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L’origine du « cabinet noir », évoqué par François Fillon

S’appuyant sur les révélations d’un livre, le candidat des Républicains a dénoncé, jeudi, sur France 2, l’existence d’un « cabinet noir » à l’Elysée dont le but serait de le cibler.

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Publié le 24 mars 2017 à 14h27, modifié le 25 mars 2017 à 06h43

Temps de Lecture 3 min.

« Le cabinet noir, ou les pantins du XIXe siècle », une caricature française de 1815.

« On cherchait un cabinet noir, on l’a trouvé », a lancé François Fillon, jeudi 23 mars, sur le plateau de « L’Emission politique » de France 2. Le candidat du parti Les Républicains (LR) à l’élection présidentielle évoquait un complot contre sa personne, une intrigue dirigée, selon lui, depuis l’Elysée.

A l’origine, le sens de l’expression est différent, rappelle le docteur en histoire Xavier Mauduit : « Un cabinet noir, c’est un service secret des postes chargé de décacheter des lettres, de les lire, de les recacheter ; tout ça, ni vu ni connu. »

Selon lui, le principe de ce type d’organisation au service du souverain « est un classique depuis que la poste existe » : « Louis XIII et Louis XIV auraient été de fieffés indiscrets », explique-t-il. Idem pour Louis XV et Louis XVI, avant que cette pratique soit dénoncée par la Révolution française – sans pour autant revenir sur le principe.

Le Monde illustré, un hebdomadaire du XIXe siècle, écrit le 12 août 1871 que « Louis XVI voulut abolir le cabinet noir, mais son entourage, invoquant la raison d’Etat, obtint qu’il le conservât. »

Le journal en précise par ailleurs le fonctionnement : « Les lettres et réponses étaient soigneusement ouvertes à la poste et portées au roi. La règle était que le travail relatif à l’ouverture des lettres ne devait avoir lieu qu’entre le roi et l’intendant [on parlerait d’un ministre ou d’un préfet aujourd’hui] des postes. »

Le terme revient à la fin du XIXe siècle

Avec le développement de la correspondance privée et la réforme postale de 1848 – qui instaure un frais de port bon marché payé par avance, et non plus à l’arrivée –, le fonctionnement même d’un cabinet noir n’était plus matériellement possible sous cette forme dès la seconde moitié du XIXe siècle. Le terme reviendra à la fin du XIXe siècle avec les « affaires », malgré la fin de la monarchie en France.

Dans l’affaire Fillon, le sens de cabinet noir n’est pas à chercher du côté de l’Ancien Régime et de la surveillance de quelques personnes sélectionnées par le monarque. Dans la bouche du cabinet des Républicains, un cabinet noir semble être une organisation occulte destinée à monter des opérations de fuites orchestrées, voire d’instrumentalisation de la justice.

L’accusation de cabinets noirs est aussi ancienne que les affaires en politique. En 1979, par exemple, un certain Edouard Balladur – secrétaire général du président – évoquait une « expression risible » à propos de « cabinets occultes ou de cabinets noirs » de Georges Pompidou pour « tous ceux qui ont connu l’Elysée ».

Il faut reconnaître que l’Elysée dispose de moyens de renseignement qui ont parfois pu être dévoyés. Longtemps, ce fut le service des renseignements généraux et ses célèbres « notes blanches », des informations souvent non sourcées, qui remontaient à l’Elysée de toute la France. Ils ont été remplacés, depuis, par la Direction générale de la sûreté intérieure (DGSI).

De François Mitterrand à Nicolas Sarkozy

Dans les années 1980 éclate l’affaire des écoutes de l’Elysée : une cellule pratiquait, sous la présidence Mitterrand, des écoutes téléphoniques sur un certain nombre de personnalités et dans une opacité totale, de 1983 à 1986. Finalement, la justice a condamné sept proches de du président pour « atteinte à l’intimité de la vie privée ».

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Quelques années plus tard, c’est Jacques Chirac qui sera accusé d’avoir, lui aussi, un cabinet noir, chapeauté par Dominique de Villepin, et qui serait, selon certains, à l’origine de l’affaire Clearstream.

Sous la mandature de Nicolas Sarkozy – dont François Fillon était le premier ministre –, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, future DGSI) est soupçonnée d’avoir fomenté des opérations illégales sous le patronage de son directeur, Bernard Squarcini. Ce dernier a d’ailleurs été condamné dans l’affaire des « fadettes du Monde » pour avoir surveillé des journalistes dans le but de découvrir leurs sources.

Le cabinet noir cité par François Fillon serait donc le dernier dérivé de ce type de pratiques. Mais le candidat LR, qui disait s’appuyer sur les révélations d’un livre, a aussitôt été contredit par Didier Hassoux, un des coauteurs de l’ouvrage, qui a démenti avoir « jamais écrit ça ».

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