Son nom figure à la 279e position sur la liste des 315 personnes arrêtées entre le 3 et le 24 mars en Biélorussie que diffuse l’association locale Viasna. Ales Lavinets, opposant de longue date au régime autoritaire d’Alexandre Loukachenko, connaissait les risques qu’il encourait à descendre dans la rue pour protester contre la politique des autorités. Sans doute n’a-t-il pas été surpris en voyant surgir les hommes du KGB qui l’ont emmené ainsi qu’un de ses enfants dans un centre de détention.

C’était le 23 mars. Son fils a été libéré dans la journée. Ales Lavinets, lui, n’a pas encore été condamné pour « jurons en un lieu public ». Victime d’une fracture du nez et d’un traumatisme crânien lors de son incarcération, il a dû être hospitalisé au beau milieu de son procès. Quand il retournera devant les juges, sans doute écopera-t-il d’une dizaine de jours de détention, le tarif habituel pour les personnes interpellées en marge des manifestations organisées dans plusieurs villes de Biélorussie depuis la mi-février.

« Troubles massifs »

Sur fond de crise économique, le mouvement rassemble des milliers de personnes qui exigent pour certains la démission d’Alexandre Loukachenko et dénoncent pour d’autres une taxe controversée visant les citoyens qui travaillent moins de six mois par an. Après avoir laissé faire, le gouvernement a multiplié les peines pour « désobéissance à un ordre légitime d’un fonctionnaire qui exerce ses fonctions officielles » ou « conduite désordonnée ».

Mais les opposants redoutent que les dernières interpellations soient punies plus sévèrement en tombant sous le chef d’accusation de trouble à l’ordre public, dont les peines varient de 3 à 8 ans de prison. Au moins 17 personnes sont accusées d’avoir voulu provoquer des « troubles massifs » lors des prochaines manifestations antigouvernementales prévues samedi 25 mars dans le pays.

« Lutte antiterroriste »

Ces interpellations ont visé tant des opposants comme Zmiter Dachkevitch, l’un des chefs de l’organisation Jeune Front, libéré en 2013 après deux ans et demi de détention, que des membres des forces de sécurité ou d’anciens militaires. « Nous sommes en mesure aujourd’hui de préserver la paix et le calme dans notre pays, et nous n’avons peur de personne », a déclaré l’inamovible dirigeant Alexandre Loukachenko, assurant que les arrestations s’inscrivent dans le cadre de la « lutte antiterroriste ».

« Alexandre Loukachenko semble avoir pris peur face aux mobilisations sociales qui trouvent écho auprès de larges segments de la population et qui remettent en cause son pouvoir personnel, observe la politologue Ioulia Shukan. Du coup, les autorités usent de leurs méthodes policières habituelles à la veille de la manifestation du 25 mars : interpellations d’opposants, préventives ou sur la base de fausses accusations, intimidations dans les universités et les entreprises pour dissuader toute velléité de participer à la marche. »