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Montebourg et les patrons, les secrets d’une réconciliation

ANALYSE Après avoir exaspéré les industriels par ses déclarations à l’emporte-pièce, le ministre du ­Redressement ­productif a désormais la cote auprès des grands patrons.

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Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif

Par Emmanuel Grasland

Publié le 25 févr. 2014 à 19:08

Mais que s’est-il passé chez Arnaud Montebourg ? Après avoir exaspéré les industriels par ses déclarations à l’emporte-pièce, le ministre du Redressement productif a désormais la cote auprès des grands patrons. Les uns louent « l’écoute de son ministère », sa « connaissance des dossiers », les autres, sa capacité d’action. « Lorsque l’on vient le voir, on sait qu’il faudra négocier dur pour réaliser la restructuration voulue, mais on sait aussi que l’on aura un appui », explique un proche des dirigeants du Cac 40. A quoi tient ce changement de perception ?

Lorsqu’il prend ses fonctions, en mai 2012, il y a le feu à la maison industrie. Gelés jusque-là pour cause d’élections, les plans sociaux se multiplient, mais on va voir ce que l’on va voir... Le chantre de la démondialisation endosse son costume de pompier et pourfend les patrons. Peugeot, Sanofi et Mittal sont tour à tour étrillés. «Nous n’avons pas une confiance extra­ordinaire dans ce que nous dit aujourd’hui la direction de Peugeot. Il y a eu des dissimulations », martèle-t-il en juillet 2012, après l’annonce de la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois (93). Même schéma avec Sanofi, qui veut supprimer des postes dans sa recherche française. « Sanofi débarque à Bercy pour nous dire : “Nous envisageons plusieurs milliers de suppressions d’emplois.” Que ne l’avez-vous pas dit plus tôt ? Car, l’année dernière, vous faisiez 5 milliards d’euros de bénéfice », s’exclame au Sénat l’ancien avocat.

Mais c’est avec Mittal que la tension atteint son paroxysme à l’automne lorsque le ministre défend l’option d’une nationalisation temporaire des hauts-fourneaux de Florange. « Nous ne voulons plus de Mittal en France», déclare-t-il à l’encontre d’un groupe qui emploie 20.000 salariés dans l’Hexagone. Le ministre estime que « les mensonges de Mittal depuis 2006 sont accablants » et qu’il «n’a jamais tenu ses engagements » vis-à-vis de l’Etat. Ces trois bras de fer marquent les esprits. A l’époque, les gens s’interrogent tout simplement sur la capacité d’Arnaud Montebourg à comprendre l’économie… « Quand il dose ainsi ses discours, c’est qu’il veut établir un rapport de force, explique un proche. On peut toujours réinterpréter ses propos mais, au final, le plan de Sanofi s’est fait avec des pertes d’emplois moins importantes qu’au début. »

A partir de début 2013, le discours change néanmoins. Et, avec lui, la perception du monde patronal. Lorsque Renault négocie des accords de compétitivité, le ministre presse les syndicats de signer, malgré les 7.500 suppressions de postes prévues sur trois ans. « Ce sont des propositions qui peuvent être discutées, mais qui me paraissent être, par rapport aux risques que court l’industrie française et européenne, des efforts modérés», estime le ministre. En mai, l’intervention de Montebourg dans le dossier Dailymotion suscite néanmoins un regain de tension. Elle irrite une partie de la high-tech, qui y voit un veto du gouvernement au rachat du site de vidéo par Yahoo!. Il faudra attendre Michelin pour que la donne commence vraiment à changer. En juin, le manufacturier annonce la suppression de 700 postes dans son usine tourangelle de Joué-lès-Tours. Le groupe, qui a pris soin d’annoncer en même temps un investissement de 800 millions d’euros en France, veut transférer la production de pneus poids-lourds à La Roche-sur-Yon. La réaction d’Arnaud Montebourg est modérée. Le défenseur du made in France demande à Michelin « un certain nombre de précisions», assure les salariés de sa « vigilance extrême », mais note que, pour la France, le bilan global reste «positif ». Bref, au fil des jours, les saillies du ministre ne visent plus les patrons, mais une Direction du Trésor qui n’a eu de cesse de défendre les banques et les services face à l’industrie, une Commission «incompétente», ou un euro «trop cher». Des cibles qui ne cessent d’ailleurs de monter en puissance à l’approche des élections municipales et européennes afin d’occuper l’espace face au Front national. Les patrons, eux, peuvent rester sereins. « Je ne déteste pas les grands patrons. Je n’aime pas les cons. C’est différent», explique Arnaud Montebourg au « Monde » en septembre.

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Dans le même temps, l’homme peut enfin revendiquer des victoires sur le front des usines. Ses équipes ont réussi la reprise du site Rio Tinto de Saint-Jean-de-Maurienne par l’allemand Trimet et celle du chimiste Kem One par un fonds et par l’industriel Alain de Krassny. Après Florange, Petroplus ou Good­year, ces opérations redorent le blason du ministre auprès des industriels et permettent de récuser son image de don Quichotte.

Qui plus est, Arnaud Montebourg a délaissé son costume de pompier pour celui d’architecte, en présentant en septembre 34 plans pour la « nouvelle France industrielle ». L’Etat se contente d’un rôle de facilitateur et laisse aux industriels le pilotage des projets. Une approche appréciée par le secteur.

Pour son entourage, c’est la montée en puissance de ces initiatives (commission Lauvergeon, 34 plans, création d’une compagnie nationale des mines) qui explique que Montebourg passe bien auprès des patrons, après un début de période très compliqué. L’homme s’emploie d’ailleurs à solder les comptes de cette époque. Interrogé la semaine dernière par Europe 1 à l’occasion de l’accord PSA-Dongfeng, il a pris soin de féliciter le dirigeant actuel du constructeur français, Philippe Varin, « qui a réussi » le deal. «Nous avons parfois eu des mots, mais je veux lui rendre cet hommage. » Une façon de tirer un trait sur les apostrophes du passé.

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