ÉTATS-UNIS - Pari perdu pour Donald Trump. Ce vendredi 24 mars, le président américain jouait gros avec le vote de l'abrogation de l'Obamacare. Lui qui se targue d'être un négociateur hors pair vient de perdre une manche emblématique en retirant son projet de réforme faute de majorité au Congrès. Un énorme échec politique.
Le président américain, après d'innombrables réunions, avait décidé jeudi soir de mettre fin aux marchandages et lancé un ultimatum à son camp: approuvez la réforme, ou laissez Obamacare en place. Le pari du milliardaire était que les républicains n'oseraient pas faire échouer la première grande loi du mandat, et se fâcher avec lui. A fortiori après la suspension en justice de son autre grand projet phare, la fermeture des frontières aux ressortissants de certains pays musulmans. Un pari perdu.
Donald Trump "a fait tout ce qui était possible"
Il a mis tout son poids dans la balance, se rendant même personnellement au Congrès et passant d'innombrables coups de fil pour tenter de convaincre les républicains frondeurs pour qui la loi va, soit trop loin dans le démantèlement de la législation phare de l'ex-président Barack Obama soit pas assez, comme c'est le cas des ultra-conservateurs du Freedom Caucus.
La majorité de la Chambre des représentants s'est fracassée sur le projet de remplacement d'Obamacare, loi signée en 2010 par Barack Obama et qui va, a redit le dirigeant républicain, "exploser". Un vote, d'abord prévu jeudi puis repoussé à vendredi, a finalement été annulé quelques minutes avant.
"C'est une déception", a déclaré Paul Ryan, défait, lors d'une conférence de presse. "Nous étions très proches, mais nous n'avons pas obtenu de consensus. C'est pourquoi j'ai estimé qu'il était plus sage de ne pas voter et de retirer le texte, en réfléchissant à la prochaine étape".
"C'est un revers, à l'évidence", a aussi dit le "speaker", confirmant une évidence: "Obamacare est la loi, et restera la loi tant qu'elle ne sera pas remplacée". Sean Spicer, porte-parole de la Maison Blanche, avait préparé le terrain en affirmant plus tôt que Donald Trump avait "fait tout ce qui était possible" pour que la loi passe. Sur 237 élus républicains, une grosse trentaine s'étaient déclarés contre le texte, s'ajoutant aux 193 démocrates de l'opposition.
Majorité déchirée
Le texte aurait sabré les aides publiques aux personnes qui n'ont pas d'assurance santé grâce à leur employeur et doivent financer elles-mêmes leur couverture.
Quelque 14 millions de personnes seraient sorties du système d'assurance maladie dès l'année prochaine, selon les prévisions. Les coûts individuels auraient augmenté, et des services essentiels instaurés par Obamacare, tels que les urgences et les soins grossesse, n'auraient plus été obligatoirement couverts. Plusieurs républicains modérés ont donc fait défection.
De l'autre côté du parti, les ultra-conservateurs du "Freedom Caucus" disaient que le plan républicain n'était qu'une version édulcorée d'Obamacare, conservait trop de réglementations coûteuses et n'aurait pas permis de faire baisser les prix.
Le pari du milliardaire était que les républicains n'oseraient pas faire échouer la première grande loi du mandat, et se fâcher avec lui. Les élus ont estimé que le coût politique de soutenir la loi serait plus élevé que celui de défier le président.
Etape suivante: la réforme fiscale
Donald Trump avait laissé la rédaction de la réforme à Paul Ryan, le quadragénaire qui préside la Chambre depuis 2015, et que le camp pro-Trump pourrait désormais accabler.
Des médias conservateurs ont commencé à attaquer préventivement le "speaker" ces derniers jours pour la défaillance de sa stratégie et le contenu de sa loi, qui aurait frappé une partie de l'électorat populaire du milliardaire. Paul Ryan avait été longuement reçu jeudi 23 en milieu de journée à la Maison Blanche, pour confirmer de vive voix au président qu'il n'avait pas les voix requises.
Globalement, la trentaine d'élus rebelles du Freedom Caucus avait témoigné de l'engagement indéniable du président dans la négociation, confirmant indirectement que la défaite est aussi à mettre au passif du locataire de la Maison Blanche.
Dans la foulée de cet échec, Donald Trump s'est adressé à l'Amérique depuis le bureau Ovale. Il a notamment affirmé que son projet de loi sur la santé était "tout près" d'être adopté, avant d'être retiré faute de majorité, et promis que son gouvernement allait engager "probablement" une réforme fiscale.
Le dirigeant républicain a aussi redit que l'actuelle loi sur la santé de son précédesseur "Obamacare", qu'il voulait abroger, allait "exploser".
Les internautes pro-Obamacare ont célébré cette victoire à leur manière sous l'hilarant hashtag #killthebill (tue-la-loi):