvoir alors que la veille, ils n’y pensaient pas encore. On sent bien qu’il y a un relâchement moral et une déculpabilisation d’adhérer à ces thèses. Nous devons être les garde-fous de cette tentation. Je ne jette pas la pierre à ces électeurs, mais je leur dis que ce vote ne réglera rien.

Comment expliquez-vous qu’en Autriche ou aux Pays-Bas, des candidats écologistes aient émergé face à l’extrême droite ?

Dans ces deux pays, les écologistes sont apparus comme une alternative. En France, les écologistes n’ont pas réussi, sans parodier Benoît Hamon, à dessiner un futur désirable. Leur difficulté à convaincre ceux auxquels ils s’adressent est leur principale faiblesse. Si l’on veut faire évoluer l’agriculture, il ne faut pas commencer par mettre tous les agriculteurs dans le même panier. En même temps, si on avait écouté davantage les écologistes, nous serions aujourd’hui dans une situation moins critique.

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