Le Brexit pourrait coûter 60 milliards d’euros aux Britanniques

Le commissaire Günter Oettinger souhaite éviter des coupes budgétaires dans le budget de la recherche après le Brexit. [European Parliament]

À quelques jours du déclenchement de l’article 50, le commissaire européen au budget, Günter Oettinger, reconnaît que la facture annoncée de 60 milliards d’euros pour le Brexit n’est « pas totalement fausse ».

Günter Oettinger est vice-président de la Commission au budget et aux ressources humaines. Il a auparavant été responsable de l’économie et de la société numériques (novembre 2014 – janvier 2017), et du portefeuille énergétique (février 2010 – novembre 2014). 

En prévision du cadre financier pluriannuel, les discussions seront hautement influencées par les négociations du Brexit et le vide financier que le Royaume-Uni laissera derrière lui. Si je ne me trompe pas, vous avez estimé ce vide à neuf milliards d’euros…

Au moins neuf à douze milliards d’euros.

Il faudra non seulement procéder à des coupes budgétaires, mais aussi obtenir des ressources supplémentaires des États membres restants. Dans quels secteurs l’UE pourra-t-elle procéder à des coupes budgétaires, étant donné que de nouvelles priorités ne cessent d’émerger?

Pour valider le cadre financier pluriannuel, il faut un vote à l’unanimité des 27 chefs d’État et de gouvernement et de tous les membres du Conseil. Pour obtenir un oui des contributeurs nets et des États membres utilisant nos programmes et nos fonds de manière intensive, nous devons trouver une solution équilibrée, un compromis. Je suis actuellement en contact avec plusieurs ministres pour préparer le terrain afin de m’assurer que la proposition de la Commission soit acceptée. Certains programmes risquent de disparaître et les contributeurs nets risquent d’être davantage sollicités.

Préconisez-vous de procéder à des restrictions budgétaires plutôt que de supprimer des programmes tout entiers?

Je pense que nous devons examiner la situation rubrique par rubrique, programme par programme. Le pourcentage de réduction des dépenses ne doit pas toujours être le même. Par exemple, j’essaierais d’éviter des restrictions trop importantes dans notre programme de recherche, Horizon 2020. Je suis convaincu de l’efficacité des projets de recherche européens.

La politique agricole commune devra-t-elle subir d’importantes coupes budgétaires?

Nous verrons.

Les contributeurs nets devront-ils payer la moitié des neuf à douze milliards d’euros? Ou bien y aura-t-il plus de coupes budgétaires que de fonds supplémentaires, au vu de la réticence des États membres de contribuer davantage au budget européen?

Pour le moment, parler de 50-50 n’est pas totalement faux. Mais je donnerai une réponse plus précise une fois que je me serai entretenu avec mes collègues, tous les ministres concernés et les membres du Parlement. Pour être tout à fait juste, il faudrait trouver une solution qui soit entre ces deux options.

Un Brexit avec ou sans accord avec l'UE n'aura pas les mêmes conséquences

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Pensez-vous que l’estimation de 60 milliards d’euros à régler par Londres pour la facture du Brexit est correcte?

Nous vérifions encore les comptes. Mais je pense que ce chiffre n’est pas totalement faux.

Parmi les scénarios présentés dans le livre blanc de la Commission, lequel préférez-vous?

Je dirais un mélange entre plus d’Europe, une Europe à plusieurs vitesses et faire moins, mais de manière plus efficace.

Certaines des propositions les plus controversées pour approfondir l’intégration européenne, notamment concernant l’Union économique et monétaire, pourraient être débloquées après les élections allemandes. Un exemple concret en est le système de garantie des dépôts européen. La Commission européenne a fait une proposition et nous connaissons la position de l’Allemagne. Pensez-vous qu’après les élections, la chancelière Angela Merkel ou le candidat social-démocrate Martin Schulz donneront leur feu vert à ces mesures?

Le système que vous avez mentionné est capital. Mais c’est un débat en cours. Pour trouver une solution, nous avons besoin d’une phase de transition. Tout d’abord, tous les États membres doivent mettre en place leur propre programme national pour le secteur bancaire. S’ils présentent des caractéristiques comparables, nous pourrons alors les rassembler. Notre proposition était pour 2024. Il semblerait qu’elle soit repoussée à 2028.

Et pourtant, le gouvernement allemand semble réticent au progrès. Conseilleriez-vous à Angela Merkel de faciliter une solution?

Mon conseil serait de ne pas bloquer la proposition. Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, ne la bloque pas. Ne pas avoir de programme au niveau européen n’est pas une solution. Pour intégrer davantage l’Allemagne, quels changements peuvent-être mis en place? Il faudrait établir une stratégie intelligente pour les semaines et les mois à venir.

Wolfgang Schäuble a déclaré que Martin Schulz agissait de « manière populiste » parce qu’il encourageait l’idée de « redonner son prestige à l’Europe ». Pensez-vous que Wolfgang Schäuble a été trop loin?

Il a été loin – pas trop loin. Mais je pense qu’il est important, dans une campagne au niveau national, d’observer des différences entre les candidats et les partis. Davantage de citoyens se sentent ainsi intéressés. Le problème en Allemagne était qu’une coalition entre le CDU et le Parti social-démocrate avait bénéficié aux populistes d’extrême droite. Maintenant, il y a plus de nuances.

Pensez-vous que Martin Schulz est un populiste?

Nous sommes tous populistes. Mais je pense qu’il est populiste d’une manière acceptable, et je suis persuadé que la campagne sera très intéressante. C’est bon pour la démocratie. Je pense qu’Angela Merkel restera à la chancellerie, mais Angela Merkel et Martin Schulz rendent la vie difficile au partis plus petits, tels que l’AfD.

Pensez-vous poursuivre l’objectif de votre prédécesseur, à savoir que 40 % de femmes accèdent à des postes à hautes responsabilités au sein de la Commission d’ici 2019?

Nous suivons la situation mois après mois, en analysant les progrès réalisables. 40 % est un taux ambitieux, mais pas irréaliste. C’est une décision qui a été prise par le collège dans son ensemble, j’ai donc l’intention de faire de mon mieux pour atteindre cet objectif.

L’année dernière, vous avez déclaré que si les femmes n’accédaient pas à des postes de direction en Chine, c’était parce qu’il n’y avait pas de quotas pour l’embauche des femmes. Certains ont sous-entendu que pour vous, les femmes ne sont pas capables d’accéder à de tels emplois par elles-mêmes et qu’elles avaient besoin de quotas. Que leur répondez-vous?

Un quota de femmes contraignant serait très difficile à mettre en place au vu des traités, qui n’autorisent pas la discrimination. Je pense qu’il faut soutenir les femmes, et nous avons de nombreux instruments politiques à notre disposition pour le faire. Plus de 50 % de notre personnel est composé de femmes, et elles ont, je pense, en moyenne, cinq ans de moins que les hommes qui travaillent ici. Un véritable élan positif s’est mis en place ces dernières années. Par ailleurs, notre programme de réduction annuelle de 1 % du personnel arrivera à son terme à la fin de l’année. À partir de l’année prochaine, chaque emploi disponible pourra donc être pourvu.

Jeroen Dijsselbloem a accusé les pays ayant reçu des aides financières de dépenser cet argent en « alcool et en femmes ». Pensez-vous qu’il doive s’excuse? [Jeroen Dijsselbloem s’est finalement excusé après cette interview]

Ce n’est pas à moi de commenter ses propos. Au-delà de cela, son travail en tant que président de l’Eurogroupe a été remarquable. Nous devons nous concentrer sur ce point-là.

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Vous avez également dû vous excuser pour certains de vos commentaires. Vous avez été impliqué dans l’approbation de la construction de la centrale nucléaire de Paks II en Hongrie. Vous vous êtes rendu à Budapest…

Je suis allé en Hongrie, oui, mais en tant qu’intervenant dans une conférence sur la numérisation de l’industrie et la conduite autonome, ni plus, ni moins.

Mais vous avez aussi rencontré le Premier ministre, Viktor Orbán. Avez-vous parlé du projet Paks II?

Nous avons parlé de l’automatisation en cours en Hongrie, tout comme cela est également le cas en Slovaquie et en République tchèque. Viktor Orbán est très intéressé par l’élaboration de champs d’essais pour les voitures connectées. En juillet, la Hongrie présidera le groupe de Visegrád. Elle axera sa présidence sur la conduite automatique et donc la numérisation du secteur automobile.

Pensez-vous que l’approbation de Paks II a permis d’améliorer les relations de Budapest avec Bruxelles et Berlin?

Avec Berlin, je ne sais pas. Je tiens à préciser que le droit européen a été la base juridique pour l’approbation de Paks II. J’ai été impliqué dans la technologie nucléaire en tant que commissaire à l’énergie. Les États membres disposant de l’énergie nucléaire m’ont plusieurs fois dit: « Vous êtes si agressif contre le nucléaire avec vos tests de résistance. » Quant aux États membres n’ayant pas d’énergie nucléaire, ils m’ont accusé d’être un lobbyiste. Je voudrais simplement rappeler que la décision d’utiliser ou non le nucléaire en vertu de notre traité ne dépend pas de la Commission, mais des États membres.

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