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MEXIQUE

Bizutage humiliant dans une prison mexicaine : "Les détenus ont le contrôle"

Capture d'écran de la vidéo prise dans la prison d'Apodaca (État du Nuevo León), ayant commencé à circuler sur les réseaux sociaux à la mi-mars.
Capture d'écran de la vidéo prise dans la prison d'Apodaca (État du Nuevo León), ayant commencé à circuler sur les réseaux sociaux à la mi-mars.
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Une vidéo montrant des prisonniers dénudés en train de laver le sol, insultés et maltraités par d’autres détenus, circule sur les réseaux sociaux depuis la mi-mars. La scène s'est déroulée dans une prison de l’État du Nuevo León, dans le nord-est du Mexique. Pour notre Observatrice, elle est révélatrice des violations des droits de l’homme qui sont commises dans les établissements pénitentiaires du pays, où les détenus font la loi, sur fond de rivalités entre cartels.

Selon l’ONG de défense des droits de l’homme "CADHAC", basée dans l’État du Nuevo León, cette vidéo a été diffusée pour la première fois sur un compte Twitter le 14 mars, avant d’être partagée sur les réseaux sociaux et par des médias nationaux. France 24 a choisi de ne montrer que des captures d’écran floutées de cette vidéo.

On y voit trois hommes portant des sous-vêtements féminins – strings, soutien-gorge et bustier – qui avancent à quatre pattes et frottent le sol avec des tissus. L’un d’eux est amputé à la jambe droite. D’autres hommes les regardent : ils se moquent d’eux et les traitent de "chiennes". Trois d’entre eux leur donnent également des coups de pied. On voit ensuite trois autres hommes dénudés, réalisant les mêmes tâches, ainsi que des seaux d’eau posés sur le sol.

Captures d'écran de la vidéo, floutées par France 24.

Cette vidéo a été tournée dans la prison d’Apodaca, une commune située dans la zone métropolitaine de Monterrey, la capitale du Nuevo León. Elle a probablement été enregistrée par l’un des prisonniers, à une date qui reste inconnue. Seule certitude : la scène s’est déroulée après le 23 février, puisque l’homme amputé, que l’on voit sur les images a été arrêté ce jour-là. Il s’agit de Daniel Gustavo Valencia Treviño, l’un des leaders du "Cartel du nord-ouest".

"Les nouveaux arrivants sont souvent humiliés et maltraités : c’est un rituel"

Maïssa Hubert fait partie de "Documenta", une ONG mexicaine de défense des droits de l’homme. Elle travaille notamment sur les prisons.

En dehors de Daniel Gustavo Valencia Treviño, on ne connaît pas l’identité des autres prisonniers humiliés dans la vidéo. Mais on peut supposer qu’ils appartiennent au même cartel, ou qu’ils sont arrivés le même jour que lui dans cet établissement. En effet, dans les prisons mexicaines, les nouveaux arrivants sont souvent humiliés et maltraités : c’est un rituel. C’est d’autant plus vrai lorsque l’administration pénitentiaire est défaillante, comme c'est le cas dans le Nuevo León [comme l'a établi un rapport de la Commission nationale des droits de l’homme publiée en 2015].

Par ailleurs, les hommes qui humilient ces six prisonniers appartiennent probablement à un cartel rival. [L'ONG "CADHAC" a indiqué à France 24 qu'il y avait des hommes appartenant à des groupes rivaux dans cette vidéo.] Cela met en lumière un problème chronique : dans les prisons du Nuevo León, les autorités pénitentiaires ont du mal à séparer les membres de cartels rivaux, alors que c’est nécessaire pour protéger leur intégrité physique. À titre d’exemple, c’est notamment une brouille entre cartels qui avait provoqué une mutinerie l’an passé à la prison de Topo Chico, à Monterrey, faisant 49 morts.

"C’est la première fois qu’une vidéo montrant les maltraitances de façon aussi crue est diffusée"

Même si cela fait des années que les violations des droits de l’homme dans les prisons mexicaines sont dénoncées par divers organismes, c’est la première fois qu’une telle vidéo est diffusée, montrant des maltraitances de façon aussi crue. Cela montre également le niveau de contrôle exercé par les prisonniers à l’intérieur des prisons. Un an après la mutinerie de Topo Chico, on se rend compte que rien n’a été fait pour améliorer cela…

"Ces tensions pourraient se répercuter à l’extérieur de la prison"

La diffusion de cette vidéo a provoqué la réaction du "Cartel du nord-ouest", qui a déployé des banderoles dans le Nuevo León, promettant des représailles pour l’humiliation subie par ses membres dans cette prison. C’est grave car cela pourrait aussi déboucher sur des affrontements à l’intérieur de la prison, que l’administration pénitentiaire aurait forcément du mal à contrôler. En outre, lorsqu’il y a des tensions entre cartels à l’intérieur des prisons, cela se répercute souvent à l’extérieur.

D’une manière générale, cela fait très peu de temps que l’on voit des images de l’intérieur des prisons mexicaines. En janvier, de nombreuses vidéos tournées dans le Reclusorio Norte, une prison de Mexico, avaient filtré, révélant le trafic de drogues et d’autres activités réalisées sur place avec la complicité des fonctionnaires… [Début mars, une autre vidéo avait également montré des prisonniers dénudés, contraints de réaliser des exercices en plein air malgré les fortes chaleurs, dans un établissement de Torreón, dans l’État de Coahuila.]

À la suite de la diffusion de la vidéo, trois fonctionnaires travaillant dans la prison Apodaca ont été révoqués pour ne pas avoir prévenu leurs supérieurs que ces faits s’étaient produits. Une enquête a été ouverte pour faire la lumière sur leur part de responsabilité. Les autorités ont néanmoins précisé que ces fonctionnaires avaient reçu des "menaces" de la part du crime organisé.

L'établissement d’Apodaca avait déjà été épinglé par la Commission nationale des droits de l’homme, une entité gouvernementale, dans un rapport publié en 2015, qui évoquaient notamment des problèmes de "surpopulation carcérale", de "prévention des violations des droits de l’homme" et l’autorité exercée par certains prisonniers. Dans ce rapport, l’État du Nuevo León faisait d’ailleurs partie des "mauvais élèves".

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